Michel Biem Tong appelle l’opposition à éviter les erreurs du passé
Selon l’activiste et web journaliste « seule une insurrection populaire garantira au Cameroun une remise à plat des institutions problématiques actuelles, laquelle remise à plat précèdera la mise en place d’une nouvelle constitution et de nouvelles lois (y compris la loi électorale) reflétant la volonté de la majorité du peuple camerounais ».
Réunion de leaders de l’opposition. On en parle et reparle aujourd’hui comme hier. 18 octobre 2011. Au siège de l’Union démocratique du Cameroun à la montée Ane Rouge à Yaoundé (j’y fus en tant que journaliste stagiaire au journal La Nouvelle Expression), 7 leaders de l’opposition (G7) que sont Ni John Fru Ndi, Adamou Ndam Njoya (paix à son âme), Ayah Paul Abine, Kah Wallah Edith, Albert Ndzongang, Bernard Muna (paix à son âme) et Jean de Dieu Momo vont inviter les camerounais à descendre dans la rue pour contester les résultats de l’élection présidentielle tenue une semaine plus tôt. Comme à leur habitude et travaillés au corps par la propagande officielle, les Camerounais vont bouder cet appel. Le 22 octobre 2011, la Cour suprême va proclamer Paul Biya vainqueur.
En 2012, le 19 avril plus précisément, l’Assemblée Nationale adopte un Code électoral qui aujourd’hui est vivement critiqué par l’opposition et appelle par conséquent à des réformes. Absent du débat antérieur au vote de ce Code, le G7 ne va réapparaître que le 24 août 2012 à Bamenda pour discuter de l’amendement ou la révision de la nouvelle loi électorale ! Au mois de novembre, le G7 vole en éclats. Jean de Dieu Momo, Ndam Njoya et Bernard Muna quittent la plate-forme et forment le « Pacte Républicain ».
Le G7 va ainsi mourir de sa belle mort. Surtout que Jean De Dieu Momo (aujourd’hui ministre délégué auprès du ministère de la Justice et lèche-botte attitré de Paul Biya) avait déjà passé outre le mot d’ordre de boycott du défilé du 20 mai 2012 lancé par cette coalition de partis politiques de l’opposition. Nous revoilà en mars 2021 en train de parler de front uni de l’opposition. Avec en face, le même régime de Paul Biya. Il y a à craindre que cette fois-ci encore, les mêmes causes produisent les mêmes effets, ce, pour deux raisons.
D’abord le contexte. La réunion des partis d’opposition tenue ce 1er avril 2021 à Yaoundé se tient plus d’un mois après qu’Elections Cameroon (Elecam), organe en charge de gérer les élections, ait demandé à ses démembrements régionaux des propositions d’amendement du Code électoral. Peut-on imaginer que des personnes nommées par Paul Biya veuillent scier la planche sur laquelle elles sont assises ? Peut-on penser qu’Elecam puisse élaborer des amendements qui vont favoriser une alternance dans les urnes et dont la chute de Biya, leurs bienfaiteurs ? Ne soyons pas dupes. Dos au mur et tiraillé de toute part par la communauté internationale, le pouvoir de Yaoundé veut donner à cette dernière des gages de réforme démocratique du système électoral. Il y a également à craindre que ces propositions de réforme que va élaborer l’opposition ne soient exploitées par le régime Biya dans les années à venir pour légitimer la transmission du pouvoir de père à fils (le fameux gré à gré) qui se profile à l’horizon.
Enfin, certains acteurs de cette plate-forme des partis d’opposition. Disons-le sans ambages : Maurice Kamto peut se réjouir de cette initiative de réunir l’opposition autour de la réforme du système électoral car cela fait partie de ses revendications depuis la présidentielle du 7 octobre 2018. Mais la présence dans cette plate-forme de deux opposants (inutile de les citer nommément) aux convictions et positions les rendant plus proches du pouvoir Biya que de la contestation condamne cette idée très louable à l’effet du pétard mouillé. Par ailleurs, ce à quoi on doit s’attendre est qu’une fois les propositions d’amendement du code électoral rassemblées, ces dernières seront acheminées vers le gouvernement qui s’en inspirera pour élaborer un projet de loi électorale qui aura dépouillé ces propositions de l’opposition des dispositions qui ne heurtent en rien les intérêts de la pègre régnante. Puis le projet de loi sera acheminé vers un parlement contrôlé à 99% par le parti-Etat RDPC. Ainsi seront jetées les bases d’élections frauduleuses qui porteront Franck Biya ou un membre quelconque du clan de la famille présidentielle à la magistrature suprême. Puis, les mêmes partis d’opposition crieront au hold-up électoral et vive l’éternel recommencement. C’est donc une histoire de contenant qui aguiche mais d’un contenu qui laisse à désirer.
Qu’on ne se leurre pas, seule une insurrection populaire garantira au Cameroun une remise à plat des institutions problématiques actuelles, laquelle remise à plat précèdera la mise en place d’une nouvelle constitution et de nouvelles lois (y compris la loi électorale) reflétant la volonté de la majorité du peuple camerounais. Attendre une révolution copernicienne d’un parlement monocolore c’est se foutre le doigt dans l’œil. Réforme électorale d’accord, soulèvement populaire d’abord.