Michel ZOAH: Si le chef de l'Etat veut trancher ma tête, je suis prêt à assumer
YAOUNDE - 28 JUIN 2010
© Nadine Bella | La Météo L'élimination prématurée des Lions en Afrique du Sud risque précipiter l'éviction du gouvernement du Minsep Trois défaites d'affilée, cinq buts encaissés, contre deux inscrits, les Lions indomptables du Cameroun n'ont pas été à la hauteur en Afrique du Sud. En six participations en Coupe du monde, c'est depuis 1982, en Espagne, la plus mauvaise prestation des Camerounais. Une grande déception pour les 20 millions de citoyens, et le continent africain, qui espéraient voir l'équipe nationale surclasser la génération des Roger Milla, Thomas Nkono, Oman Biyick, Emmanuel Kundé, Eugène Ekeke..., quart de finalistes lors du mondial de 1990 en Italie. Les pouvoirs publics étaient montés au créneau, pour annoncer la victoire au peuple: Michel Zoah, le ministre des Sports et de l'Education physique, avait déclaré que «vous verrez les Lions rugir en Afrique du Sud. Ayez confiance aux Lions indomptables. Nous allons en Afrique du Sud pour gagner le maximum de matches et aller le plus loin possible». Pour booster le moral des joueurs, quarante cinq millions de F CFA (45.000.000 FCFA) de primes de participation avaient été remis à chaque joueur. Peine perdue. Les Lions étaient out dès le deuxième match. Le 23 juin, à la veille du match contre les Pays-Bas, le ministre des Sports et de l'éducation physique visiblement dépassé par les événements, n'a pas mis de gangs pour exprimer tardivement toute sa déception: «Chacun doit assumer ses responsabilités. L'entraîneur comme sélectionneur national, la fédération camerounaise de football comme organe technique. En tant que ministre des Sports et de l'éducation physique, j'estime avoir fait tout ce qui était humainement possible pour que le Cameroun aille loin dans cette compétition». Michel Zoah avait conclu son intervention par des propos forts: «Si le chef de l'Etat veut trancher ma tête, je suis prêt à assumer parce que je sais que j'ai des comptes à rendre à ma hiérarchie». LES RESPONSABILITÉS SONT PARTAGÉES Dans un pays où les hommes ont le sens de l'honneur, le ministre des Sports et de l'éducation physique aurait déjà rendu son tablier. Mais au Cameroun, la culture de la démission n'existe pas. Contre vents et marrées, chacun s'accroche à son bifteck. Les intrusions intempestives de Michel Zoah dans l'encadrement technique ont fini par irriter même les joueurs. L'attaquant Idrissou Mohammadou n'y est pas allé du dos de la cuillère. «On n'est pas là pour faire des discours après chaque deux jours. Des discours inutiles, des choses qui-nous perturbent, on a besoin de repos. Tous les deux jours, on a les reunions. Le ministre qui nous casse la tête. On n'est pas ici pour la politique, on est footballeurs». Une autre raison fait du Minsep le premier responsable du naufrage des Lions indomptables: Michel Zoah pouvait limoger Paul Le Guen au lendemain de la CAN 2010 en Angola. Et recruter un entraîneur capable de conduire les Lions au Mondial. Mais, au lieu de cela, le ministre a plutôt cédé aux exigences du Français. En plus du salaire faramineux mensuel de 71 millions de FCFA, l'entraîneur a demandé et obtenu que le gouvernement affrète un avion spécial à l'équipe, que le staff soit étoffé par d'autres expatriés et que ses joueurs perçoivent des primes colossales. Son ingérence dans l'affaire Eto'o-Milla à la veille de la Coupe du monde était inopportune. Il a condamné les déclarations de l'ambassadeur itinérant, qui critiquait l'apport du capitaine de l’équipe nationale. Michel Zoah à travers son communiqué avait réitéré sa confiance à l'entraîneur Paul Le Guen dont les choix ont largement été critiqués par «le vieux lion». Le ministre des Sports s'était d'ailleurs rendu au Portugal pour transmettre aux Lions Indomptables «le message de soutien et d'encouragement du Président de la République», sans doute pour désavouer Roger Milla. DÉLÉGATION PLETHORIQUE La taille de la délégation officielle, selon les normes définies par la Fifa, est de 50 personnes. Le Cameroun a largement dépassé ce quota. En plus de l'encadrement technique et médical, des joueurs, constitués de 47 personnes, le ministre des Sports et de l'éducation physique s'est entouré d'individus qui n'avaient aucun rapport avec le football. Des députés, des fonctionnaires de la Primature, du ministère de la Culture, sans oublier la délégation dépêchée par le ministre de la Communication. A ces personnes, s'ajoutent de hauts cadres de la Présidence de la République et des membres de la famille présidentielle. D'autres questions taraudent l'esprit des Camerounais. En effet, comment comprendre que des parents de joueurs, à l'instar de Eric Chouppo Moting, Aurélien Chedjou et Joël Matip soien totalement pris en charge? ET LES MARABOUTS ? Comme les apôtres de Jésus, ils étaient douze dans la délégation camerounaise présente en Afrique du Sud. Leur voyage avait été motivé par le fait qu'ils aient promis une demi-finale au Cameroun. Incapables d'influencer la destinée des Lions indomptables, la mésaventure des marabouts camerounais censés apporter succès et bonheur pendant la 19ème Coupe du monde a commencé au lendemain de la défaite contre le Danemark. Puisque quelques espoirs étaient encore possibles après la défaite contre le Japon, ils n'ont pas été inquiétés. Il était exactement 4h du matin lorsque des administrateurs, délégués par le Minsep, vont surgir dans l'hôtel où logeaient les cerbères. Cette descente musclée avait pour but de renvoyer à Yaoundé certains pensionnaires du Holiday Inn de Umlhanga (dans la banlieue de Durban, ndlr). Ils n'auront eu que le temps de faire leurs bagages avant d'être rapidement conduit à l'aéroport international Shaka Zulu. Les histoires d'amour finissent toujours mal. Les joueurs qui ont été incapables de sortir leurs crocs devant le Japon, le Danemark et les Pays-Bas, s'acharnent sur les journalistes et les supporters qui leur demandent de rendre compte. Toutes choses qui confirment que ces fortunés de génération spontanée qui sont entourés des griots pour chanter leur louange, sont mal famés et aux moralités douteuses, incapables de réagir là où on les attend. |
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