Mission de sauvetage: Comment la Camair-Co perd de l'argent
YAOUNDE - 13 Juillet 2012
© Alex MBEMA (Les Nouvelles du Pays) | Correspondance
© Alex MBEMA (Les Nouvelles du Pays) | Correspondance
Commis
par le conseil d'administration pour une réduction des coûts et des
charges supportés par la compagnie nationale de transport aérien, le
cabinet fait un inventaire exhaustif des mesures de gestion prises par
l'équipe à Alex Van Elk et qui font perdre l'argent à la compagnie. |
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Le diagnostic de départ donne froid
dans le dos. En 2011, pour gagner 19,6 milliards, la compagnie a dû
dépenser plus de 41 milliards. Et réaliser une perte sèche de 21,3
milliards. Le business plan initial soumis par la compagnie annonçait
une perte de 6,6 milliards, Van Elk a salé l'addition de 14,7 milliards.
On comprend, aujourd’hui la frénésie de la direction générale de la
compagnie à forcer le gouvernement à mettre à nouveau la main à la
poche. Parmi les causes de ce colossal déficit, le faible taux de
remplissage des avions avec seulement une moyenne de 33 %? Alors qu'il
faut au moins un taux de remplissage de 65 % pour atteindre le point
d'équilibre financier de la compagnie. Contrairement aux illusions,
l'international ne surclasse plus aussi lourdement les réseaux local et
régional.
Les réseaux domestique et régional représentent aujourd'hui autour de 40 % du chiffre d'affaire de la compagnie qui peine à trouver ses marques sur la liaison Europe. De ce chiffre d'affaire qui s'établit à 19,6 milliards, le carburant seulement absorbe 62 %. Et c'est le premier détail d'une erreur de gestion stratégique dénoncée par Bekolo & Partners. La fourniture de kérosène à la Camair-Co fait l'objet de contrats d'exclusivité passés avec Total Cameroun et Oil Lybia. Une situation de duopole qui ne garantit pas de marge de manœuvre pour la négociation des prix et des conditions. A l'étranger, on s'approvisionne auprès de Kuwait, WFS et à FPC. Pour le consultant, la compagnie gagnerait à diversifier ses fournisseurs de fuel sur place au Cameroun, aux points de ses escales en Afrique et sur la place de Paris. Outre que cette décision de la direction de la compagnie ne permet pas de faire jouer la concurrence, le poste carburant fait ressortir de sérieuses irrégularités selon les auditeurs. Camair-Co fait régulièrement des avances aux fournisseurs et ne prend jamais la peine de s'assurer qu'elle n'est pas en train de trop payer. Dans ce cafouillage organisé, on s'aperçoit que du fuel pour aéronefs a été acheté pour des avions qui ne sont pas immatriculés par la Camair-Co pour un montant de 5 millions.
Pour le fournisseur FPC (Fuel Purchasing and Consulting), toutes les latitudes étaient permises. On facturait à la compagnie des honoraires de 1750 euros, sur la base de rien, et Van Elk payait.
Et les pilotes expatriés saignent encore la compagnie
Recruté au Nigeria, Alex Van Elk, arrive au Cameroun avec des préjugés sur les pilotes camerounais. Le Néerlandais estime que tous les pilotes camerounais sont inaptes à prendre les commandes d'un Boeing. Il est d'autant mieux servi que sur place, les anciens pilotes de la Camair étaient restés de longs mois au sol sans voler. Ils devaient tous repasser leur qualification et, manque de chance, et Van Elk révèle à l'occasion d'une première rencontre avec la presse que la plupart des pilotes camerounais avaient été recalés aux tests sur simulateur. Dès cet instant, Alex Van Elk qui avait déjà pris la décision de recruter essentiellement des pilotes expatriés va leur faire appel de plus belle. Les pilotes locaux, même lorsqu'ils sont aptes à voler, resteront cloués au sol. Un pilote expatrié pointe en moyenne 5,5 millions le mois tandis que, à qualification égale, un pilote camerounais devrait se contenter d'un peu moins que 3,2 millions. Mais à tout bien prendre, le pilote expatrié a aussi droit aux frais d'hébergement dans des hôtels de luxe, il pèse donc deux fois plus que son collègue camerounais. On n'a pas encore compté les frais de restauration et de bar que les pilotes font supporter à la compagnie. De surcroît, alors que les pilotes expatriés ne font en moyenne que 30 heures de vol par mois, les camerounais en font 40. La réponse à la situation s'impose d'elle-même: il faut se débarrasser des pilotes expatriés qui saignent plus et travaillent moins que leurs collègues locaux. Interpellé sur la question, Alex Van Elk a répondu que les pilotes expatriés sous contrat seront désormais logés dans des appartements loués à cet effet et qu'ils devront aussi rembourser l'argent des factures du bar et du restaurant. Les mesures préconisées par Bekolo & Partners à propos des pilotes permettront à la compagnie d'économiser près de 85 millions de francs sur l'année pour les salaires, et près de 70 millions de francs pour leur hébergement.
A propos de logement, Van Elk aura passé tout son séjour au Cameroun à l'hôtel avec la nuitée à 160 ou 180 mille francs. Simplement excessif. Sur ce détail, il semble que le consultant se soit trompé et n'ait pas cherché la bonne information auprès de l'hôtel. La direction générale a tenu à rectifier: le petit appartement de Van Elk à Akwa Palace ne coûte que 90 mille francs par jour...
Lors de sa dernière conférence de presse pour célébrer le premier anniversaire de la compagnie sur fond de faillite, il avait tenu à dire à l'intention des journalistes que des dispositions avaient été prises pour qu'il réintègre un appartement modeste au quartier. Idem pour l'immeuble siège de la Camair à Bonanjo qui aurait été, aux dernières nouvelles, rétrocédé à la nouvelle compagnie, contrairement à l'esprit du décret présidentiel créant la Camair-Co et qui disposait que aucun actif de la défunte Camair ne sera repris par la nouvelle compagnie. Une disposition comme une autre, qui a servi à scier les ailes de la Camair-Co avant le décollage.
Les pieds dans le plat de la gabegie
Outre les frais d'hébergement dans des hôtels cinq étoiles dont les tarifs avaient été plutôt mal négociés, le consultant qui s'est mis dans la peau d'un «cost killer» américain ne fait pas dans la dentelle. Les hauts cadres de la Camair-Co ont chacun droit à deux véhicules et deux chauffeurs, les personnels de catégories 10 et 11 bénéficient d'une indemnité de représentation de 150 mille et 600 mille francs par mois. Le carburant pour les voitures dans les stations services dépasse les deux millions et atteignent allègrement les 6 millions certains mois, sans aucune explication. Alex Van Elk chauffe son téléphone à longueur de journée et coûte un million par mois à la compagnie.
Camair-Co fonctionne en l'absence de normes de procédure ou de contrôle internes. Certainement à dessein aux conclusions du consultant. On découvre que la compagnie ne dispose pas d'un logiciel de paie pour le traitement des salaires du personnel. Bekolo & Partner a proposé de revoir jusqu'à l'organigramme avec la suppression de certains postes et la création de nouveaux postes pour assurer une efficacité optimale.
L'urgence d'avoir en interne un fiscaliste est fortement ressenti et la compagnie pourrait essuyer des redressements fiscaux avec sa gestion hasardeuse des prélèvements fiscaux sur les salaires et sur les factures des fournisseurs. Les factures de la plupart des fournisseurs de la compagnie n'ont pas de TVA alors qu'il devrait être opéré une retenue systématique sur ces factures, les acomptes sur le chiffre d'affaires ne sont pas déclarés, Camair-Co pourrait être condamnée à payer 100 millions à l'administration fiscale pour la période d'avril à juillet 2011, sans compter une ardoise fiscale évaluée à près de 1,5 milliard ou à 3 milliards, en tenant compte de l'ensemble des opérations de la compagnie.
Sur le plan strictement technique, on remarque que la compagnie ne dispose pas de mécaniciens au sol en dehors de l'escale de Douala. Conséquence, si un avion tombe en panne à Yaoundé ou à Garoua, il faut attendre qu'une équipe de mécanos soit dépêchée de Douala.
Les réseaux domestique et régional représentent aujourd'hui autour de 40 % du chiffre d'affaire de la compagnie qui peine à trouver ses marques sur la liaison Europe. De ce chiffre d'affaire qui s'établit à 19,6 milliards, le carburant seulement absorbe 62 %. Et c'est le premier détail d'une erreur de gestion stratégique dénoncée par Bekolo & Partners. La fourniture de kérosène à la Camair-Co fait l'objet de contrats d'exclusivité passés avec Total Cameroun et Oil Lybia. Une situation de duopole qui ne garantit pas de marge de manœuvre pour la négociation des prix et des conditions. A l'étranger, on s'approvisionne auprès de Kuwait, WFS et à FPC. Pour le consultant, la compagnie gagnerait à diversifier ses fournisseurs de fuel sur place au Cameroun, aux points de ses escales en Afrique et sur la place de Paris. Outre que cette décision de la direction de la compagnie ne permet pas de faire jouer la concurrence, le poste carburant fait ressortir de sérieuses irrégularités selon les auditeurs. Camair-Co fait régulièrement des avances aux fournisseurs et ne prend jamais la peine de s'assurer qu'elle n'est pas en train de trop payer. Dans ce cafouillage organisé, on s'aperçoit que du fuel pour aéronefs a été acheté pour des avions qui ne sont pas immatriculés par la Camair-Co pour un montant de 5 millions.
Pour le fournisseur FPC (Fuel Purchasing and Consulting), toutes les latitudes étaient permises. On facturait à la compagnie des honoraires de 1750 euros, sur la base de rien, et Van Elk payait.
Et les pilotes expatriés saignent encore la compagnie
Recruté au Nigeria, Alex Van Elk, arrive au Cameroun avec des préjugés sur les pilotes camerounais. Le Néerlandais estime que tous les pilotes camerounais sont inaptes à prendre les commandes d'un Boeing. Il est d'autant mieux servi que sur place, les anciens pilotes de la Camair étaient restés de longs mois au sol sans voler. Ils devaient tous repasser leur qualification et, manque de chance, et Van Elk révèle à l'occasion d'une première rencontre avec la presse que la plupart des pilotes camerounais avaient été recalés aux tests sur simulateur. Dès cet instant, Alex Van Elk qui avait déjà pris la décision de recruter essentiellement des pilotes expatriés va leur faire appel de plus belle. Les pilotes locaux, même lorsqu'ils sont aptes à voler, resteront cloués au sol. Un pilote expatrié pointe en moyenne 5,5 millions le mois tandis que, à qualification égale, un pilote camerounais devrait se contenter d'un peu moins que 3,2 millions. Mais à tout bien prendre, le pilote expatrié a aussi droit aux frais d'hébergement dans des hôtels de luxe, il pèse donc deux fois plus que son collègue camerounais. On n'a pas encore compté les frais de restauration et de bar que les pilotes font supporter à la compagnie. De surcroît, alors que les pilotes expatriés ne font en moyenne que 30 heures de vol par mois, les camerounais en font 40. La réponse à la situation s'impose d'elle-même: il faut se débarrasser des pilotes expatriés qui saignent plus et travaillent moins que leurs collègues locaux. Interpellé sur la question, Alex Van Elk a répondu que les pilotes expatriés sous contrat seront désormais logés dans des appartements loués à cet effet et qu'ils devront aussi rembourser l'argent des factures du bar et du restaurant. Les mesures préconisées par Bekolo & Partners à propos des pilotes permettront à la compagnie d'économiser près de 85 millions de francs sur l'année pour les salaires, et près de 70 millions de francs pour leur hébergement.
A propos de logement, Van Elk aura passé tout son séjour au Cameroun à l'hôtel avec la nuitée à 160 ou 180 mille francs. Simplement excessif. Sur ce détail, il semble que le consultant se soit trompé et n'ait pas cherché la bonne information auprès de l'hôtel. La direction générale a tenu à rectifier: le petit appartement de Van Elk à Akwa Palace ne coûte que 90 mille francs par jour...
Lors de sa dernière conférence de presse pour célébrer le premier anniversaire de la compagnie sur fond de faillite, il avait tenu à dire à l'intention des journalistes que des dispositions avaient été prises pour qu'il réintègre un appartement modeste au quartier. Idem pour l'immeuble siège de la Camair à Bonanjo qui aurait été, aux dernières nouvelles, rétrocédé à la nouvelle compagnie, contrairement à l'esprit du décret présidentiel créant la Camair-Co et qui disposait que aucun actif de la défunte Camair ne sera repris par la nouvelle compagnie. Une disposition comme une autre, qui a servi à scier les ailes de la Camair-Co avant le décollage.
Les pieds dans le plat de la gabegie
Outre les frais d'hébergement dans des hôtels cinq étoiles dont les tarifs avaient été plutôt mal négociés, le consultant qui s'est mis dans la peau d'un «cost killer» américain ne fait pas dans la dentelle. Les hauts cadres de la Camair-Co ont chacun droit à deux véhicules et deux chauffeurs, les personnels de catégories 10 et 11 bénéficient d'une indemnité de représentation de 150 mille et 600 mille francs par mois. Le carburant pour les voitures dans les stations services dépasse les deux millions et atteignent allègrement les 6 millions certains mois, sans aucune explication. Alex Van Elk chauffe son téléphone à longueur de journée et coûte un million par mois à la compagnie.
Camair-Co fonctionne en l'absence de normes de procédure ou de contrôle internes. Certainement à dessein aux conclusions du consultant. On découvre que la compagnie ne dispose pas d'un logiciel de paie pour le traitement des salaires du personnel. Bekolo & Partner a proposé de revoir jusqu'à l'organigramme avec la suppression de certains postes et la création de nouveaux postes pour assurer une efficacité optimale.
L'urgence d'avoir en interne un fiscaliste est fortement ressenti et la compagnie pourrait essuyer des redressements fiscaux avec sa gestion hasardeuse des prélèvements fiscaux sur les salaires et sur les factures des fournisseurs. Les factures de la plupart des fournisseurs de la compagnie n'ont pas de TVA alors qu'il devrait être opéré une retenue systématique sur ces factures, les acomptes sur le chiffre d'affaires ne sont pas déclarés, Camair-Co pourrait être condamnée à payer 100 millions à l'administration fiscale pour la période d'avril à juillet 2011, sans compter une ardoise fiscale évaluée à près de 1,5 milliard ou à 3 milliards, en tenant compte de l'ensemble des opérations de la compagnie.
Sur le plan strictement technique, on remarque que la compagnie ne dispose pas de mécaniciens au sol en dehors de l'escale de Douala. Conséquence, si un avion tombe en panne à Yaoundé ou à Garoua, il faut attendre qu'une équipe de mécanos soit dépêchée de Douala.