Mystère-Yaoundé: Une femme de 32 ans «disparaît» dans une agence de voyages
DOUALA - 17 Février 2012
© Souley ONOHIOLO | Le Messager
Ekeu Kametcha Audrey, n'a pas donné des nouvelles depuis décembre 2011, au moment où des sources dignes de foi racontent que son nom est inscrit dans le manifeste d'un des bus de l'agence «Garantie Express» et qu'elle avait fait le voyage de Douala pour Yaoundé. Sa famille pointe un doigt accusateur sur une pharmacienne qui s'en défend.
© Souley ONOHIOLO | Le Messager
Ekeu Kametcha Audrey, n'a pas donné des nouvelles depuis décembre 2011, au moment où des sources dignes de foi racontent que son nom est inscrit dans le manifeste d'un des bus de l'agence «Garantie Express» et qu'elle avait fait le voyage de Douala pour Yaoundé. Sa famille pointe un doigt accusateur sur une pharmacienne qui s'en défend.
Il est un peu plus de 08 heures 15
minutes, hier lorsque le reporter du Messager se retrouve devant la
pharmacie Notre Dame de Tsinga, répondant ainsi au rendez-vous avec la
pharmacienne dame Anne Dakayi Kamga, après de nombreux coups de fil
infructueux et un premier rendez-vous manqué. Le fil rouge de la
démarche du reporter du Messager porte sur la disparition de la jeune
Ekeu Kametcha Audrey, âgée de 32 ans, régulièrement basée dans la ville
de Yaoundé. Accusée d'avoir transporté à bord de son véhicule, la
disparue de Yaoundé pour Douala où, toutes les deux ont pris part, les
samedi 17 et dimanche 18 décembre 2011, à la cérémonie de mariage d'un
de leur parent et aux assises de la famille, il est tout à fait opportun
de se diriger vers la pharmacienne, sur qui semble se resserrer l'étau.
Mais alors que le reporter du Messager, rejoint par un confrère,
échangent des civilités avec la pharmacienne, arrive une dame éplorée,
du nom de Yontcheu Lucie, épouse Kametcha Avit. Elle a le regard et le
visage burinés par l'amertume et l'indignation. Au lieu de se diriger
vers les guichets de la pharmacie, elle fonce droit vers Anne Dakayi
Kamga. Les deux dames semblent bien se connaître. Plus tard, on apprend
qu'elles sont cousines.
«Je n'en peux plus d'attendre; voici la 3eme fois que je viens ici, mais tu ne me dis rien de bon. Cette fois-ci, je ne rentrerai pas sans mon enfant. Donne-moi ma fille. Trop c'est trop, si tu l'as vendue dans la sorcellerie, tu vas me la rendre...» Fulmine-t-elle, en réponse aux quelques mots que lui lance sa cousine. De la parole à l'acte, elle empoigne la pharmacienne par le col de sa robe et par la blouse. S'en suit une espèce de tirade et d'affrontement au corps à corps qui va durer une quinzaine de minutes, sous le regard d'une foule de curieux spectateurs et des employés de la pharmacie médusés. Anne Dakayi Kamga n'a la vie sauve que grâce à l'arrivée de son vigile, qui la libère des griffes de la mère de la femme disparue. Cette dernière est jetée hors de l'enceinte de la pharmacie. Loin de s'arrêter à cet incident, Yontcheu Lucie, épouse Kametcha Avit, va se livrer à un exercice spectaculaire. En plus de se livrer en bouclier humain, devant la porte d'entrée de la pharmacie où, elle se dresse pour un sit-in, s'apitoyant et larmoyant, elle se met à table et raconte à tous les passants, les circonstances de la disparition de sa fille, le rôle qu'aurait joué sa cousine qu'elle indexe. «Ce n'est pas la première fois qu'elle vient ici me menacer. Plusieurs fois, elle est venue avec son mari et ils ont dit qu'ils allaient me tuer. Elle parle de la disparition d'une fille. Elle était majeure quand même», rétorque Anne Dakayi Kamga. Devant la dure réalité que lui impose Yontcheu Lucie qui décide de ne pas quitter la porte d'entrée de la pharmacie, Anne Dakayi Kamga qui craint un manque à gagner énorme dans ses affaires, appelle les éléments de la Police du commissariat du 8ème, pour embarquer Yontcheu Lucie, par voie de force. Alors que nous allions sous presse, la plaignante n'avait toujours pas encore été libérée. Les circonstances de la disparition L'histoire remonte à décembre. Ekeu Kametcha Audrey est nantie d'un Bts en hôtellerie, obtenu à l'école Cemac de Ngaoundéré et d'un Deug, dans les métiers de cuisine. Elle a régulièrement travaillé comme enseignante au collège catholique «le bon berger». On la retrouve tour à tour, gestionnaire de l'hôtel «Clemantis»; puis employée dans les cuisines de l'hôtel Mansel avant sa disparition. «Anne Dakayi Kamga, l'a fait déplacer de Yaoundé pour Douala, où, elle devait assurer le service traiteur du mariage. Après le mariage, dans la journée du dimanche, elle était bien portante et au cours de la réunion, elle a tenu les registres. Cependant, la pharmacienne qui l'avait amenée à Douala est revenue dimanche sans ma fille. Lundi, le 19 décembre, on nous a signalés que Audrey prenait le chemin de retour pour Yaoundé, dans un bus de Garantie Express. Mais depuis lors, nous n'avons aucune trace d'elle. Son nom figure dans le manifeste, elle s'est faite accompagnée à l'agence de voyage par Catherine Tcheumaga, sœur ainée d'Anne Dakayi Kamga. Mais elle reste jusqu'ici introuvable», affirme Kametcha Avit, enseignant d'anglais au lycée de Bafang. Las de rester sans nouvelles de sa fille, il dépose une plainte au commissariat d'Etoudi. A ce jour, il accuse l'officier Onnis Serge Nko, qui mène les enquêtes de «faire du surplace». Dans la journée du mercredi dernier, un tour dans ledit commissariat nous a permis de confirmer qu'une plainte de ce genre a été bien déposée. Même s'il n'a pas voulu se répandre sur le sujet, l'officier Onnis Serge Nko, révèle qu'il y a un tissu de contradictions, de superflu, de mystères, beaucoup de sous-entendus, une pincée de sorcellerie et un parfum de l'irrationnel qui sont tels que l'on ne peut pas s'avancer dans la passion et la précipitation, sous la pression des parents de l'enfant. «Nous savons que Anne Dakayi Kamga en sait beaucoup sur la disparition de notre enfant. Elle change de versions au gré de ses humeurs. Elle a affirmé que l'enfant était kidnappée et détenue dans une cellule au sous-sol du Mansel Hôtel; chemin faisant, elle a indiqué qu'elle avait déjà déboursé une somme de 620.000 FCFA dans la recherche de l'enfant; néanmoins et malgré cette dépense, les ravisseurs en redemande encore une rallonge de 900.000 FCFA. C'est de la sorcellerie qu'elle pratique», souligne Kametcha Avit. Le plaignant va plus loin en faisant valoir le chantage. «Quand bien même nous avons réuni cette somme manquante pour donner à la pharmacienne, elle a estimé que pour qu'elle fasse libérer ma fille, je devais renoncer à la procédure judiciaire, en retirant ma plainte du commissariat. Le simple fait que Anne Dakayi Kamga, soit revenue en refusant de ramener Audrey, est suspect. Elle est au centre de la manipulation», croit-il savoir. La volteface d'Anne Dakayi Kamga Après les échauffourées avec sa cousine, la pharmacienne est passée à table. Elle a reconnu pour le moins, avoir transporté la jeune femme aujourd'hui recherchée, à bord de son véhicule pour Douala. «Pendant tout le voyage, nous n'avons fait que prier. Nous avons récité le Rosaire. Le jour du mariage, Audrey, habillée d'une grande et belle robe avait un très grand sourire. Elle a beaucoup dansé et était très enthousiaste. Après la réunion du dimanche, je lui ai fait savoir qu'on rentrait immédiatement sur Yaoundé; mais elle a refusé, au prétexte, qu'elle voulait rendre visite à sa cousine et à son oncle Pierre. Plus tard, j'ai appris mais déjà à Yaoundé, que ses multiples tours l'ont profondément déçue et elle a sombré dans les pleurs. Cela a produit en elle un choc qui l'a plongée dans la déprime et une dépression nerveuse. On l'a mise manu militari dans le bus; son état était critique; on a écrit mon numéro de téléphone dans un bout de papier et mis dans son sac au cas où... Dans le même temps, on a appelé son petit frère Bruno Kametcha à qui on a demandé de l'attendre à l'agence. Mais Bruno n'est pas allé la chercher. Le bus est effectivement arrivé à Yaoundé. Mais on ne sait pas ce qui est arrivé à Audrey. Je ne suis responsable de rien. Toutes les accusations portées contre moi, quant à savoir que je sais quelque chose de là disparition de Audrey, sont fausses», explique la pharmacienne. Elle se dit choquée par la démarche entreprise par Kametcha Avit qui est allé porter plainte alors que, elle également était préoccupée par les recherches. «J'ai demandé à son père si Audrey avait des problèmes psychologiques; il m'a dit qu'elle avait pendant sa tendre enfance, connu des perturbations de cet ordre-là. Il est possible qu'en rajoutant à la déprime, elle a piqué une crise. C'est aussi la faute à Bruno, qui n'est pas allé la chercher» S'agissant des questions sur les sommes d'argent avancées ci-dessus, Anne Dakayi Kamga nie totalement les faits. «Je n'ai pas avancé des sommes j'ai simplement dit que les renseignements et les recherches coûtent chères. Surtout si on s'attache les services d'un détective, il faudrait mobiliser beaucoup d'argent. Encore que les recherches d'un être humain, ne coûtent pas 900.000 FCFA. Je suis surprise d'être accusée, alors que je n'ai rien fait de mal. Sauf à penser que mon seul crime est d'avoir aidé ma nièce qui est une adulte et qui avait des problèmes économiques. Encore que c'est une adulte lasse de vivre seule. Peut-être qu'elle est allée chez un copain. Je voulais qu'on fasse un front commun pour retrouver l'enfant, mais je ne savais pas que l'affaire se retournerait contre moi», conclut-elle. Il reste que le problème demeure intact. Ekeu Kametcha Audrey n'a toujours pas fait signe de vie. Ses parents continuent d'accuser la pharmacienne. Au fil des jours, les soupçons prennent de l'ampleur, d'autant que selon eux, Anne Dakayi Kamga qui nie n'avoir pas pris langue avec les ravisseurs; elle qui dément avoir prononcé les sommes d'argent (620.000 FCFA et 900.000 FCFA), refuse une confrontation avec ceux à qui, elle a fait ces déclarations. Aux forces policières et judiciaires, de démêler l'écheveau. Pour le moins l'affaire s'annonce riche en rebondissements. |
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