Militantisme: FAME NDONGO, Maurice KAMTO, KONTCHOU KOUOMEGNI, Titus EDZOA, HOGBE NLEND, NDAM NJOYA, MONO NDJANA... Gloires et déboires des Universitaires en politique
Yaoundé, 07 Août 2013
© Christian Lang | Repères
M. Maurice Kamto est agrégé de droit public. En tant que tel, il jouit de la présomption de compétence en matière d'interprétation des textes légaux. Il est supposé maîtriser l'armature institutionnelle qui encadre le processus électoral au Cameroun. Malgré cela, sa candidature n'a pas été jugée recevable par Elections Cameroon. Comme M. Kamto, ils sont nombreux ces enseignants d'université qui ont décidé de faire flotter leurs toges et d'essorer leur magistère sur le champ politique camerounais. Avec des fortunes diverses.
M. MAURICE KAMTO: UNE SI DURE RENAISSANCE
Le rejet de la candidature du Pr. Maurice Kamto par Elections Cameroon (Elecam) a fait la Une des journaux; le sujet a fait débat dans les médias audiovisuels camerounais. Certains universitaires s'en sont régalés. Dans une tribune publiée dans Cameroon tribune du vendredi 26 juillet 2013, le Pr. James Mouangue Kobila pense que M. Maurice Kamto est «à l'école de la pratique politique et à l'heure du recyclage en droit électoral». Paradoxe cognitif: «alors qu'il est l'auteur de deux études en droit électoral, Maurice Kamto, le président du MRC ne pourra pas participer aux élections législatives du 30 septembre prochain», écrit M. Mouangue Kobila.
Sans longtemps cogiter, l'on comprend que la politique de manuel et la pratique politique ne sont pas toujours facilement assimilables. L'intellectuel — théoricien - peut connaître des échecs politiques qui tranchent avec son magistère. Et M. Kamto n'est pas l'exception qui confirme la règle. Son engage¬ment dans la politique partisane n'est guère un long fleuve tranquille. Celui qui a eu des accointances avec l'opposition en 1992 est devenu membre du gouvernement (Ministre délégué à la Justice) entre 2004 et 2011. Le 30 novembre 2011, il démissionne bruyamment du gouvernement sans lier son acte à la présidentielle qui venait d'avoir lieu. Que va-t-il devenir? Début 2013, il est porté à la tête du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC). Depuis son engament en politicien, ses rapports avec les autorités administratives sont tendus: pas toujours facile d'obtenir une autorisation de manifestation publique. Celui qui préside la commission de droit international de l'ONU devra d'abord démêler les rouages juridiques électoraux avant de prétendre siéger à l'Assemblée nationale. A une seule condition: que l'électorat le consente.
M. TITUS EDZOA: PRÉVARICATEUR OU OUTRECUIDANT
Au sommet de sa gloire Politico-administrative, le Pr. Titus Edzoa incarnait parfaitement l'image de l'apparatchik accompli: parcours radieux, postes de pouvoirs de premier plan, source d'honneur et de prestige sociale, non sans être le modèle envié par certains jeunes cadres épris de gloire professionnelle. Le chirurgien, après avoir été Ministre de l'Enseignement supérieur, a exercé à la présidence de la République comme Secrétaire général, un poste que l'on présente comme étant la vice-présidence de fait. Homme du sérail, il savait se faire craindre et respecter.
Bénéficiant de la confiance du Chef de l'Etat, l'on imaginait mal ce médecin en disgrâce auprès du Prince. Mais, c'était sans compter avec les fluctuations incessantes du champ politique. Avril 1997, le Pr. Titus Edzoa est nommé Ministre de la Santé publique. Traduction: il rétro¬grade en pouvoir, en prestige et en honneur. L'ordre protocolaire et les manigances de couloirs ne lui seront plus avantageux. Par la suite, M. Edzoa annonce sa candidature à la présidentiel¬le de la même année. Son vœu présidentiel ne s'accomplira pas; il est arrêté en septembre 1997, un mois avant la présidentielle. La justice lui impute la mauvaise gestion de certains dossiers administratifs et des libertés ostentatoires avec la fortune publique. Il est condamné à 15 ans de prison ferme. En 2012, il est à nouveau condamné à 10 de prison ferme. Si les malversations financières sent le motif de son incarcération, d'aucuns estiment cependant que cet ancien apparatchik a été incarcéré du fait de son outrecuidance, en voulant challenger M. Paul Biya, celui qui l'a forgé. Du fond de sa cellule, l'universitaire a réussi à essorer son intellect pour livrer ses Méditations de prison publié chez Karthala.
M. HOGBE NLEND: L'ÉCLIPSE APRÈS L'ÉCLAIR
Avant l'élection présidentiel¬le d'octobre 1997, le Pr Henri Hogbe Nlend n'avait pas posé d'actes politiques de grande amplitude au Cameroun. Il a été l'un des challengers de M. Paul Biya, candidat à sa propre réélection. A l'époque, l'Union des populations du Cameroun (UPC), dont le mathématicien est militant, traverse une crise de leadership. La guerre est littéralement ouverte entre les partisans de cette famille poli¬tique. Il y a scission: l'on a deux UPC. Au point de créer une confusion de dénomination. Pour différencier sa tendance de celle de M. Augustin Frédéric Kodock il fallait être attentif sur la lettre écrite entre parenthèse, H ou K. Le candidat du RDPC rafle la mise à la présidentielle de 1997, avec un pourcentage plébiscitaire. M. Paul Biya forme son gouvernement en décembre 1997. M. Henri Hogbe Nlend est nommé Ministre de la Recherche scientifique et technique. Il quitte le gouvernement en août 2002 et retourne poursuivre ses activités universitaires. Après sa sortie du gouvernement, les apparitions du mathématicien sur la scène politique se sont raréfiées. En avril 2011, il a annoncé qu'il sera candidat à la présidentielle. On connaît la suite. A préciser que le Pr. Hogbe Nlend est militant de l'UPC depuis 1959. Il a été Président de la section France de ce parti, tout en le représentant dans plusieurs pays africains: Algérie, Congo Brazzaville.
M. KONTCHOU KOUOMEGNI: «UN BON JOUEUR» AU BANC DE TOUCHE
M. Kontchou était membre de la commission d'investiture du RDPC dans les Hauts plateaux pour le compte des élections du 30 septembre prochain. Selon certaines sources, le politologue a physiquement brutalisé un notable. La suite: M. Jean Nkuété, Secrétaire général du comité central du RDPC, a extrait son camarade, devenu pugiliste, de la commission d'investiture. Qu'est-ce qui peut motiver un enseignant de science politique, ancien Ministre, à recourir à l'argument de la force? La nature? Certainement. Certaines sources affirment aussi que M. Kontchou aurait également exercé des voies de fait sur la personne du Pr. Bruno Bekolo Ebe, ci-devant recteur de l'Université de Douala. Si les Camerounais découvrent les actes de brutalité physique du Pr. Kontchou sur l'espace public, ils sont au moins habitués à son verbe sans raffinement. Ce bout de phrase «Zéro mort», prononcé en direct à la télévision nationale dans le années 1990 en pleine grève universitaire reste frais dans les mémoires.
Le Pr. Kontchou a, tour à tour été Ministre de l'Information et de la Culture, Ministre de la Communication et Ministre des Relations extérieures. Il sort du gouvernement en 2001. Il entame alors une longue traversée du désert entrecoupée par une nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Université de Douala entre 2005 et 2008. Assis à nouveau sur le banc de touche surchargé de la République, il est vit dans l'espérance. Et certains observateurs de la scène politico-médiatique n’ont pas Manqué d'analyser en profondeur les récente sorties du Pr. Augustin Kontchou Kouomegni. En 2012 le politologue est l'invité à l'émission l'Arène sur la chaîne de télévision privée Canal2 International. Il accorde aussi des interviews au quotidien Mutations et au magazine Anagsama. Que cachent cet activisme et cette hyper-présence médiatique? D'aucuns estiment que l'enseignant de science politique, qui affirme être «le maître de Kamto», fait les yeux doux au Prince. Pour un éventuel retour en grâce.
M. NDAM NJOYA: PRÉSIDENT AD VITAM ETERNAM
Le Président national de l'Union démocratique du Cameroun (UDC) est titulaire d'un doctorat d'Etat en droit public international et en sciences politiques. Il est le tout premier Directeur de l'Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC) en 1971. Il y a enseigné. De 1975 à 1982 il est Ministre dans les différents gouvernements du Cameroun. Il n'a pas la continuité à la grâce gouvernementale une fois M. Paul Biya devenu Président de la République. En 1991, avec l'ouverture démocratique et la réinstauration du multipartisme, il crée l'UDC dont il devient logiquement président. Il se présente régulièrement aux élections présidentielles, sans réussir à avoir des suffrages confortables. Il a été député à l'Assemblée nationale jusqu'en 2007, avant de céder le siège à son épouse, la loi électorale ne permettant plus de cumuler les postes de Député et de Maire. Il a juste conservé son siège à la mairie de Foumban, où il est candidat, une fois de plus, à sa propre succession. Depuis la création de l'UDC, M. Ndam Njoya en est le Président.
M. NJOH MOUELLE: L'IMPERMANENCE DE L'EXCELLENCE EN POLITIQUE
Le Pr. Ebénézer Njoh Mouelle a dirigé le Centre universitaire de Douala et l’École normale supérieure de Yaoundé dans les années 1980. Normal. Il est professeur d'université. Mais il pense que ces responsabilités n'avaient que des relents administratifs. Après le congrès qui voit l'UNC (ancien parti unique) devenir RDPC, le Secrétaire politique de l'époque, M. François Sengat Kuo, décide d'organiser une tournée d'explication dans les différents départements de la province du Littoral.
Le philosophe est dans la caravane. L'on ne lui impose pas de texte à lire mécaniquement, selon les usages en vigueur. «J'ai été toutefois le seul à s'être vu donner la liberté de pré¬parer son intervention portant sur le type d'homme que le «Renouveau», entendait promouvoir. Cette liberté qui m’a été donnée, le thème traité, la manière très libre avec laquelle je présentais la question, m'avaient valu un énorme succès d'applaudimètre tout au long de notre périple», relate-t-il sur son site internet. En novembre 1986 M. Njoh Mouelle, membre suppléant du comité central de son parti, est nommé conseiller du Président de la République par M. Paul Biya. En mai 1988, il passe conseiller technique à la présidence de la République. Son ascension politique se poursuit. L'enseignant de philosophie est nommé Secrétaire général du Comité central du RDPC en mai 1990. Il perd les élections législatives de mars 1992 dans le Nkam; il perd aussi son poste au comité central du RDPC. Il entame la traversée du désert. Cinq ans après la tentative victorieuse: il est élu Député à l'Assemblée nationale en 1997. Il y passe une législature seulement: De septembre 2006 à septembre 2007, il est éphémère Ministre de la Communication. Jusque-là membre suppléant du comité central de son parti, le philosophe en devient titulaire élu en septembre 2011. Le parcours politique du Pr. Njoh Mouelle n'est pas une surface plane.
M. MONO NDJANA: LA DIALECTIQUE DE LA PROMESSE ET DE LA DECEPTION
Il grossit les effectifs de ces enseignants d'université qui ont décidé de faire flotter leurs toges sur le champ politique. M. Hubert Mono, professeur titulaire de philosophie, est militant du RDPC depuis des décennies. Auteur prolifique, il a consacré les thèmes de certaines de ses publications au Prince, notamment: Pour comprendre le Libéralisme communautaire de Paul Biya (Ceper, 1989), et L'idée sociale chez Paul Biya (Université de Yaoundé, 1985).
Il faut préciser cependant que le philosophe entre et politique sans en cerner les contours heureux et disgracieux. M. Mono Ndjana n'a pas su, à ses débuts dans le militantisme, que le rationalisme et la politique ne font pas nécessairement bon ménage. Il a été secrétaire national à la communication du RDPC. Plus rien. Il n'a pas eu la possibilité de devenir sénateur comme il le souhaitait.
Conséquence: «Je suis profondément déçu... Je pensais qu'au regard de ce que j'ai fait pour ce parti et son chef, je méritais d’être sénateur je méritais d’être récompensé. J’ai été trompé par mes partenaires», ceux-là qui ont convaincu le philosophe que le militantisme avait des retombées politico-administratives. Mais les promesses n'ont pas eu de déclinaisons matérielles satisfaisantes.
Sur le plan académique, sa carrière n'a pas été jalonnée de gloire à l'Université. Il n'a jamais été nommé doyen ou recteur comme certains de ses collègues et camarades du parti. Pas de strapontin ministériel. Son passage comme président du conseil d'administration de la Sociladra lui a fait perdre quelques plumes. Dans la jungle politico-administrative, M. Mono Ndjana a même souvent enduré les quolibets de certains jeunes loups très peu Polis.
«Je n'accepte pas que des jeunes gens me manquent de respect de la sorte, s'ils sont administrativement au-dessus de moi», tempête-t-il souvent. Retraité et ayant - compris qu'il a «perdu [son] temps» en l'assumant, le philosophe ne se «fait plus d'illusion sur personne». Il n'est jamais trop tard pour philosopher.
M. FAME NDONGO: LA RANÇON DU LOYALISME
Son militantisme et son loyalisme au RDPC et à son Président national sont univoques. Aucune indécision politique ne transparaît dans ses faits, gestes et propos concernant le parti et son principal dirigeant, quelque soit la température des vagues sociales qui agitent souvent le Cameroun. Lorsque M. Marafa Hamidou Yaya commence à animer le débat après son interpellation, M. Fame Ndongo passe à l'offensive. Il trouve très peu élégant que son camarade Marafa s'agite par des sorties épistolaires. Heureusement que dans un éditorial publié dans L'Action le Pr. Fame Ndongo a convoqué les théories de certains auteurs, notamment celle de M. Maurice Duverger sur le conflit en politique. Le Ministre de l'Enseignement supérieur dédaigne certainement le conflit en politique. Il accorde donc son soutien total à M. Paul Biya. Le retour d'ascenseur est conséquent. Son parcours est jalonné de gloire. Après avoir été journaliste à Cameroon tribune et près un séjour académique en France, il devient Directeur de l’École supérieure internationale de journalisme de Yaoundé (ESIJY, l'ancêtre de l'ESSTIC) de 1981 à 1993. Le 31 juillet 1984, il est porté à la tête de la cellule de communication de la présidence de la République. Le 30 octobre 1998, il devient recteur de l'Université de Yaoundé I. En 2000, M. Fame Ndongo fait son entrée au gouvernement en qualité de Ministre de la Communication. Le 8 décembre 2004, il est nommé Ministre de l'Enseignement supérieur.
Membre titulaire du Comité central du RDPC depuis décembre 1996, il devient Secrétaire national à la communication le 4 avril 2007. Sur le plan de la conception de la communication de M. Paul Biya, la bio-graphie du Pr. Fame Ndongo publiée sur le site internet du RDPC indique: «il participe (...) aux côtés de Jacques Seguela et Denis Ossano, deux publicitaires française de renom, à l'élaboration du slogan «L'homme-lion», qui permettra à Paul Biya de remporter la difficile présidentielle d'octobre 1992. Il publie «la décennie Paul Biya», «Paul Biya ou l'incarnation de la rigueur», le Renouveau camerounais: certitude et défis» et entre autres, «l'appel du destin». Un parcours glorieux que tous les universitaires n'ont pas toujours eu, même ceux qui militent au RDPC.
M. NGUINI EFFA: LE BAGNE ET LA LITTÉRATURE APRÈS LA PÉTROCHIMIE
L’ancien Directeur général de la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP) est ingénieur pétrochimiste. Il est également titulaire d'un doctorat d'Etat ès sciences physiques. Sujet brillant, M. Jean Baptiste Nguini Effa est recruté en 1984, un an après son retour au Cameroun à la faculté des sciences de l'Université de Yaoundé grâce, dit-on, au chancelier de l'époque, M. Joseph Owona. Ce dernier aurait été impressionné par le parcours universitaire du jeune Nguini Effa. Il est alors enseignant au département de Chimie organique. Lorsque le Pr. Joseph Owona devient Ministre de la Fonction publique, M. Nguini Effa se voit confier la division de la formation et des stages dans ce département ministériel. Une fois nommé Ministre de l'Enseignement supérieur, le Pr. Owona emporte, une fois de plus, son protégé dans ses bagages. Il devient directeur des bourses de la planification et de l'orientation universitaire et professionnelle. En 1992, M. Nguini Effa est nommé Secrétaire général du Ministère des Mines, de l'Eau et de l'Energie. Et en 1994, il est porté à la Direction générale de la SCDP. Poste qu'il occupe jusqu'en 2009. Par la suite, il est arrêté et incarcéré à la prison centrale de Douala à New Bell. Du fond de sa cellule, le pétrochimiste n'a pas accès à un laboratoire pour exercer son magistère. Mais il a vite trouvé la bonne formule: publier des livres. Les éditions L'harmattan ont notamment publié: De la tour d'Elf à la prison centrale de New Bell, et Les hydrocarbures dans le monde, en Afrique et au Cameroun.
M. OLIVIER BILE: TOUT POUVOIR VIENT DE DIEU
Son nom est devenu familier aux Camerounais en 2011, à la faveur de l'élection présidentielle. M. Olivier Bile, enseignant à l'ESSTIC, a décidé de challenger M. Paul Biya, le candidat du RDPC. Dans un paysage politique où les acteurs vont jusqu'à tenir des discours loufoques aux tendances ubuesques, comment trouver des termes qui captivent l'attention du public? M. Bile a choisi de fonder son idéologie au tour de la foi, de la croyance en Dieu. Il promeut le «foyisme». Question: la foi est-elle toujours gage de quiétude et de rapports cordiaux avec le prochain, surtout lorsque l'on s'engage en politique? Quelque soit son degré de foi, M. Olivier Bile ne peut pas répondre à cette question par l'affirmative. Lui qui et aussi employé de la CRTV comme réalisateur a été privé de son salaire par son employeur, sans motifs professionnels évidents. Après une procédure à l'inspection du travail, il a été rétabli dans ses droits. La foi des militants de l'Union pour la Fraternité et la Prospérité, parviendra-t-elle à soulever les montagnes politiques?
© Christian Lang | Repères
M. Maurice Kamto est agrégé de droit public. En tant que tel, il jouit de la présomption de compétence en matière d'interprétation des textes légaux. Il est supposé maîtriser l'armature institutionnelle qui encadre le processus électoral au Cameroun. Malgré cela, sa candidature n'a pas été jugée recevable par Elections Cameroon. Comme M. Kamto, ils sont nombreux ces enseignants d'université qui ont décidé de faire flotter leurs toges et d'essorer leur magistère sur le champ politique camerounais. Avec des fortunes diverses.
M. MAURICE KAMTO: UNE SI DURE RENAISSANCE
Le rejet de la candidature du Pr. Maurice Kamto par Elections Cameroon (Elecam) a fait la Une des journaux; le sujet a fait débat dans les médias audiovisuels camerounais. Certains universitaires s'en sont régalés. Dans une tribune publiée dans Cameroon tribune du vendredi 26 juillet 2013, le Pr. James Mouangue Kobila pense que M. Maurice Kamto est «à l'école de la pratique politique et à l'heure du recyclage en droit électoral». Paradoxe cognitif: «alors qu'il est l'auteur de deux études en droit électoral, Maurice Kamto, le président du MRC ne pourra pas participer aux élections législatives du 30 septembre prochain», écrit M. Mouangue Kobila.
Sans longtemps cogiter, l'on comprend que la politique de manuel et la pratique politique ne sont pas toujours facilement assimilables. L'intellectuel — théoricien - peut connaître des échecs politiques qui tranchent avec son magistère. Et M. Kamto n'est pas l'exception qui confirme la règle. Son engage¬ment dans la politique partisane n'est guère un long fleuve tranquille. Celui qui a eu des accointances avec l'opposition en 1992 est devenu membre du gouvernement (Ministre délégué à la Justice) entre 2004 et 2011. Le 30 novembre 2011, il démissionne bruyamment du gouvernement sans lier son acte à la présidentielle qui venait d'avoir lieu. Que va-t-il devenir? Début 2013, il est porté à la tête du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC). Depuis son engament en politicien, ses rapports avec les autorités administratives sont tendus: pas toujours facile d'obtenir une autorisation de manifestation publique. Celui qui préside la commission de droit international de l'ONU devra d'abord démêler les rouages juridiques électoraux avant de prétendre siéger à l'Assemblée nationale. A une seule condition: que l'électorat le consente.
M. TITUS EDZOA: PRÉVARICATEUR OU OUTRECUIDANT
Au sommet de sa gloire Politico-administrative, le Pr. Titus Edzoa incarnait parfaitement l'image de l'apparatchik accompli: parcours radieux, postes de pouvoirs de premier plan, source d'honneur et de prestige sociale, non sans être le modèle envié par certains jeunes cadres épris de gloire professionnelle. Le chirurgien, après avoir été Ministre de l'Enseignement supérieur, a exercé à la présidence de la République comme Secrétaire général, un poste que l'on présente comme étant la vice-présidence de fait. Homme du sérail, il savait se faire craindre et respecter.
Bénéficiant de la confiance du Chef de l'Etat, l'on imaginait mal ce médecin en disgrâce auprès du Prince. Mais, c'était sans compter avec les fluctuations incessantes du champ politique. Avril 1997, le Pr. Titus Edzoa est nommé Ministre de la Santé publique. Traduction: il rétro¬grade en pouvoir, en prestige et en honneur. L'ordre protocolaire et les manigances de couloirs ne lui seront plus avantageux. Par la suite, M. Edzoa annonce sa candidature à la présidentiel¬le de la même année. Son vœu présidentiel ne s'accomplira pas; il est arrêté en septembre 1997, un mois avant la présidentielle. La justice lui impute la mauvaise gestion de certains dossiers administratifs et des libertés ostentatoires avec la fortune publique. Il est condamné à 15 ans de prison ferme. En 2012, il est à nouveau condamné à 10 de prison ferme. Si les malversations financières sent le motif de son incarcération, d'aucuns estiment cependant que cet ancien apparatchik a été incarcéré du fait de son outrecuidance, en voulant challenger M. Paul Biya, celui qui l'a forgé. Du fond de sa cellule, l'universitaire a réussi à essorer son intellect pour livrer ses Méditations de prison publié chez Karthala.
M. HOGBE NLEND: L'ÉCLIPSE APRÈS L'ÉCLAIR
Avant l'élection présidentiel¬le d'octobre 1997, le Pr Henri Hogbe Nlend n'avait pas posé d'actes politiques de grande amplitude au Cameroun. Il a été l'un des challengers de M. Paul Biya, candidat à sa propre réélection. A l'époque, l'Union des populations du Cameroun (UPC), dont le mathématicien est militant, traverse une crise de leadership. La guerre est littéralement ouverte entre les partisans de cette famille poli¬tique. Il y a scission: l'on a deux UPC. Au point de créer une confusion de dénomination. Pour différencier sa tendance de celle de M. Augustin Frédéric Kodock il fallait être attentif sur la lettre écrite entre parenthèse, H ou K. Le candidat du RDPC rafle la mise à la présidentielle de 1997, avec un pourcentage plébiscitaire. M. Paul Biya forme son gouvernement en décembre 1997. M. Henri Hogbe Nlend est nommé Ministre de la Recherche scientifique et technique. Il quitte le gouvernement en août 2002 et retourne poursuivre ses activités universitaires. Après sa sortie du gouvernement, les apparitions du mathématicien sur la scène politique se sont raréfiées. En avril 2011, il a annoncé qu'il sera candidat à la présidentielle. On connaît la suite. A préciser que le Pr. Hogbe Nlend est militant de l'UPC depuis 1959. Il a été Président de la section France de ce parti, tout en le représentant dans plusieurs pays africains: Algérie, Congo Brazzaville.
M. KONTCHOU KOUOMEGNI: «UN BON JOUEUR» AU BANC DE TOUCHE
M. Kontchou était membre de la commission d'investiture du RDPC dans les Hauts plateaux pour le compte des élections du 30 septembre prochain. Selon certaines sources, le politologue a physiquement brutalisé un notable. La suite: M. Jean Nkuété, Secrétaire général du comité central du RDPC, a extrait son camarade, devenu pugiliste, de la commission d'investiture. Qu'est-ce qui peut motiver un enseignant de science politique, ancien Ministre, à recourir à l'argument de la force? La nature? Certainement. Certaines sources affirment aussi que M. Kontchou aurait également exercé des voies de fait sur la personne du Pr. Bruno Bekolo Ebe, ci-devant recteur de l'Université de Douala. Si les Camerounais découvrent les actes de brutalité physique du Pr. Kontchou sur l'espace public, ils sont au moins habitués à son verbe sans raffinement. Ce bout de phrase «Zéro mort», prononcé en direct à la télévision nationale dans le années 1990 en pleine grève universitaire reste frais dans les mémoires.
Le Pr. Kontchou a, tour à tour été Ministre de l'Information et de la Culture, Ministre de la Communication et Ministre des Relations extérieures. Il sort du gouvernement en 2001. Il entame alors une longue traversée du désert entrecoupée par une nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Université de Douala entre 2005 et 2008. Assis à nouveau sur le banc de touche surchargé de la République, il est vit dans l'espérance. Et certains observateurs de la scène politico-médiatique n’ont pas Manqué d'analyser en profondeur les récente sorties du Pr. Augustin Kontchou Kouomegni. En 2012 le politologue est l'invité à l'émission l'Arène sur la chaîne de télévision privée Canal2 International. Il accorde aussi des interviews au quotidien Mutations et au magazine Anagsama. Que cachent cet activisme et cette hyper-présence médiatique? D'aucuns estiment que l'enseignant de science politique, qui affirme être «le maître de Kamto», fait les yeux doux au Prince. Pour un éventuel retour en grâce.
M. NDAM NJOYA: PRÉSIDENT AD VITAM ETERNAM
Le Président national de l'Union démocratique du Cameroun (UDC) est titulaire d'un doctorat d'Etat en droit public international et en sciences politiques. Il est le tout premier Directeur de l'Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC) en 1971. Il y a enseigné. De 1975 à 1982 il est Ministre dans les différents gouvernements du Cameroun. Il n'a pas la continuité à la grâce gouvernementale une fois M. Paul Biya devenu Président de la République. En 1991, avec l'ouverture démocratique et la réinstauration du multipartisme, il crée l'UDC dont il devient logiquement président. Il se présente régulièrement aux élections présidentielles, sans réussir à avoir des suffrages confortables. Il a été député à l'Assemblée nationale jusqu'en 2007, avant de céder le siège à son épouse, la loi électorale ne permettant plus de cumuler les postes de Député et de Maire. Il a juste conservé son siège à la mairie de Foumban, où il est candidat, une fois de plus, à sa propre succession. Depuis la création de l'UDC, M. Ndam Njoya en est le Président.
M. NJOH MOUELLE: L'IMPERMANENCE DE L'EXCELLENCE EN POLITIQUE
Le Pr. Ebénézer Njoh Mouelle a dirigé le Centre universitaire de Douala et l’École normale supérieure de Yaoundé dans les années 1980. Normal. Il est professeur d'université. Mais il pense que ces responsabilités n'avaient que des relents administratifs. Après le congrès qui voit l'UNC (ancien parti unique) devenir RDPC, le Secrétaire politique de l'époque, M. François Sengat Kuo, décide d'organiser une tournée d'explication dans les différents départements de la province du Littoral.
Le philosophe est dans la caravane. L'on ne lui impose pas de texte à lire mécaniquement, selon les usages en vigueur. «J'ai été toutefois le seul à s'être vu donner la liberté de pré¬parer son intervention portant sur le type d'homme que le «Renouveau», entendait promouvoir. Cette liberté qui m’a été donnée, le thème traité, la manière très libre avec laquelle je présentais la question, m'avaient valu un énorme succès d'applaudimètre tout au long de notre périple», relate-t-il sur son site internet. En novembre 1986 M. Njoh Mouelle, membre suppléant du comité central de son parti, est nommé conseiller du Président de la République par M. Paul Biya. En mai 1988, il passe conseiller technique à la présidence de la République. Son ascension politique se poursuit. L'enseignant de philosophie est nommé Secrétaire général du Comité central du RDPC en mai 1990. Il perd les élections législatives de mars 1992 dans le Nkam; il perd aussi son poste au comité central du RDPC. Il entame la traversée du désert. Cinq ans après la tentative victorieuse: il est élu Député à l'Assemblée nationale en 1997. Il y passe une législature seulement: De septembre 2006 à septembre 2007, il est éphémère Ministre de la Communication. Jusque-là membre suppléant du comité central de son parti, le philosophe en devient titulaire élu en septembre 2011. Le parcours politique du Pr. Njoh Mouelle n'est pas une surface plane.
M. MONO NDJANA: LA DIALECTIQUE DE LA PROMESSE ET DE LA DECEPTION
Il grossit les effectifs de ces enseignants d'université qui ont décidé de faire flotter leurs toges sur le champ politique. M. Hubert Mono, professeur titulaire de philosophie, est militant du RDPC depuis des décennies. Auteur prolifique, il a consacré les thèmes de certaines de ses publications au Prince, notamment: Pour comprendre le Libéralisme communautaire de Paul Biya (Ceper, 1989), et L'idée sociale chez Paul Biya (Université de Yaoundé, 1985).
Il faut préciser cependant que le philosophe entre et politique sans en cerner les contours heureux et disgracieux. M. Mono Ndjana n'a pas su, à ses débuts dans le militantisme, que le rationalisme et la politique ne font pas nécessairement bon ménage. Il a été secrétaire national à la communication du RDPC. Plus rien. Il n'a pas eu la possibilité de devenir sénateur comme il le souhaitait.
Conséquence: «Je suis profondément déçu... Je pensais qu'au regard de ce que j'ai fait pour ce parti et son chef, je méritais d’être sénateur je méritais d’être récompensé. J’ai été trompé par mes partenaires», ceux-là qui ont convaincu le philosophe que le militantisme avait des retombées politico-administratives. Mais les promesses n'ont pas eu de déclinaisons matérielles satisfaisantes.
Sur le plan académique, sa carrière n'a pas été jalonnée de gloire à l'Université. Il n'a jamais été nommé doyen ou recteur comme certains de ses collègues et camarades du parti. Pas de strapontin ministériel. Son passage comme président du conseil d'administration de la Sociladra lui a fait perdre quelques plumes. Dans la jungle politico-administrative, M. Mono Ndjana a même souvent enduré les quolibets de certains jeunes loups très peu Polis.
«Je n'accepte pas que des jeunes gens me manquent de respect de la sorte, s'ils sont administrativement au-dessus de moi», tempête-t-il souvent. Retraité et ayant - compris qu'il a «perdu [son] temps» en l'assumant, le philosophe ne se «fait plus d'illusion sur personne». Il n'est jamais trop tard pour philosopher.
M. FAME NDONGO: LA RANÇON DU LOYALISME
Son militantisme et son loyalisme au RDPC et à son Président national sont univoques. Aucune indécision politique ne transparaît dans ses faits, gestes et propos concernant le parti et son principal dirigeant, quelque soit la température des vagues sociales qui agitent souvent le Cameroun. Lorsque M. Marafa Hamidou Yaya commence à animer le débat après son interpellation, M. Fame Ndongo passe à l'offensive. Il trouve très peu élégant que son camarade Marafa s'agite par des sorties épistolaires. Heureusement que dans un éditorial publié dans L'Action le Pr. Fame Ndongo a convoqué les théories de certains auteurs, notamment celle de M. Maurice Duverger sur le conflit en politique. Le Ministre de l'Enseignement supérieur dédaigne certainement le conflit en politique. Il accorde donc son soutien total à M. Paul Biya. Le retour d'ascenseur est conséquent. Son parcours est jalonné de gloire. Après avoir été journaliste à Cameroon tribune et près un séjour académique en France, il devient Directeur de l’École supérieure internationale de journalisme de Yaoundé (ESIJY, l'ancêtre de l'ESSTIC) de 1981 à 1993. Le 31 juillet 1984, il est porté à la tête de la cellule de communication de la présidence de la République. Le 30 octobre 1998, il devient recteur de l'Université de Yaoundé I. En 2000, M. Fame Ndongo fait son entrée au gouvernement en qualité de Ministre de la Communication. Le 8 décembre 2004, il est nommé Ministre de l'Enseignement supérieur.
Membre titulaire du Comité central du RDPC depuis décembre 1996, il devient Secrétaire national à la communication le 4 avril 2007. Sur le plan de la conception de la communication de M. Paul Biya, la bio-graphie du Pr. Fame Ndongo publiée sur le site internet du RDPC indique: «il participe (...) aux côtés de Jacques Seguela et Denis Ossano, deux publicitaires française de renom, à l'élaboration du slogan «L'homme-lion», qui permettra à Paul Biya de remporter la difficile présidentielle d'octobre 1992. Il publie «la décennie Paul Biya», «Paul Biya ou l'incarnation de la rigueur», le Renouveau camerounais: certitude et défis» et entre autres, «l'appel du destin». Un parcours glorieux que tous les universitaires n'ont pas toujours eu, même ceux qui militent au RDPC.
M. NGUINI EFFA: LE BAGNE ET LA LITTÉRATURE APRÈS LA PÉTROCHIMIE
L’ancien Directeur général de la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP) est ingénieur pétrochimiste. Il est également titulaire d'un doctorat d'Etat ès sciences physiques. Sujet brillant, M. Jean Baptiste Nguini Effa est recruté en 1984, un an après son retour au Cameroun à la faculté des sciences de l'Université de Yaoundé grâce, dit-on, au chancelier de l'époque, M. Joseph Owona. Ce dernier aurait été impressionné par le parcours universitaire du jeune Nguini Effa. Il est alors enseignant au département de Chimie organique. Lorsque le Pr. Joseph Owona devient Ministre de la Fonction publique, M. Nguini Effa se voit confier la division de la formation et des stages dans ce département ministériel. Une fois nommé Ministre de l'Enseignement supérieur, le Pr. Owona emporte, une fois de plus, son protégé dans ses bagages. Il devient directeur des bourses de la planification et de l'orientation universitaire et professionnelle. En 1992, M. Nguini Effa est nommé Secrétaire général du Ministère des Mines, de l'Eau et de l'Energie. Et en 1994, il est porté à la Direction générale de la SCDP. Poste qu'il occupe jusqu'en 2009. Par la suite, il est arrêté et incarcéré à la prison centrale de Douala à New Bell. Du fond de sa cellule, le pétrochimiste n'a pas accès à un laboratoire pour exercer son magistère. Mais il a vite trouvé la bonne formule: publier des livres. Les éditions L'harmattan ont notamment publié: De la tour d'Elf à la prison centrale de New Bell, et Les hydrocarbures dans le monde, en Afrique et au Cameroun.
M. OLIVIER BILE: TOUT POUVOIR VIENT DE DIEU
Son nom est devenu familier aux Camerounais en 2011, à la faveur de l'élection présidentielle. M. Olivier Bile, enseignant à l'ESSTIC, a décidé de challenger M. Paul Biya, le candidat du RDPC. Dans un paysage politique où les acteurs vont jusqu'à tenir des discours loufoques aux tendances ubuesques, comment trouver des termes qui captivent l'attention du public? M. Bile a choisi de fonder son idéologie au tour de la foi, de la croyance en Dieu. Il promeut le «foyisme». Question: la foi est-elle toujours gage de quiétude et de rapports cordiaux avec le prochain, surtout lorsque l'on s'engage en politique? Quelque soit son degré de foi, M. Olivier Bile ne peut pas répondre à cette question par l'affirmative. Lui qui et aussi employé de la CRTV comme réalisateur a été privé de son salaire par son employeur, sans motifs professionnels évidents. Après une procédure à l'inspection du travail, il a été rétabli dans ses droits. La foi des militants de l'Union pour la Fraternité et la Prospérité, parviendra-t-elle à soulever les montagnes politiques?