Mila Assouté au sujet de la Tunisie:'' le vent de la liberté souffle sur le continent’’

Mila Assouté au sujet de la Tunisie:'' le vent de la liberté souffle sur le continent’’

Mila Assoute:Camer.beLe président du Rassemblement Démocratique pour la Modernité du Cameroun (RDMC) est le premier leader politique camerounais à réagir officiellement sur le changement politique intervenu ces dernières heures en Tunisie. Chief Mila Assouté a choisi la tribune de Camer.be, votre média de proximité  pour livrer son opinion sur la chute de Ben Ali, vendredi. Le politicien camerounais salue la victoire de la rue et attire l’attention sur ‘’ l'éternité au pouvoir que raffole certains dictateurs africains’’.[...)Le RDMC est un parti qui respecte la souveraineté du Peuple.

Monsieur Mila Assouté, la pression de la rue a contraint Ben Ali à l'abandon du pouvoir le 14 janvier 2011 après 23 ans de règne en Tunisie. Comment avez-vous appris la nouvelle et quelle est votre réaction à chaud?

J'ai appris la nouvelle à la télévision comme tout le monde. Je suivais attentivement l'évolution de cette situation qui dure depuis quelque temps [presqu’un mois, ndlr] et bien sûr j'étais attentif à la position des politiciens de la France, de droite et de gauche...Ma réaction à chaud est simple: aucune dictature ne peut résister à la volonté populaire, massive et déterminée.

Cela repose le problème de l'éternité au pouvoir que raffole certains dictateurs africains. On voit bien que le vent de la liberté souffle sur le continent et le temps des archaïsmes est révolu. Les Peuples exigent la modernité politique et sociale, et rien n'y fera. Car aucun pays ne compte des soldats plus que ses propres citoyens!

Le RDMC partage-t-il, ou tout au moins, comprenez-vous ce type d'alternance au pouvoir au sein de votre parti politique?

Le RDMC est un parti qui respecte la souveraineté du Peuple. Notre choix d'alternance est démocratique, c'est-à-dire par le respect des suffrages, à condition que tous les acteurs et notamment ceux qui sont en charge de la gestion des élections respectent les lois et le vote des citoyens. Lorsque le citoyen ne croit plus à la sincérité des élections, lorsque le citoyen sait que sa situation ne changera pas parce qu'il y a une mafia militaro-politique qui prend en otage la volonté du Peuple et qui instrumentalise les institutions, le Peuple peut à tout moment choisir d'exprimer autrement sa souveraineté. Dans ces cas-là, le Peuple ne donne le choix à personne de comprendre ou de ne pas comprendre ce type d'alternance! Quand le souverain légitime parle on se tait et on respecte.

Le désormais ex-président Ben Ali a pourtant tenu un disc ours d’apaisement jeudi avant de démissionner précipitamment vendredi dans des circonstances non encore élucidées. Le scenario vous surprend-il au vu des derniers développements de l'actualité dans ce pays du Maghreb?

Le monde s'est globalisé. La télévision, internet et la fibre optique ont ouvert le monde aux jeunes. Il n'est plus possible d'agir comme à l'époque de la pierre taillée. Le "je vous ai compris’’ du général Charles De Gaule ne peut plus fonctionner quand les Peuples ont faim et voient ce qui se fait ailleurs... Vous savez, les discours d'apaisement après coup sont généralement dans ces cas-là sans objet.
Quand on massacre un Peuple, il faut s'attendre à ce qu'il ne vous écoute même plus quelque soit les belles offres que vous pourriez être amené sous sa pression à lui faire. En tout cas, il faut savoir quitter les choses avant que les choses ne nous quittent ou parfois ne vous emporte en vous quittant.

La ‘’révolution tunisienne’’ pourrait-elle influencer d’autres pays d’Afrique et notamment le Cameroun qui se prépare à vivre une année 2011 sous fond d’élection présidentielle? Mieux, faut-il craindre désormais l'effet d'entrainement sur le continent noir?

Les pays d'Afrique sont partout un formidable réservoir de jeunes. La jeunesse africaine est formée, elle a accès au savoir un peu partout et n'accepte plus de subir des régimes dictatoriaux. Cette époque est révolue il faut le savoir. Les hommes veulent la liberté qui leur a été longtemps privée et les garde dans la misère et la faim, le chômage et le désespoir alors qu'il ya une petite caste qui se remplit les poches avec cupidité. Les émeutes de la faim [février 2008, ndlr] ont secoué récemment tout le Continent.

Il n' ya pas à contaminer qui que ce soit. Les réalités créent le besoin. Les réalités étant les mêmes partout sur le Continent, le besoin sera le même sans effet de contamination qui peut tout simplement au meilleur des cas accélérer le processus dans certains pays comme le nôtre s'il n' y a pas de prévision de modernité par anticipation.

En Février 2008 lors des émeutes par exemple, on n’était pas en année électorale. Le Peuple peut agir à tout moment de son choix si les circonstances l'y contraint.

Quel rôle l’armée nationale doit-elle jouer en de pareilles circonstances et comment voyez-vous l’avenir proche de la Tunisie?

L'Armée est là pour protéger la souveraineté. Elle n'est pas là pour massacrer le Peuple qu'elle est censée protéger.Les massacres aussi doivent prendre fin sur le Continent. L'Armée ne sort des casernes qu'en temps de guerre. On ne peut pas devenir militaire juste pour soutenir une dictature contre le Peuple qui paye des impôts pour acheter les armes qu'on retournerait finalement contre son propriétaire.
L'Armée doit respecter la légitimité du Peuple à s'autodéterminer et se désigner librement ses dirigeants.

La France prend acte de la succession constitutionnelle en Tunisie. Pensez-vous que Ben Ali serait la bienvenue en hexagone s’il demandait l’asile politique en France?

La France a bien fait de prendre acte et je l'en félicite. Je pense même que c'est la position que la France aura de plus en plus quand la démocratie sur le Continent s'exprime. Au lieu de la critiquer moi je les y encourage. On doit respecter la volonté des Peuples d'Afrique. La vraie volonté. Non pas la volonté instrumentale des institutions. Il fallait bien que cela commençât quelque part.
Par contre, je suis mal placé pour parler de l'asile politique de M. Ben Ali en France. D'abord il faut qu'il souhaite venir en France sous l'asile, ensuite il dépend de la France de recevoir des exilés dans son pays et pas de moi.

Rencontrerez-vous Ben Ali pour prendre de ses nouvelles au cas où ce dernier trouvait refuge en France?

Pourquoi pas? C'est un Africain. Il a fait de bonnes choses aussi en Tunisie! Sa faute c'est de n'avoir pas su s'arrêter à temps comme beaucoup d'autres dictateurs africains qui perdent le contrôle de leur pays et croient aux sirènes des marivaudeurs. Alors que les africains sont divisés sur le rôle que joue la communauté internationale en Côte d'Ivoire actuellement, c’est la rue qui décide en Tunisie.

Comment appréciez-vous ces deux situations? Sont-elles complémentaires ou tout à fait contradictoire à votre avis?

La vie normale d'un pays est institutionnelle. La rue est un recours ultime face à l'irréversible oppression. Le Peuple a le droit à résister contre l'oppression avec les moyens de son choix. C'est inscrit dans la Charte Universelle des Droits de l'Homme.

La communauté internationale ne peut pas ignorer rester en marge des oppressions parfois odieuses ou des violations massives des droits de l'Homme par des régimes tortionnaires au nom des souverainetés. Il faut comprendre que le monde se globalise. Il y aura donc de plus en plus d'interventionnisme de la communauté internationale dans la vie des Etats où les dirigeants exposent la vie de leur Peuple aux massacres pour se maintenir de force au pouvoir. Cela est d'ailleurs souhaitable.

Il n'y a aucune souveraineté criminelle à encourager dans la vie des Nations et encore moins des Nations Unies.

Un dernier mot à l’endroit des Africains et surtout à l'endroit des peuples frères de Tunisie et de Côte d’Ivoire?

Il n' ya rien à dire aux Peuples qui expriment leur liberté. La liberté est un droit naturel reconnu par la Charte des Nations Unies. Personne n'a le droit de bafouer la liberté des autres. C'est un droit fondamental de l'Homme. Je pense que le Peuple de Tunisie a obtenu ce qu'il souhaitait, et il faut voir si on va respecter le choix du Peuple en Côte d'Ivoire et sortir de la crise qui secoue ce pays à tort par la voie négociation rapide et de sagesse des acteurs.La vérité est connue des protagonistes en présence. Il faut qu'ils s'y plient simplement par respect pour leur Peuple.Deux personnes ne peuvent pas gagner la même élection présidentielle. Il y a au moins un des deux qui l'a perdu dans les urnes. Il doit l'accepter.

© Camer.be : Interview réalisée par Hermann Oswald G’nowa


15/01/2011
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