Michel Thierry Atangana: Le film d'une libération rocambolesque
Yaoundé, 27 Février 2014
© FÉLIX C. EBOLE BOLA | Mutations
Le célèbre prisonnier du Sed a d'abord opposé une vive résistance, avant son extraction nocturne de cellule.
La journée de lundi s'était déroulée comme les autres, depuis presque 17 ans qu'il est détenu au secrétariat d'Etat à la Défense (Sed), en charge de la gendarmerie à Yaoundé. Ou, plutôt, les choses ne semblaient pas se mettre en ordre de marche, conformément à un décret présidentiel signé le 17 février dernier et portant commutation de peines au bénéfice de personnes condamnées et détenues pour des infractions diverses, à l'occasion de la célébration du Cinquantenaire de la réunification.
Plus grave, vendredi dernier, les avocats de Michel Thierry Atangana ont reçu des services de la Cour suprême, un ordre de paiement d'un montant de 115 millions de francs, représentant la contrainte par corps et autres amendes à verser. C'était, leur a-t-on précisé, la condition pour qu'on commence à se pencher sur le dossier de libération du Français d'origine camerounaise, incarcéré depuis le 12 mai 1997. Saisie de cette exigence, l'ambassadrice de France au Cameroun, Christine Robichon, joint dès samedi soir le Président Biya pour s'étonner de ce nouveau rebondissement.
Le Chef de l'Etat, apprend-on, rentre alors dans une colère noire. Il convoque le directeur du cabinet civil, Martin Belinga Eboutou, s'étrangle littéralement de ce que son texte d'application immédiate, soit interprété selon les humeurs de certains. II dégage, désormais, toute responsabilité pour ce qui pourrait arriver non seulement à Michel Thierry Atangana, mais également à son coaccusé, Titus Edzoa, condamnés le 3 octobre 1997 à 15 ans de prison pour «détournement de deniers publics, tentative de détournement et trafic d'influence» en coaction et qui, début octobre 2013, ils ont écopé de 20 nouvelles années de prison pour les mêmes faits.
Revenons à la journée de lundi.
Les avocats de M. Atangana sonnés, se rapprochent du bureau du procureur général près la cour d'appel du Centre, Jean Pierre Mvondo Evezo'o. On dit le magistrat malade. C'est pourtant lui qui doit signer le bulletin de levée d'écrou. Le comité pour la libération de Michel Thierry Atangana envisage dès lors, une sortie de prison "dans la semaine".
Pendant ce temps, Martin Belinga Eboutou a alerté le délégué général à la Sûreté nationale (Dgsn), Martin Mbarga Nguélé, afin de trouver une issue rapide à un dossier qui semble s'enliser. Les deux personnalités débarquent au Sed dans les coups de 20h, échangent avec quelques gradés, puis repartent. Entre-temps, le prisonnier, résigné, est rentré dans sa cellule après avoir reçu de nombreux proches.
Haute tension
Vers 21h, la cellule de Michel Thierry Atangana est ouverte de l'extérieur. Il se met sur son séant et se retrouve face à face avec le lieutenant-colonel Ahmadou Dahogobiri, chef du service de la cellule centrale de recherche judiciaire, avec qui il eut une rixe le 26 septembre 2013. Le prisonnier, qui croit à une autre tentative d'agression, est sur ses gardes. Mais son vis-à-vis lui intime l'ordre de sortir. "Vous êtes libre", entend-il. Méfiant, l'ex-président du Comité de pilotage et de suivi des axes routiers Yaoundé-Kribi et Ayos-Bertoua (Copisupr) ne veut débattre de rien avant le lendemain matin. La tension est alors à son comble. Le général de brigade Daniel Ndjock Elokobi, qui lui avait rendu deux visites de courtoisie la semaine d'avant, est appelé la rescousse. Mais Michel Thierry Atangana ne veut rien savoir avant le lever du jour.
C'est alors qu'intervient un colonel français, coopérant et lui aussi en service au Sed, qui finit par se porter garant de la sécurité du prisonnier A partir de cet instant. Il s'engage à le conduire à l'ambassade de France, située au Plateau Atemengue. Michel Thierry Atangana peut enfin sortir de son trou. Dans la nuit noire, on l'engouffre dans un véhicule banalisé, où il retrouve Titus Edzoa. L'ambassade de France n'est pas très loin. On l'y dépose avant d'aller laisser son coaccusé auprès des siens, au quartier Simbock. Son bulletin de levée d'écrou, signé le 24 février 2014 par... Jean Pierre Mvondo Evezo'o que certains disaient malade, porte le n°002/ BLE/REG/SAF/ PCY/ BAAG/ 1 4.
A la représentation diplomatique, un repas a été apprêté mais M. Atangana y touche à peine. Il est désormais interdit de téléphone par les responsables consulaires qui continuent de craindre un coup fourré de dernière minute ourdi par certains ennemis qui n'ont pas désarmé.
Mardi, le désormais ex-prisonnier a souhaité se rendre à la messe à Mvolyé. Refus des diplomates français, qui ont toutefois, sous bonne garde, accepté qu'il aille dans la journée déposer une gerbe de fleurs sur les tombes de sa mère et de son aînée, dont le caveau est situé non loin de la Basilique mineure. M. Atangana devrait, si rien ne change, quitter le Cameroun jeudi prochain pour la France où il doit subir des examens, médicaux approfondis.
© FÉLIX C. EBOLE BOLA | Mutations
Le célèbre prisonnier du Sed a d'abord opposé une vive résistance, avant son extraction nocturne de cellule.
La journée de lundi s'était déroulée comme les autres, depuis presque 17 ans qu'il est détenu au secrétariat d'Etat à la Défense (Sed), en charge de la gendarmerie à Yaoundé. Ou, plutôt, les choses ne semblaient pas se mettre en ordre de marche, conformément à un décret présidentiel signé le 17 février dernier et portant commutation de peines au bénéfice de personnes condamnées et détenues pour des infractions diverses, à l'occasion de la célébration du Cinquantenaire de la réunification.
Plus grave, vendredi dernier, les avocats de Michel Thierry Atangana ont reçu des services de la Cour suprême, un ordre de paiement d'un montant de 115 millions de francs, représentant la contrainte par corps et autres amendes à verser. C'était, leur a-t-on précisé, la condition pour qu'on commence à se pencher sur le dossier de libération du Français d'origine camerounaise, incarcéré depuis le 12 mai 1997. Saisie de cette exigence, l'ambassadrice de France au Cameroun, Christine Robichon, joint dès samedi soir le Président Biya pour s'étonner de ce nouveau rebondissement.
Le Chef de l'Etat, apprend-on, rentre alors dans une colère noire. Il convoque le directeur du cabinet civil, Martin Belinga Eboutou, s'étrangle littéralement de ce que son texte d'application immédiate, soit interprété selon les humeurs de certains. II dégage, désormais, toute responsabilité pour ce qui pourrait arriver non seulement à Michel Thierry Atangana, mais également à son coaccusé, Titus Edzoa, condamnés le 3 octobre 1997 à 15 ans de prison pour «détournement de deniers publics, tentative de détournement et trafic d'influence» en coaction et qui, début octobre 2013, ils ont écopé de 20 nouvelles années de prison pour les mêmes faits.
Revenons à la journée de lundi.
Les avocats de M. Atangana sonnés, se rapprochent du bureau du procureur général près la cour d'appel du Centre, Jean Pierre Mvondo Evezo'o. On dit le magistrat malade. C'est pourtant lui qui doit signer le bulletin de levée d'écrou. Le comité pour la libération de Michel Thierry Atangana envisage dès lors, une sortie de prison "dans la semaine".
Pendant ce temps, Martin Belinga Eboutou a alerté le délégué général à la Sûreté nationale (Dgsn), Martin Mbarga Nguélé, afin de trouver une issue rapide à un dossier qui semble s'enliser. Les deux personnalités débarquent au Sed dans les coups de 20h, échangent avec quelques gradés, puis repartent. Entre-temps, le prisonnier, résigné, est rentré dans sa cellule après avoir reçu de nombreux proches.
Haute tension
Vers 21h, la cellule de Michel Thierry Atangana est ouverte de l'extérieur. Il se met sur son séant et se retrouve face à face avec le lieutenant-colonel Ahmadou Dahogobiri, chef du service de la cellule centrale de recherche judiciaire, avec qui il eut une rixe le 26 septembre 2013. Le prisonnier, qui croit à une autre tentative d'agression, est sur ses gardes. Mais son vis-à-vis lui intime l'ordre de sortir. "Vous êtes libre", entend-il. Méfiant, l'ex-président du Comité de pilotage et de suivi des axes routiers Yaoundé-Kribi et Ayos-Bertoua (Copisupr) ne veut débattre de rien avant le lendemain matin. La tension est alors à son comble. Le général de brigade Daniel Ndjock Elokobi, qui lui avait rendu deux visites de courtoisie la semaine d'avant, est appelé la rescousse. Mais Michel Thierry Atangana ne veut rien savoir avant le lever du jour.
C'est alors qu'intervient un colonel français, coopérant et lui aussi en service au Sed, qui finit par se porter garant de la sécurité du prisonnier A partir de cet instant. Il s'engage à le conduire à l'ambassade de France, située au Plateau Atemengue. Michel Thierry Atangana peut enfin sortir de son trou. Dans la nuit noire, on l'engouffre dans un véhicule banalisé, où il retrouve Titus Edzoa. L'ambassade de France n'est pas très loin. On l'y dépose avant d'aller laisser son coaccusé auprès des siens, au quartier Simbock. Son bulletin de levée d'écrou, signé le 24 février 2014 par... Jean Pierre Mvondo Evezo'o que certains disaient malade, porte le n°002/ BLE/REG/SAF/ PCY/ BAAG/ 1 4.
A la représentation diplomatique, un repas a été apprêté mais M. Atangana y touche à peine. Il est désormais interdit de téléphone par les responsables consulaires qui continuent de craindre un coup fourré de dernière minute ourdi par certains ennemis qui n'ont pas désarmé.
Mardi, le désormais ex-prisonnier a souhaité se rendre à la messe à Mvolyé. Refus des diplomates français, qui ont toutefois, sous bonne garde, accepté qu'il aille dans la journée déposer une gerbe de fleurs sur les tombes de sa mère et de son aînée, dont le caveau est situé non loin de la Basilique mineure. M. Atangana devrait, si rien ne change, quitter le Cameroun jeudi prochain pour la France où il doit subir des examens, médicaux approfondis.