Mort de Pius Njawe - Reaction du CODE: Paul Biya doit mettre le drapeau du Cameroun en berne
LONDRES - 20 JUILLET 2010 © Brice Nitcheu, CODE | Correspondance |
Mort tragique de Pius Njawe:
Paul Biya doit mettre le drapeau du Cameroun en berne
Pius Njawe a été arraché à la lutte aux Etats-Unis, alors que, poussé par son optimisme légendaire, il répondait à un appel qu’il croyait sans doute être, un appel au devoir patriotique. Au moment de cette tragédie, Paul Biya, l’homme qui l’a oppressé et humilié pendant 30 ans, assistait à un cirque monumental sur les Champs Elysees, ou il faisait défiler un détachement de l’armée camerounaise neo-coloniale, au cours de cérémonies qui ont confirmé le sacre de la Françafrique, une nébuleuse criminelle que Pius Njawe, fier Soldat de la Liberté, a combattue toute sa vie
Apres la vague d’émotions qui a traversé et secoué le Cameroun, l’Afrique et le monde libre à l’annonce de sa mort, et que des opportunistes de tous bords s’affairent autour de sa dépouille, il est maintenant utile de savoir à qui profite la tragédie.
Lorsque Paul Biya prend le pouvoir en 1982, son discours séduisant portant sur une société plus juste, plus prospère et plus démocratique emporte l’adhésion immédiate de Pius Njawe, qui décide d’accompagner la dynamique du « Renouveau » dans tout son processus. Deux ans seulement après son accession au pouvoir, le véritable visage du tyran se dessine. Profitant, en 1984 de l’échec d’un putsch, Paul Biya installe un régime de terreur et de clientélisme maffieux et clanique, construit autour d’une confrérie de corrompus qui déraillent rapidement le projet du « Renouveau ». Dans un contexte ou toute indépendance d’esprit est synonyme de pilori et de bagne, et alors que les Lois d’Exception rempli les prisons d’hommes et de femmes libres, Pius Njawe choisi d’ériger son journal, Le Messager, en surveillant des Libertés, devenant ainsi, la première menace pour la stabilité du nouveau régime. Pendant 30 ans, Pius Njawe a dénoncé les crapules du Renouveau, mis en déroute tous les complots contre le Peuple, et a exposé l’oppresseur dans toute sa nudité. Il était devenu la plaie qui infectait et pourrissait le régime. Il était la mauvaise conscience de Paul Biya. Une audace qui lui a coûté très cher. A qui profite donc la tragédie ?
- Cette tragédie profite avant tout au dictateur Paul Biya et à toute la pègre du régime
- Elle profite à la horde déchaînée de mouchards et d’antigangs qui le suivaient inlassablement et épiaient tous ses gestes, au Cameroun et à l’extérieur, et qui vont devoir maintenant prendre leur retraite, ou changer de métier
- Elle profite à la cohorte de militaires, de gendarmes et de policiers corrompus qui pendant 30 ans ont encerclé, occupé, puis scellé Le Messager, détruit sa radio, Freedom FM, et harassé sa famille et ses employés
- Elle profite aux Régisseurs et aux gardiens de prison véreux et à toutes les canailles du système judiciaire, qui perdent ainsi leur client le plus célèbre et le plus régulier, et qui n’auront plus à redouter d’être dépeints dans le « Bloc Notes du Bagnard »
- Elle profite aux pilleurs et à tous les voleurs de la république qui se débarrassent ainsi de leur dénonciateur le plus redoutable et le plus audacieux
- Elle profite à la légion de sous-préfets, préfets, gouverneurs et autres membres d’Elecam, qui peuvent désormais tripatouiller les bulletins de vote, sans être dénoncés avec la même audace, le même talent
- Elle profite aux nombreux « inspecteurs des impôts » téléguidés par le régime, qui n’auront plus à placer Le Messager « sous redressement fiscal »
- Elle profite à Vincent Bollore, le Tarzan des tropiques, et aux réseaux maffieux et criminels de la Françafrique qui pillent le Cameroun et l’Afrique, et qui vont devoir maintenant se frotter les mains et retirer la plainte portée contre Pius Njawe à Paris pour « dénonciation calomnieuse »
- Elle profite à Nicolas Sarkozy, le digne héritier des colons, qui peut continuer de mettre au pas les troupes de l’armée Camerounaise, -que Paul Biya utilise comme instrument de sa trahisons nationale- sur les Champs Elysées, sans risquer d’être dénoncé
- Elle profite aux ministres affairistes et détourneurs des fonds publics qui confondent la république à leurs familles
- Elle profite aux vieux généraux croulants, incapables de tenir sur leurs jambes, que Paul Biya croit maintenir en poste pour sauver son régime, et qui peuvent passer le reste de leurs jours maintenant en sachant que Pius Njawe n’est plus sur la terre pour demander qu’ils se retirent
Cette tragédie profite aussi à une peuplade de piteux opportunistes, de corrompus, d’envieux et de traîtres tapis au sein de la Société Civile, de l’opposition, des medias et de la diaspora
- Elle profite aux carriéristes infiltrés dans l’opposition et la Société Civile, dont les négociations nocturnes avec le pouvoir pour entrer dans la mangeoire ont chaque fois été mises à nu par Pius Njawe, depuis 1992
- Elle profite à ceux qui s’affairent, ou vont s’affairer autour de sa dépouille, a l’intérieur comme à l’extérieur, pour se faire voir et tenter un positionnement, ou un repositionnement politique
- Elle profite à certains de ses confrères aveuglés par l’envie, qui ont passé leur carrière à le tourner en dérision, mais qui se fendent maintenant en communiqués nécrologiques, sèment la confusion, en versant des larmes de crocodile
- Elle profite aux groupes nébuleux, à l’intérieur comme à l’extérieur, qui sortent de nulle part la veille de chaque élection pour s’agiter, et qui disparaissent comme par enchantement une fois la victoire de Paul Biya assurée
- Elle profite à ceux qui appellent à une candidature unique de l’opposition, qui cautionnent par ce simple fait les fraudes certaines de Paul Biya, tout en évitant soigneusement de dire aux Camerounais ce qu’ils comptent faire contre la horde rodée des agents du RDPC que constituent l’armée, les forces spéciales, les administrations, la police, la gendarmerie, la Cour Suprême, les antigangs, la France, et toutes les milices tribales qui pullulent partout au Cameroun aujourd’hui
Pius Njawe a contribué au déclenchement du processus du multipartisme au Cameroun, même si des opportunistes de tous bords en revendiquent la paternité. Son audace, son courage et son génie ont permis aux Camerounais de gagner des espaces de liberté, que le régime oppresseur a concédé malgré lui. Il a continué de jouer le rôle de sentinelle de nos libertés, bravant l’humiliation, sacrifiant son confort personnel, acceptant dignement sa condition de bagnard pour mieux exposer les dérives criminelles du « Renouveau ».
Au sein de la nomenklatura corrompue du régime oppresseur, les apparatchiks croient sans doute s’être débarrassés du trouble-fête. Ils se trompent. Le Messager de la Liberté s’en est allé, mais il a laissé le Message. Ses héritiers vont s’en approprier, pour poursuivre, avec plus de détermination, sa quête d’une société juste, démocratique et prospère, à laquelle il a rêvé toute sa vie.
En raison de son apport déterminant dans la transformation du paysage politique, économique, social du Cameroun, et considérant l’énorme perte que sa disparition représente pour le pays, le CODE demande que le drapeau du Cameroun soit mis en berne le 05 août 2010, date du retour de sa dépouille au Cameroun, et qu’il soit inhumé avec tous les honneurs dus à un Héro National
Brice Nitcheu
Secrétaire Exécutif, CODE
Londres, le 20 juillet 2010