Mouvements :« La grande muette » : des décrets si parlants…
Journal La Nouvelle Expression du 14/03/2011
Mise à la retraite de certains Généraux. Limogeage en douce du Commandant de la Garde Présidentielle. Succession ouverte au poste d’aide de Camp du président de la République. Les récents textes du Chef des Armées pèsent de leur charge lourde.
Les décrets du Chef de l’Etat ont pu faire l’effet d’une sourde détonation. A défaut d’une déflagration. Par bien des aspects, ils se sont avérés audible à des oreilles initiées.
1 -Le front du repli
D’abord, ce sont des mises à la retraite de facto, de quatre Généraux. Il suffit pour s’en convaincre d’observer que le quatuor des généraux « admis à la deuxième Section du cadre des Officiers Généraux des Forces de Défense », perd dans le même temps, une série de postes. Il en va ainsi de Oumaroudjam Yaya, qui est remplacé par au poste d’Inspecteur Général de la Gendarmerie par le Général de Division Roland Mambou Deffo ; de Pierre Semengue, qui cède son fauteuil de Contrôleur Général des Armées au Général de Division Camille Nkoa Atenga ; de Jean Nganso Sunji auquel est substitué le Vice-amiral Ngouah Ngally Guillaume au poste d’Inspecteur Général des Armées ; ou encore de James Tataw Tabe, qui perd son képi de Conseiller Logistique au profit du Général de Division Benoît Asso’o Emane.
Ces mises à la retraite plutôt douces constituent l’une des mesures fortes des récents décrets présidentiels. Elles semblent témoigner d’un certain courage de la part d’un Chef des armées que beaucoup trouvaient hésitant sur cette question sensible, qui tient en haleine aussi bien une bonne partie de l’armée qu’une certaine opinion, depuis de longues années. Elles sont aussi ces symboliques, ces mesures. A plus d’un titre. Elles touchent quatre figures parmi les plus emblématiques de l’histoire de l’armée camerounaise, sur une période de plus d’un demi-siècle. En envoyant loin du théâtre des opérations quatre des généraux parmi plusieurs atteints par l’âge de la retraite depuis des années, ces mesures laissent enfin entrevoir une leçon : la fin de l’immunité des généraux par rapport à la retraite. Elles laissent au surplus prospérer l’idée que la circulation de l’élite militaire n’est pas fictive au sommet. Ce qui, s’agissant d’un mouvement que le Chef des armées laisse l’impression de gérer selon une méthode séquentielle, pourrait atténuer la frustration présumée de colonels qui attendaient les mouvements intervenus le 11 mars, armés d’une bonne dose d’optimisme quant à l’évolution de leur carrière. Mais - autre leçon peu apparente- cette armée sait pouvoir ménager ses grandes figures : ces quatre Officiers généraux, sont désormais investis d’un rôle plus ou moins officieux de « conseiller du président » en matière de Défense, mobilisables à tout moment si les circonstances l’exigent. Signes parmi d’autres : on sait déjà qu’ils conserveront une bonne partie de leur traitement et de leurs avantages. Mais à eux seuls, ils n’épuisent pas l’offre d’interprétation des décrets présidentiels rendus publics le 11 mars 2011.
2- Le front des départs discrets
Trois cas, parmi les dix qui consacrent la promotion des officiers supérieurs au grade de Général, retiennent l’attention des observateurs. Le premier, quoiqu’il n’en laisse rien soupçonner est celui du désormais Chef d’Etat Major de la Marine, le déjà Contre- Amiral, Jean Mendoua. Jusque là Commandant de la Garde Présidentielle, celui qui a fait toute sa carrière dans ce corps d’élite depuis sa sortie de l’EMIA comme sous-lieutenant, bénéficie d’une promotion fort subtile : il gagne en garde, ce qu’il perd en prestige. Il est vrai que la double décision présidentielle aura été précédée d’une « affaire » – non encore totalement élucidée- survenue à un échelon élevée de la Garde présidentielle : autour du 15 février, une histoire de trafic présumé de carburant au sein de cette unité ultrasensible conduisait au décès du capitaine de corvette Roger. L’affaire fit l’effet d’une détonation…
Autre curiosité qui alimente déjà la chronique : le double acte présidentiel touchant le désormais Contre-amiral Jean-Pierre Nsola. Attaché de défense auprès de l’ambassade du Cameroun en Chine, le désormais ex Capitaine de Vaisseau, est propulsé au poste de Contrôleur des armées. Pour certains, ce –dernier poste est pourtant souvent attribué aux Officiers auxquels on aménage la voie de retraite.
Restent deux cas qui tous, s’appliquent à l’entourage du Chef de l’Etat. La nomination au grade de Contre-amiral à la Marine Nationale,
du capitaine de Vaisseau Joseph Fouda. Un grade qui suggère que
l’intéressé pourrait quitter ses fonctions d’aide de camp du président
de la République. Ce
qui, accréditerait l’hypothèse d’une succession ouverte à ce poste de
confiance. Et d’un. Et de deux, le choix d’un intérimaire- le Colonel
Amougou Emmanuel- au poste névralgique de Chef d’Etat major particulier
du président de la République,
semble traduire une certaine circonspection à trouver un successeur
définitivement désigné à la place de feu le général Blaise Benae Mpecke.
3- Un front « déséquilibré » ?
Moins explicite que les autres dimensions, la question des équilibres régionaux qui travaille les décrets présidentiels du 11 mars est loin d’être anodine. Quelques observations suffisent à en dessiner les contours. Les récents mouvements n’ont pas spécialement bénéficié au Sud-Ouest, au Littoral et à l’Est. En revanche beaucoup font remarquer que le « Grand Nord » totalise deux cas de promotion (les colonels Mahamat et Mohamadou Hamadiko passés Généraux de Brigade) et trois positions d’élévation (les Généraux de Brigade Dagafounangso Simon Pierre, Baba Souley et Saly Mohamadou, désormais Généraux de Division). Notable aussi : l’ouverture au Nord-Ouest. Deux de ses « plénipotentiaires » sont présent dans la galaxie des Généraux (Tumenta Chomu Martin et Elokobi Daniel Njock). Pour certains, ce tropisme avantageux dans les terres du SDF flaire bon les échéances électorales prévues cette année. Voire…
Reste que dans ce corps où la comptabilité des étoiles sur les
épaulettes n’indiffère personne, les statistiques tiennent leur…rang.
4- Constats…Généraux
L’économie générale des actes présidentiels tient d’une certaine évidence : un cas d’octroi des « rang et appellation de Général de Corps d’Armée » à l’ex Général de Division René Claude Meka (lequel est confirmé comme une pièce importante du dispositif sécuritaire du régime, puisqu’il garde ses fonctions de Chef d’état major des armées) ; sept situations d’élévation qui concernent des Généraux de Brigade passés Généraux de Division ; dix promotions par lesquelles des colonels sont propulsés au firmament des Généraux de Brigade. Au rang des promus, quelques trajectoires retiennent l’attention : Mohamadou Amadiko (attaché de Défense auprès de l’ambassade du Cameroun au Maroc, et sur qui se profilait le spectre de la retraite) ; Mahamat Ahmed jusque-là chef du secrétariat militaire au ministère de la Défense, qui au surplus hérite de la Brigade des Sapeurs pompiers) ; Toumenta ( dont la progression ne s’est pas effectuée sans ennuis, et qui quitte ses fonctions de Directeur des ressources humaines au ministère de la Défense pour se retrouver au front de la 3e région militaire interarmées dont on sait qu’elle recoupe les contours territoriaux du Grand Nord) ; Ebaka (prend du galon dans un domaine qui ne lui est pas inconnu, puisque le tout nouveau major général à l’état major des Armées, occupait les fonctions de Sous-chef Opération à l’Etat major des armées) ; Momha Jean- Calvin (Chef d’état major de l’Armé de l’air, tout premier successeur de Général Yakana Guebama- de regrettée mémoire- dont un intérim de fait était assuré par le colonel Bell).
Et dire qu’il ne s’agit que d’une rapide revue des troupes…