Né dans une famille chrétienne pratiquante, Mgr Abeng Mbarga est très tôt nourri et moulé dans la pure foi catholique. Baptisé en 1975, c’est en 2002 qu’il sera ordonné diacre, puis prêtre en 2004 à la paroisse d’Emana à Yaoundé. Ses études théologiques, il les poursuivra en France puis au Brésil où il quitte l’Eglise catholique romaine pour l’Eglise catholique apostolique brésilienne en 2008, où il est réordonné prêtre par l’Icab (Igreja catholica apostolic bralia). L’Evêque camerounais sacré en juillet 2012, pour le Diocèse de Paris, comme premier Evêque africain de l’Eglise catholique brésilienne à avoir une Juridiction en France, parle de cette chapelle dissidente du Vatican depuis 1945. Le prélat pose un regard critique sur la curie romaine en même temps qu’il déroule le projet Cameroun de l’Icab.
L’Eglise catholique brésilienne n’est pas très connue du grand public notamment au Cameroun, de quoi s’agit-il en fait ?
L’ Icab est une Eglise catholique non romaine. Elle a été fondée en 1945
par Carlos Costa Duarte, Evêque de l’Eglise catholique romaine du
Diocèse de Botucatu au Brésil. Son désaccord avec le Vatican sur le plan
disciplinaire et dogmatique le sépare du Saint siège et il fonde
l’Eglise catholique nationale du Brésil. Le mouvement connaît donc une
grande révolution dans ce pays, les prêtres de l’Eglise catholique le
rejoignent dans cette nouvelle vision. L’Icab compte à ce jour 75
Evêques, 320 prêtres répartis dans le monde, à savoir en Amérique
latine, aux Etats-unis, au Canada, en Chine, en Australie en Espagne et
en France dont je suis le représentant. Nos Evêques et nos prêtres sont
aussi valides que tous les autres. C’est une véritable révolution
qu’aucun canoniste ne peut honnêtement contester.
En quoi les valeurs de l’Icab sont-elles différentes de celles de l’Eglise catholique romaine ?
L’Icab estime que le célibat, en ce qui concerne les prêtres,
est une richesse. Seulement le mariage n’est pas incompatible avec le
sacerdoce. Une fois que c’est une condition, cela devient un problème.
L’exercice du sacerdoce ne devrait pas être conditionné au célibat, la
Bible ne l’édicte nulle part. Nos prêtres et nos Evêques peuvent se
marier. De même, l’Icab n’est pas contre le remariage des divorcés. Il
existe sept sacrements au sein de l’Eglise catholique et les seuls que
l’on ne peut reprendre sont : le baptême, la confirmation et le
sacrement de l’Ordre. Tout le reste peut être repris. Au sein de l’Icab,
un fidèle divorcé peut aisément se remarier à l’Eglise. Notre Eglise
est contre la confession auriculaire. Il n’est pas question pour un
fidèle de confesser ses péchés à un prêtre, c’est un moyen pour les
hommes d’Eglises de s’infiltrer dans la vie des fidèles. Les gens
doivent méditer leurs fautes.
L’une des habitudes que combat également l’Icab c’est la vente des offices. La messe ne doit pas être payée, une prière ne doit pas être vendue. En fin, l’Icab n’est pas pour la discrimination d’avec les autres communautés religieuses.
Votre sacre a, semble-t-il, provoqué beaucoup de remous au sein de la curie romaine...
Suite à une campagne de désinformation, de diffamation aux fins
déstabilisatrices de certaines personnes, à qui je ne garde rancune, mon
sacre épiscopal prévu le 14 avril 2012 est annulé. Des prêtres de
l’Archidiocèse de Yaoundé ont tenu des réunions à Rome et à Paris pour
empêcher cela. Ce qu’ils ont fait avec succès. Après moult péripéties et
investigations qui ont permis de découvrir et d’élucider ce tissu de
mensonges, la vérité a triomphé des actes de conspiration manifeste. Les
Supérieurs vont décider de me faire Evêque du Diocèse de Paris. Et
trois mois plus tard, c'est-à-dire le 28 juillet 2012, à la Cathédrale
Sainte Irène de Paris, lieu des cérémonies, je deviens alors le premier
Evêque africain à avoir une Juridiction en France. Ces étapes de ma vie
furent et se sont accomplies comme vous pouvez le constater dans
d’énormes difficultés. Toutefois, la foi ardente, la flamme divine,
l’appel de Dieu incontournable et sa grâce étant, j’ai su faire face à
ces différents écueils pour finalement être consacré incontestablement
valide, Evêque Catholique dans L’Eglise catholique apostolique
brésilienne Icab. En somme, nous constatons que Dieu a pointé son doigt
sacré sur moi. Et lorsque Dieu vous a appelé, personne ne peut empêcher
l’accomplissement de sa volonté.
Comment concevez-vous votre mission d’Evêque ?
Nous n’avions pas tablé la dessus, ce n’est pas d’actualité. J’ai été
surpris de l’agitation de certains Camerounais qui veulent absolument me
rendre star avec leurs multiples circulaires. Je ne sais pas pourquoi
ils ont peur. Je leur conseille de ne pas perdre la foi, n’ayez pas
peur! Ils veulent faire peur aux Camerounais, une vraie servitude
psychologique. Ils veulent faire croire qu’il s’agit d’une secte. Vous
savez au Cameroun, secte veut dire un milieu où on se réuni pour tuer
les gens, s’adonner à de mauvaises pratiques. Pourtant c’est un Evêque
de l’Eglise catholique romaine qui a fondé cette congrégation après sa
séparation d’avec le Vatican, Mgr Carlos Costa Duarte en 1945. Et c’est
lui qui nous a ordonné. Nous avons la même théologique avec les romains,
mais nous ne sommes pas romain, la différence est sur la discipline et
les dogmes.
Je gagne bien ma vie en France, je suis cadre dans une société, président d’une Ong française, je ne vis pas de la quête. Je n’ai pas l’intention d’aller discuter les fidèles, les chrétiens ne sont pas une industrie sous le prétexte de vous envoyer directement au paradis. Il faut arrêter cette exploitation. Les Eglises ne sont pas des partis politiques où on discute des militants. Les Eglises divisent les familles par l’intimidation et la manipulation.
L’actualité religieuse est dominée par
l’annonce de la démission prochaine du Pape Benoît XVI. Avez-vous le
sentiment que cette abdication est l’une des conséquences des multiples
divisions qui rongent le l’Eglise catholique ?
Cette démission peut en effet s’apparenter à cela. Je pense que c’est
est une grande leçon qui est donnée à l’Eglise. L’Eglise, comme j’ai
l’habitude de le dire, va réfléchir davantage sur les questions qui ont
causé les schismes, par exemple le cas de l’infaillibilité papale. Voilà
une faille, un geste de faiblesse que présente le Pape. Il reconnaît
que son état de santé ne peut lui permettre la poursuite de son
ministère. Cela permet surtout de se rendre compte, une fois de plus,
que le Pape est un homme et par conséquent qu’il est donc sujet à ces
faiblesses-là. Or auparavant les séparations étaient causées par le
principe de l’infaillibilité papale, pour dire que sa sainteté agissait
ex-cathedra et qu’on ne concevait pas qu’il puisse se tromper. Voilà un
Pape qui reconnaît implicitement que s’il continue, il va se tromper.
Quand on sait que les autres n’ont jamais démissionné, on comprend bien
que ceux-là ont dû poser des actes inhérents à leurs faiblesses qui ont
causé des séparations.
Ne pensez-vous pas que la multiplicité des courants au sein de l’Eglise catholique la fragilise davantage ?
Au contraire, je pense qu’elle contribue à l’enrichir. Le
formalisme n’a jamais rendu service à l’Eglise. Toute la révélation est
dans la Bible, on continue à l’explorer, on continue à découvrir
beaucoup de richesses qui n’ont pas encore été explorées sinon les gens
n’allaient pas continuer à soutenir la théologie fondamentale. Tous ceux
qui ont eu à contester les dogmes, je pense à Galilée qui le premier à
soutenu que la terre tourne autour du soleil et qui a été passé à la
guillotine par le Vatican. Or sa théorie s’est révélée exacte. Je pense
au père Luther qui a pensé le protestantisme qui a eu raison sur
plusieurs points, je pense à certains païens qui ont eu des positions
qui ont amené l’Eglise à réfléchir, ils ont d’ailleurs été invités au
Concile du Vatican II. La contradiction permet de mieux ajuster et
enrichi plutôt. Il y’en a qui se sont séparés de l’Eglise, qui ont eu
raison et cela a permis des évolutions. Notre fondateur par exemple, les
questions qu’il a eues à poser sur la messe en langue vernaculaire,
abolition de la confession, la participation des chrétiens dans
l’eucharistie, de la messe où on tourne le dos aux fidèles, tous ces
points là ont été reçus 25 ans plus tard alors que cela avait été un
motif de séparation.
Les valeurs de l’Icab, sont-elles inspirées de la Bible ou puisent-elles leur source dans les exigences de la modernité ?
On ne peut pas parler de modernité à partir du moment où en
1945 déjà, Monseigneur Carlos Duarte a été incompris. Il était très
jeune et était Docteur en Droit et en Théologie fondamentale, nous
sommes en 1924. Il se trouve au milieu de ceux qui n’ont pas poussé très
loin les études théologiques. Ca fait de lui quelqu’un d’incompris. Il
avait vu ce qui fragilisait l’Eglise, il savait que le mariage ou la
messe en latin fragilisait l’Eglise. Il a donné une vision, pas pour
s’en séparer. Il est allé voir le Pape au Vatican pour avoir un accord
particulier pour son diocèse, cela ne pouvait pas être adopté pour toute
l’Eglise. Vous voyez qu’il a travaillé pour l’Eglise, 25 ans plus tard
on a tenu compte de ces exigences
Je suis de l’Eglise catholique brésilienne, et j’assume et je suis tellement heureux d’y être. Je suis le tout premier africain et le seul à y être. Je ne suis pas de l’Eglise catholique romaine, j’insiste. Je le dirai haut et fort pour que certains sachent que je suis comblé. Nous avons une relation de respect mutuel. Un dossier pour un protocole d’accord de la pleine communion avec le Vatican est entrain d’être constituer. Bientôt avec la grâce de Dieu, nous espérons qu’un jour pourrons nous retrouver pour prier ensemble, comme prescrit la Bible «Qu’il soit un…». Nous sommes favorables à l’unité des chrétiens. En effet nous sommes des frères séparés, nous prions pour le Pape dans nos messes. Nous avons un grand respect pour l’Eglise catholique romaine. Nous n’avions pas été responsables de la séparation, nous sommes innocents, mais nous continuons l’oeuvre de notre fondateur.
Maintenant que vous avez été sacré, quels sont les projets que vous avez pour le Cameroun ?
J’ai une très bonne nouvelle. Je ne peux oublier mon pays
d’origine. Je porte le Cameroun dans mon coeur. Pour le Cameroun, Nous
étions en réunion des Evêques régionaux à Brasilia au Brésil où j’ai
proposé des projets humanitaires pour le Cameroun à savoir la
construction des grandes écoles techniques pour les pauvres, pour
permettre à tout les Camerounais d’avoir une chance de s’insérer dans la
société, subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, la
construction d’un hôpital pour les pauvres avec la possibilité des soins
pour ceux qui n’ont pas des moyens. La santé est un vrai problème au
Cameroun.
Il y en a qui meurt par manque de moyens. Les Evêques ont été d’accord après mon exposé où l’occasion m’a été accordé d’apporter des arguments convaincants. Ils attendent leur passeport diplomatique pour venir au Cameroun, avec certains techniciens pour rencontrer l’Ambassadeur du Brésil au Cameroun et voir le site proposé pour les infrastructures. En tant qu’Evêque, j’ai le pouvoir d’ordonner les prêtres, et ceux que je vais ordonner vont animer ces projets. Il ne s’agit pas de créer des paroisses, d’arnaquer les chrétiens ou de vivre de la quête ou encore de vendre les messes. Il va falloir travailler avec ces chrétiens et les amener plutôt à sortir de la pauvreté. Ces prêtres seront recrutés parmi ceux qui ont déjà été ordonnés dans les églises. Ils seront invités à se faire réordonner