Mme Mounchipou Seidou: " Mon mari ne m'avait jamais dit qu'il était prisonnier"
Le Messager 17/03/2011
Kimoun
Fadimatou Zaratou, épouse Mounchipou, du nom du célèbre pensionnaire de
la prison centrale de Kondengui, revient dans cet entretien sur les
circonstances de son mariage d’avec l’homme de 60 ans, qu’elle épousa
alors qu’elle n’avait que 28 ans. Moins de deux ans après leur union le
25 septembre 2009, il vient de la trainer en justice aujourd’hui pour
demander le divorce. Rencontre avec celle qui dit toujours tenir à son
homme...malgré tout.
Après une première audience à hui clos le 06
décembre 2010 ; la cause a été renvoyée au 07 février 2011. Ce jour-là,
Mme Mounchipou, selon ses dires, s’est retrouvée devant le magistrat
seule, avec son conseil. Quant à Mounchipou, demandeur de divorce, il ne
s’est pas présenté, encore moins son avocat. La prochaine audience est
programmée le 04 avril prochain, et le juge pourrait délibérer sur la
séparation de corps, première articulation de ce feuilleton qui risque
d’être riche en rebondissements.
Vous avez épousé un prisonnier qui demande aujourd’hui à se séparer de vous. Comment en êtes-vous arrivé là ?
Je
me suis mariée sans savoir que mon mari était prisonnier. Le mariage
civil s’est fait le 25 septembre 2009 à Yaoundé V. Il est venu de
lui-même pour la dot au village. Après cela, il a fallu que je gagne mon
foyer. Nous l’avons fait dans l’enthousiasme et ça s’est bien passé. Il
m’appelait constamment, mais sans venir me voir à la maison. Il me
disait qu’il est trop pris... Plus tard, il m’a dit qu’il était en
mission à Douala et que je devais attendre. Je recevais l’argent de ma
ration alimentaire par son chauffeur. Un mois et deux semaines plus
tard, je lui ai dit au téléphone que je ne prépare plus si je ne le vois
pas, parce que je ne suis pas venue ici à Yaoundé rester seule. Il m’a
répondue, comme tu insistes et je sais que tu es fâchée, fait le “ Koki ”.
Je l’ai fait. Puis il m’a envoyé son chauffeur. Sur la route, je
demande au chauffeur où est-ce qu’on allait ? Il me répond : suis-moi
seulement. Nous sommes arrivés à la prison centrale de Kondengui. Il me
dit, madame on descend ici. Il est d’ailleurs le premier à sortir de la
voiture, mais avant, il me demande de fermer mon téléphone. Je l’ai
fait. Puis, on a traversé. De l’autre côté, il me dit simplement, faites
comme moi. Il laisse sa carte d’identité, moi aussi. On lui demande qui
il veut voir, il répond : excellence Mounchipou.
J’ai d’abord été surprise, puis je me suis ressaisie, et je me suis
dite intérieurement qu’il fallait que j’attende de le voir. J’entre et
on me dirige dans un bureau. Assise là, j’attendais. Son chauffeur s’en
va l’appeler. Il arrive en Gandoura de couleur blanche. J’ai eu une
violente envie de pleurer, mais je me suis calmée et je lui ai demandé :
qu’est-ce que tu fais ici ? C’est donc vrai ? Il me répond simplement,
laisse tomber, ne prend pas ça comme ça. Quand il s’installe, il me sert
en guise d’explication, que c’est parce qu’il m’a tellement aimé et
qu’il m’aimera toujours qu’il ne pouvait se résoudre à me laisser. Qu’il
a tellement passé sa vie à me discuter avec d’autres hommes, qu’il
avait peur de me perdre. Il me dit qu’il est encore en prison, mais
qu’il sort bientôt. J’ai commencé à pleurer. Il m’a consolée, tout en
essayant de me convaincre de rester avec lui. En partant, il m’a remis
un billet de 10.000Fcfa pour mettre du crédit dans mon téléphone. Je lui
ai dis que je n’en avais pas besoin, et je suis partie toute triste.
Une fois arrivée à la maison, j’ai pris mon téléphone pour appeler mon
père. Je lui ai demandé : est-ce que tu sais que l’histoire là est vraie
? Mon mari est encore en prison, je viens même de le voir.
De quelle histoire s’agit-il ? Vous aviez eu une rumeur selon laquelle il serait en prison ?
Oui
! Parce qu’une fois quand il est venu au village, il y a un de mes
oncles paternels qui l’a vu. Il m’a appelée et m’a demandée si c’était
Mounchipou ? Je lui ai répondu oui. Il m’a demandé s’il est déjà sorti
de prison. Mon mari ne m’avait jamais dit qu’il était prisonnier. On
était tout les week-ends ensemble. Je venais ici à Yaoundé le vendredi
pour repartir le dimanche soir. Il n’était jamais gardé, même quand il
venait au village. Parfois, il venait même avec ses enfants. Quand je le
dis à mon père, il reste sans voix. J’appelle aussi ma mère pour lui
demander pardon, car il est vrai que je n’avais traité cette histoire de
mon mariage qu’avec mon père. Je n’ai pas voulu l’impliquer. Je lui
annonce que mon mari est un prisonnier.
Très surprise elle aussi, elle appelle mon père pour lui en parler.
Plus tard dans la nuit, mon père me rappelle pour qu’on en discute et
pour me consoler. J’ai insisté pour qu’il vienne voir par lui-même. Mon
père est parti du village pour ici (Yaoundé, ndlr). Il a été hébergé à
la briqueterie. D’où il m’a appelée pour qu’on se rende à Kondengui voir
mon mari. Mon père lui avait gardé des fruits et sa surprise a été
forte, à tel point qu’il s’est mis à monologuer en dialecte. Mon père
lui demande : c’est vrai que tu es en prison ? Il répond : comme tu peux
le constater, mais il est hors de question que toi aussi tu te mettes
dans un état pareil. Il a demandé à son chauffeur de m’accompagner chez
le régisseur pour m’éloigner de leur conversation. Là bas, j’écoutais
d’une oreille distraite ce que le régisseur disait, tellement j’étais
préoccupée. Après un moment, je lui ai dit qu’il faut que je rejoigne
mon père qui s’est mis à me consoler en me disant que ce sont des choses
qui arrivent. Puisqu’il savait que j’ai aimé mon mari avant de
l’épouser, je ne pouvais l’abandonner en ce moment. Qu’il doit jouer son
rôle de père, et qu’il ne peut plus accepter que je retourne en famille
pour cette raison.
Comment avez-vous rencontré M.
Mounchipou, presque connu de toute la République comme un prisonnier, et
qui deviendra en si peu de temps votre époux ?
C’était
en avril 2009, j’étais caissière dans une boulangerie à Foumban. C’est
là qu’il se ravitaillait chaque fois qu’il venait à Foumban. Une fois,
quand il est arrivé, il n’y avait pas suffisamment de pain et les choses
dont il avait besoin. C’est comme ça qu’il a pris mon numéro en me
disant que chaque fois qu’il viendrait, au niveau de Bafoussam, il
m’appellerait d’abord pour savoir s’il peut se ravitailler chez nous. Il
a certainement attendu que je le bipe en soirée, comme les femmes ont
l’habitude de faire, mais je ne l’ai pas fait, car, cette idée ne
m’habitait pas. Pour moi, il a pris mon numéro pour des besoins de
service. C’est alors qu’il m’envoie un sms disant qu’il attendait mon
coup de fil, hélas, je ne l’ai pas fait. Il a conclu en me demandant si
ça allait ? Je n’ai pas répondu, parce que c’était un message. Là, il
m’appelle. Je comprends ainsi qu’il n’avait pas pris mon numéro pour des
besoins de services, mais pour autre chose. A ce moment, il m’a parlé
de mariage. Quelques semaines après, quand je suis venue à Yaoundé, on a
essayé de tirer les choses au clair. Je lui ai dis que j’ai été mariée à
un jeune homme de son village. La jeunesse dérangeait trop mon mari et
j’ai divorcée. Je suis rentrée avec un enfant, un garçon. Il me dit
qu’il n’y a pas de problème et que même sa deuxième femme est venue en
mariage avec deux enfants qu’il a adoptés, que même le président de la
République en prenant Chantal Biya, elle avait ses enfants. Il n’y a pas
de loi qui l’interdise. Je lui ai dit que j’avais deux enfants à ma
charge car j’ai divorcé sans savoir que j’étais enceinte.
Je ne me vois plus en train de me marier. Ça va me créer d’autres
problèmes. Il me dit non, il n’y a pas de problèmes, je vais garder tes
deux enfants. Celui là était jeune, moi je suis déjà mûr, tu ne peux pas
retomber dans le même piège. Ça ne me pose même aucun problème, j’ai
déjà deux femmes, donc je sais très bien ce que c’est que le mariage. Ça
m’a rassurée. On s’est rencontré à maintes reprises à Yaoundé. La
dernière fois que j’étais venue, je m’étais installée chez lui. Les
autrefois, c’était à l’hôtel. Le débat continuait, mais il n’était plus
question de problèmes de responsabilité, d’enquête de moralité. Jusqu’à
ce qu’on a signé les papiers légaux pour le mariage.
Il vous accuse d’inceste aujourd’hui. Saviez-vous que votre premier mari était un parent à lui ?
Non
! Ils n’ont aucun lien de parenté. D’ailleurs, lorsque je lui avais
parlé de ce premier mariage, il m’a dit que chez nous, il n’y a que le
roi qui peut laisser une fille et qu’aucun autre homme ne la prenne. Il
m’a dit, comme tu as épousé un gars de mon village, je ne suis que le
chef de famille de Manka. Je ne suis pas le père de ses habitants, donc,
ça ne me crée aucun problème. Curieusement, après le mariage, lorsque
je suis arrivée à Yaoundé, mon mari n’est plus jamais sorti de prison
pour venir me voir. Il a tout fait pour m’éviter depuis plus d’un an. Je
suis allée en prison et sur les lieux, j’ai envoyé l’appeler, il n’est
pas venu. Il m’a fait dire qu’il était malade, finalement je suis
rentrée sans le voir. J’ai été obligée d’envoyer le panier par son
majordome qui le lui a remis. Il ne m’a pas retourné le panier.
A la maison, j’ai appelé mon mari plus de 105 fois, il n’a pas
décroché. Une fois, je l’ai appelé pour lui dire que depuis que je suis
venue en mariage, il n’a jamais été disposé à consommer le mariage.
Aujourd’hui je suis au village, comment on fait ? Je viens à Yaoundé ou
c’est toi qui viens au village, puisque tu m’avais demandé de rentrer
vivre là-bas ? Il me dit non, je serais à Foumban dans quelques jours.
Or, au fur et à mesure que les jours passaient, les choses changeaient.
J’ai même eu à l’appeler pour lui demander que même quand il sort il ne
me contacte toujours pas ? Suis-je vraiment ta femme ? Comment crois-tu
que je vis ? Il m’envoie alors un message pour me dire qu’il n’a
franchement pas de temps à perdre et qu’il ne veut non plus perdre le
mien. Depuis cette date du 20 juillet 2010, je n’ai plus eu la paix du
cœur, je n’ai plus entendu la voix de mon mari et j’ai été suspendu de
ration. La maison que mon mari m’a donnée était devenue un carrefour. Il
disait toujours que ma sécurité ne dépendait plus de lui, qu’il n’était
pas responsable de ce qui pourrait m’arriver et que si même je
mourrais, qu’on ne m’enterre pas chez lui, qu’on le fasse chez mes
parents. A sa famille, il a même interdit tout contact avec moi. Je
n’avais jamais imaginé qu’il pouvait m’amener au tribunal.
Que comptez-vous faire aujourd’hui, puisque c’est lui qui a demandé le divorce ?
Je
ne m’étais pas mariée pour divorcer plus tard. J’avais de l’espoir pour
ce mariage. Aujourd’hui, je ne me vois pas en train de divorcer. Au
niveau du tribunal d’Ekounou, on m’a conseillé d’écrire aussi pour
demander le divorce, puisqu’il l’a déjà fait. Mais je ne sais même pas
comment ça se passe, vraiment, je ne sais que faire. Mon niveau
intellectuel est trop bas pour comprendre certaines choses. Je n’ai
rien à me reprocher, puisque, après le mariage, mon mari n’a jamais su
comment j’ai posé les plats chez lui. D’où venaient les problèmes ? Il
ne m’a jamais trouvé chez moi. Il ne sait même pas à quelle position
j’ai posé le lit.
Il vous a caché qu’il était en prison,
il est le premier à demander le divorce. Quel est le sentiment qui vous
anime maintenant vis-à-vis de lui ?
Vraiment, je suis
déçue. Mais comme on doit toujours suivre son cœur, je l’avais déjà
aimé, et je l’aime toujours. Une chose m’effraie. Puisque avant de
m’amener au tribunal, il m’a toujours dit que le Cameroun c’est eux. La
Justice c’est lui, il a des amis et qu’avec son argent, il est capable
de tout. Vraiment je ne sais pas ce que je peux faire. Je suis issue
d’une famille modeste. Je ne vois d’où me viendra une aide. Les petites
économies que j’avais, je les ai dépensées pour ce mariage, et
aujourd’hui j’accepte me retrouver dans la rue ? J’ai dépensé près de 2
millions 200 milles pour ce mariage. Il le sait.
Vous aviez quels intérêts à dépenser vos économies dans un mariage pour épouser un homme plus âgé que vous ?
Moi
aussi, j’avais besoin d’aménager ma maison comme ça me plaisait, de
recevoir mes invités chez moi, de les mettre à l’aise. Et puis, il
m’avait dit que mes économies là n’étaient rien pour lui. Qu’il allait
me faire faire des affaires, puisque je réservais cet argent pour mes
affaires. Je lui ai fait confiance. Malheureusement...
Vous êtes jeune femme, à peine la trentaine. Qu’est-ce qui peut vous avoir amené à épouser un homme de cet âge là ?
J’ai
été mariée à un jeune homme de 32 ans. J’en avais 21. Comme mon ex-mari
avait besoin de jouer la vie, j’ai préféré me retirer. Aujourd’hui, un
monsieur comme Mounchipou qui se présente devant moi, il est vrai qu’il
avait l’âge de mon père, mais il m’avait dit qu’il était déjà polygame.
Compte tenu de ses promesses et de son sens de la responsabilité, je me
suis dit que ça pouvait marcher.
Et aujourd’hui vous dites que vous l’aimez toujours, malgré tout ce qu’il vous a fait ?
Je
l’aime. Je l’aime, je l’aime. Pas pour ses moyens. Je l’aime, et je
suis obligée de l’aimer. Une fois je me suis mariée, et j’ai déjà
divorcé, ça me fait déjà un sale nom. Je me marie encore une deuxième
fois, pour encore me retrouver à la rue une seconde fois ? Là
franchement, ça devient une injure pour moi.
Vous êtes donc contrainte de l’accepter pour ne pas avoir une réputation d’éternelle divorcée ?
Oui.
Puisque dans sa plainte, il dit que j’entretenais l’inceste dans sa
famille, ce qui veut dire que j’ai été la femme de son neveu. Parce que
j’ai divorcé. Il ne voudrait pas épouser une fille qui est déjà
divorcée. Et c’est d’ailleurs un mensonge. J’ai fait neuf ans dans mon
premier foyer, et jamais de ma vie ma belle-mère ne m’avait parlé de
Mounchipou. Il n’a jamais fait escale chez-nous pour dire qu’il voulait
rendre visite à son soi-disant cousin. Et comment reconnaît-il
aujourd’hui qu’ils sont cousins ? Parce qu’ils sont du même village ? Je
crois que ces neuf ans ont été suffisants pour moi pour connaître
parfaitement la famille. C’est un prétexte pour me quitter.
Et s’il arrivait qu’il insiste pour le divorce, qu’allez-vous lui réclamer ?
Juste qu’il accepte de me dédommager ou de me trouver un moyen de subsister, étant donné que j’ai subi un préjudice moral.
Et combien attendez-vous pour cette réparation ?
C’est
à sa propre guise. En tant que son épouse, j’avais près de 120.000frs
de pension alimentaire par mois. A mon service où il m’a pris, j’avais
près de 60.000frs de salaire. De plus, il affirme que nous n’avons pas
consommé le mariage parce que j’étais infectée. Pour moi, c’est une
injure. Au lieu de dire qu’on n’a pas consommé le mariage parce que nous
n’étions pas dans le même village, Monsieur Mounchipou prétend que
moi, madame Mounchipou Fadimatou, après le mariage, il a constaté que
j’étais malade. J’ignore pourquoi il l’a fait.
Pourquoi continuez-vous à l’aimer, malgré tout ce que vous considérez comme mensonge de sa part ?
Je
ne sais pas quoi dire. Mounchipou sait très bien qu’avant de me traîner
au tribunal, il a brisé un cœur, il a cassé une vie. Je suis déçue.