Mocktar Oumarou, Conseil National de la Jeunesse du Cameroun: «Biya s'acharne sur les nordistes, le combat commence»
DOUALA - 18 Avril 2012
© Salomon KANKILI | Le Messager
© Salomon KANKILI | Le Messager
Le
leader d'opinion et président départemental du Conseil national de la
jeunesse du Cameroun (Cnjc) fait savoir que l'heure est grave à Garoua
depuis l'arrestation de Marafa Hamidou Yaya. «On a l'impression que
Ahidjo nous a abandonnés entre les mains de quelqu'un qui veut nous
abattre». |
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En votre qualité de président de la
Jeunesse arc-en-ciel du septentrion (Jacsept) et président
départemental du Cnjc pour la Bénoué, comment avez-vous appris la
nouvelle de l'arrestation de l'ex-Minatd Marafa Hamidou Yaya?
Merci déjà pour l'opportunité que vous me donnez de parler au nom de l'ensemble de la jeunesse du septentrion. Nous avons des représentants dans chaque arrondissement du Grand nord. C'est en cette casquette là que nous pouvons nous exprimer indépendamment de notre casquette de président du Cnjc pour la Bénoué. En tant que fils de la Bénoué et natif de Garoua, c'est avec beaucoup de stupéfaction, d'amertume et de mélancolie que nous avons appris que notre grand frère, parce que c'est lui qui nous servait de repère, a été arrêté. Bien qu'on s'attendait à cela parce que depuis sa sortie du gouvernement on voyait les choses se dessiner. Il n'est un secret pour personne, il a écrit à plusieurs reprises au chef de l'Etat lui disant de le mettre à la disposition de la Justice pour qu'il dise sa part de vérité. Il avait toujours été confiant en sachant qu'il était innocent et qu'il le prouverait. Convaincu de cette innocence on se disait qu'il comparaîtrait libre et que la Justice ne devait faire que son travail et rien que son travail. Je vais vous dire ce n'est pas seulement la jeunesse du septentrion qui est déçue, c'est toute la jeunesse d'un pays. Quand on voit un ancien Pm de la carrure de Chief Inoni qui représente toute une autorité dans sa région; quand on voit ce que Marafa représente par rapport à ce qu'il était dans ce régime, ça fait peur. On se demande si nous avançons ou on reculons. Telle que les choses se dessinent ce n'est pas sûr que la Cameroun sort grandi de cette affaire là. Immédiatement après cette arrestation, des ressortissants du Grand nord ont fait bloc, criant à l'injustice. Vous semblez réitérer cette position tranchée… Bien sûr. Il ne faut pas être Mocktar Oumarou pour le savoir. C'est quelque chose que chacun d'entre nous a vécu très mal. Vous l'aurez remarqué dès le remaniement du 9 décembre, combien les gens ont été frustrés. Marafa a été au four et au moulin pour défendre son candidat, pour nous inciter nous les jeunes à soutenir son candidat Biya. Vu qu'il a eu à contribuer à cette victoire, les fils et filles du septentrion se sentent trahis et lésés. Cela n'a pas empêché à Marafa de revenir sur le terrain et de dire aux populations de continuer à soutenir le président Biya lors de cette fameuse visite baptisée par vous les journalistes de retour triomphal. Avec le geste qui vient d'être commis c'est le divorce qui vient d'être consommé avec ce régime. Ils enverront en renfort certainement certaines de nos élites mais dommage car ces grands frères partagent les mêmes opinions que nous, vu qu'ils font office de simples figurants dans ce gouvernement. Pensez-vous que c'est ce qui explique l'absence notoire des jeunes à la cérémonie d'accueil du Minatd René Sadi lundi dernier à Garoua? J'ai entendu que le boycott des jeunes était organisé. Moi je pense que cela n'a pas été prémédité, c'est quelque chose de spontanée. Quand on connaît le poids de Marafa pour la jeunesse du septentrion, comment il organisait les rencontres avec ceux-là, comment il allait vers le bas peuple pour qu'il porte son soutien au Rdpc. Quand on voit quelqu'un de cette pointure qui jouit d'une confiance auprès de la population du Grand nord, si on dit qu'on va jouir de l'arrivée d'un X ou d'un Y, ce serait se mentir à soi-même. C'est tout à fait naturel, c'est le même sentiment qui anime les populations du septentrion. C'est tout simplement parce que nous nous sentons choqués. Hier j'écoutais un ami me dire, «on a l'impression que Ahidjo nous a abandonnés entre les mains de quelqu'un qui veut nous abattre». Je dirai qu'on n'est pas loin de là. Qu'a fait le septentrion de si grave? Nous avons l'impression que c'est un acharnement. Ça va peut-être continuer sur d'autres ressortissants du Nord. Ce n'est pas encourageant. Le combat commence mais il ne se fera pas dans la rue. Je peux vous assurer que les jeunes ont perdu confiance en les hommes politiques (...) parce que d'aucun ont estimé qu'il était présidentiable aujourd'hui il faut écarter Marafa. Pour quelle fin? Nous voyons en lui un nouveau Mandela, un nouveau héros. Est-ce à dire que l'arrestation de Marafa marque pour vous une rupture avec le régime de Biya? C'est tout comme. Dans les années de braise je me souviens, quand M. Sadou Hayatou s'est battue pour redonner âme au Rdpc à Garoua, ça n'avait pas été facile. Il a fallu que vienne en renfort quelqu’un qui à cette période-là n'avait que 40 ans en la personne de Marafa. Il est venu avec un nouveau discours, les gens ont refait confiance au Rdpc. C'était à son actif, il a su fédérer autour de lui des cadres qui étaient sceptiques à ce régime. Il leur a redonné l'espoir. Depuis hier (lundi 16 avril, Ndlr), pour ne pas dire depuis le 9 décembre 2011, les gens se posent des questions, les gens vont se disperser. Le Rdpc va perdre de la voix. La preuve, à la cérémonie d'installation du nouveau gouverneur il y avait plus de militants du Fsnc que des militants du Rdpc. Ça veut tout dire, il n'y avait aucun mouvement de jeunes (...) depuis un certain temps nous avons de la peine à reconnaître le président Biya. On a l'impression que c'est un nouveau Biya qui ridiculise les nordistes. Il y a quelque chose qui se cache en cela. Nous le savons en démocratie, l'arme la plus fatale ce n'est pas la machette, ce sont nos voix. Nous avons au Grand nord ce qu'on appelle le bétail électoral. |
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