Meurtre d'Elisabeth II Ngo Ond Gwet: Rusé Joël Nguetti
YAOUNDÉ - 05 Mars 2012
© Aziz Salatou | Le Jour
Comment le principal suspect du meurtre de Elisabeth II Ngo Ond Gwet l'a séduite et s’est fait passer pour ce qu’il n’était pas. Elisabeth II Ngo Ond Gwet a fait la connaissance de Joël Nguetti en 2001 à l'université de Yaoundé II à Soa.
Les obsèques de Elisabeth II Ngo Ond Gwet n'ont pas eu lieu samedi 03 mars dernier, comme sa famille l’avait prévu. Selon une des sœurs de la défunte, le procureur de la République ne lui a pas restitué le corps.
«De peur que Joël Nguetti ne demande une contre expertise de l'autopsie», a expliqué un enquêteur. Ainsi, l'affaire de l'assassinat de la jeune employée de la Beac n'a pas encore trouvé une issue. Joël Nguetti, le fiancé de la victime, est considéré comme le principal suspect de cet assassinat. Il n'a pas passé le week-end dans la cellule de la division de la police Judiciaire pour le Centre où il était gardé à vue depuis le 17 février, le lendemain de la découverte du corps sans vie de sa fiancée.Il a été incarcéré à la prison centrale de Kondengui.
Elisabeth II Ngo Ond Gwet a fait la connaissance de Joël Nguetti en 2001 à l'université de Yaoundé II à Soa. A cette époque-là, elle préparait une maîtrise en droit. Lui, était chargé de travaux dirigés. Une fois son diplôme obtenu, la jeune femme ne tarde pas à trouver un poste de cadre moyen à la Beac. Le jeune homme trouve un travail «bien rémunéré» dans une Ong. L'étudiante et l'enseignant se perdent alors de vue.
Ils vont se revoir un soir de mai 2011, dans une boulangerie très fréquentée de la ville de Yaoundé. A une de ses amies, la victime confie qu’elle a été abordée par un monsieur à la mise vestimentaire soignée, qui n'arrêtait pas de la dévisager. Après un moment, il s'est approché d'elle et lui a dit: «Il me semble connaître ce visage quelque part», et comme Elisabeth II Ngo Ond Gwet l'avait reconnu elle aussi, ils ont échangé des politesses. «En dehors d'être une très belle femme, qu'est devenue mon ancienne étudiante?» lui aurait-il demandé. La jeune femme a alors exposé sa situation à la banque. Il faut croire que la situation de Elisabeth a ravi l'ancien chargé de travaux dirigés, puisqu'il lui propose de la raccompagner chez elle, au quartier Cité verte, à plus de dix kilomètres de Nkoabang, au domicile de sa mère, où il réside. La conversation se poursuit dans la rutilante Bmw de Joël Nguetti. Ils échangent leurs numéros de téléphone et conviennent de se revoir. Si la jeune femme avait eu écho de la réputation de son ancien enseignant, peut-être aurait-elle écourté ces retrouvailles.
Au début des années 2000, Joël Nguetti, 20 ans, alors étudiant à Soa, se fait adopter par une famille qui vit non loin du campus. La mère de famille se prend d'affection pour ce garçon «calme et assidu dans ses études», comme le décrivent ses camarades de promotion. Elle s'aperçoit de son dénuement. Même si le jeune homme dit être l'enfant adultérin d'un commissaire de police à la retraite, son indigence est apparente. La dame l'invite à venir partager les repas de la famille. Il ne lui en fallait pas plus pour pourrir la vie de sa bienfaitrice. «Peu de temps après son entrée dans cette famille, il séduit et engrosse une des filles de la maison. Il lui fera trois enfants puis la délaissera, une fois en meilleure situation financière. Cette fille va devenir folle, du fait de Joël Nguetti», jure une sœur de Elisabeth II Ngo Ond Gwet.
Après cette relation, c'est avec Margot, une autre fille, que Joël Nguetti (1m78) va nouer une de ces relations amoureuses dont il a le secret. L'élue est une naine et, va-t-on apprendre, bénéficie de l’appui financier de ses parents qui séjournent en Occident. «Dès qu'elle recevait son mandat, il faisait pression sur elle pour pouvoir gérer son argent», confie un ancien camarade de Joël Nguetti. Il lui fera deux enfants, avant qu’elle ne s'envole pour le Canada. Après, ce sera au tour de Marthe, alors moniteur en sciences de gestion, qui aujourd'hui travaille à la Cnps. Là aussi, il plantera sa graine deux fois.
Opération séduction
Pour ce Don Juan, séduire Elisabeth II Ngo Ond Gwet n’aura, apparemment, pas été bien compliqué. La fidèle de la paroisse Adna d'Elig-Essono n’aurait pas pu résister. Après la rencontre à la boulangerie, il sort le grand jeu. Un storytelling, une imposture à laquelle elle succombe. Il se présente comme un cadre à Camnews, collaborateur d’un ministre à la présidence de la République. Outre ces deux postes de travail, il dispense des cours à l'Injs. Des casquettes qui lui garantissent des revenus mensuels de 450.000 FCfa, sans compter l'argent qu'il se fait en rédigeant les discours de son patron, un journaliste de renom.
La jeune amoureuse n'essaye pas de vérifier toutes ces informations. Nous, si. La proximité de Joël Nguetti avec un ministre, si elle est avérée, n'en est pas moins ponctuelle. Il aborde l'homme politique en se présentant comme un jeune diplômé originaire de la même région que lui. Il propose ses services pour toutes les commissions de la personnalité. Celle-ci ne le repousse pas, mais l'utilise plutôt pour battre campagne auprès des populations du village, lors de la présidentielle 2011. Les deux hommes, selon les dires des parents de la victime, sont très proches. Il entraîne sa nouvelle conquête dans les tournées de campagne, où il est à tu et à toi avec l’homme politique. Toutefois, son candidat réélu, le ministre prend de la distance à l’égard de son protégé.
Pour Joël Nguetti, c'est la galère qui se profile à l’horizon. Il hâte les choses avec son amoureuse. En juin 2011, il va demander sa main. Il devient ainsi officiellement le fiancé. «Il devait verser la dot en décembre», confie une sœur de la victime. Dans la même logique, le jeune homme trouve le moyen d’emménager avec sa fiancée. Il estime que payer le loyer de sa prétendue maison à Biteng et celle de Elisabeth induit des dépenses superflues. Dans la foulée, il convainc sa dulcinée de faire partir le jeune frère avec qui elle habitait depuis des années. En juillet, son vœu est réalisé. Joël Nguetti débarque alors dans l'appartement de sa fiancée avec son frigidaire, sa machine à laver, son téléviseur et... ses deux enfants. Les seuls, jure-t-il à sa fiancée.
Pot-aux-roses
Une fois installé, Joël Nguetti prend les commandes de la petite famille. Il est autoritaire, crie après tout le monde à longueur de journée, contrôle le budget du foyer auquel il contribue très peu. Pour Elisabeth II Ngo Ond Gwet, tout change du jour au lendemain. L'ancienne célibataire qui «n'avait aucun homme dans sa vie avant de rencontrer Joël», comme l’affirme une de ses sœurs, a désormais deux enfants de 7 et 4 ans à élever et un «mari» exigeant à gérer. Mais, en croyante, la paroissienne de l’Eglise Evangélique de Adna espère que c'est une mauvaise passe. Elle entraîne son fiancé dans sa piété, pour qu’il trouve un autre emploi. Il feint de la suivre, mais guette toujours un signe de son protecteur, le ministre.
La jeune femme ne s'alarme pas, quand elle apprend que son homme a eu plein d'autres histoires d’amour. Cependant, elle l’interroge lorsqu'elle apprend qu'il a un troisième enfant. Il jure qu'il ne reconnaît pas le dernier enfant de la «folle», avant de se raviser et d'essayer de la calmer. Joël Nguetti en profite alors pour demander à sa fiancée de faire porter son nom à ses beaux-enfants. «Il visait clairement l'assurance qu'offre la banque à ses employés», croit savoir une sœur de la victime. Au fil des semaines, ce ne sont plus trois mais cinq, puis sept enfants qu'il doit avouer avoir faits. La relation entre les fiancés se dégrade.
Les engueulades se multiplient, les bastonnades aussi. Le 09 décembre 2011, le « protecteur » est maintenu dans le gouvernement. Joël Nguetti pense que c'est le bon moment pour se rabibocher avec son «mentor». Il ordonne à sa fiancée de l'accompagner chez le ministre. Sur le chemin du retour, le jeune homme, ivre, roule à vive allure et entre en collision avec un camion de tomates. La Bmw est bousillée. Il faut la remplacer.
Joël Nguetti persuade alors sa fiancée de prendre un crédit auprès de sa banque. Elle redoute sa réaction, si elle refuse. Il pourrait réagir comme le mois précédent, quand il l'a battue alors qu'elle ne voulait pas payer les 30.000 FCfa d'écolage de ses deux enfants expulsés de l'école. Elle refuse quand même dans un premier temps mais, finit par céder, après s’être fracturé un orteil, à la suite d’une altercation.
La jeune femme contracte donc un crédit de 10 millions de FCfa, dit-on, mais fait un décaissement de 5.200.000 FCfa le 09 février. Le 12 février, la Toyota Rav4 lui est livrée. Joël Nguetti n'est pas content, la voiture n'est pas à son nom, mais à celui de Elisabeth II Ngo Ond Gwet. Il rentre dans une colère noire et la harcèle pendant deux jours.
Suspect
Le 14 février, jour de la Saint-Valentin, elle décide de quitter son appartement pour le laisser à son fiancé. Elle demande à cinq jeunes gens de l'aider à récupérer ses vêtements et son ordinateur, avant de se réfugier dans un foyer à Biteng, où elle passe la nuit. Le 15 au matin, elle fait un saut chez ses parents avant d'aller à la Cité verte, afin de conduire les enfants à l'école. Elle porte un ensemble cousu à base d’un basin bleu roi avec des escarpins assortis. Lui, est vêtu d’un costume gris et d’une chemise bleue ciel. Ils disent au revoir à leur domestique et partent tous les quatre.
Joël Nguetti revient seul vers 14 h, avec sa veste sur son maillot de corps, sans la chemise bleue. Il donne 4000 FCfa à la femme de ménage en lui faisant promettre de dire que c'est plutôt en jeans qu'il est sorti le matin, si les policiers l'interrogent. Plus tard, après la découverte du corps de la victime, les policiers appellent son fiancé pour identifier le corps. Il court se réfugier chez son oncle, commissaire de police principal. Ce dernier rassure les enquêteurs que son neveu est à son domicile. A 1h du matin, le 17 février, les policiers, las d'attendre, vont le cueillir chez leur collègue. Ils racontent qu'ils l'ont trouvé en train de boire une bière avec ses frères. «Il nous a dit qu'il craignait de se faire lyncher», rapporte l'un d'eux. Après un premier interrogatoire, il est gardé à vue. Par erreur, on l'enferme avec son portable. Il en profite pour alerter un de ses frères et lui demande de débarrasser la chambre d'auberge qu'il a prise au quartier Nkoabang sans se faire enregistrer. Une codétenue capte la conversation menée en bafia, la langue vernaculaire de la mère de Joël Nguetti. Indignée, elle la rapporte aux policiers.
Commence alors une guerre psychologique entre le suspect et les enquêteurs. Joël Nguetti brouille les pistes autant qu'il le peut, jusqu'au témoignage de ce moto taximan qui l'a transporté le 16 février. Il a reconnu Joël Nguetti comme étant l'homme qui est revenu sur la scène du crime et a tenté de dérober un objet dans la voiture où a été découvert le corps de la victime. Il l'a repris alors que la foule protestait contre cette incursion et l’a déposé au carrefour Etoudi.
Joël Nguetti nie toujours, crie à la machination et dit qu'à l'heure qu’indique le témoin, il était seul à la maison à la Cité verte. Les policiers font alors intervenir la technologie. Ils interrogent le téléphone du suspect. A 16 h, le 16 février, il a passé plusieurs appels. Le Gps, un nouveau produit de Mtn qui permet de localiser le lieu d’émission des appels, est clair: il a appelé de Emana, de Etoudi et du Rond point Nlongkak. La démonstration laisse Joël Nguetti sans voix. Il réfléchit longtemps avant de confier à l'enquêteur que c'est sa mère qu'il essayait de joindre. Selon lui, sa mère devait l'accompagner au village, afin qu'il aille faire un charme pour que sa fiancée ne le quitte pas.
© Aziz Salatou | Le Jour
Comment le principal suspect du meurtre de Elisabeth II Ngo Ond Gwet l'a séduite et s’est fait passer pour ce qu’il n’était pas. Elisabeth II Ngo Ond Gwet a fait la connaissance de Joël Nguetti en 2001 à l'université de Yaoundé II à Soa.
Les obsèques de Elisabeth II Ngo Ond Gwet n'ont pas eu lieu samedi 03 mars dernier, comme sa famille l’avait prévu. Selon une des sœurs de la défunte, le procureur de la République ne lui a pas restitué le corps.
«De peur que Joël Nguetti ne demande une contre expertise de l'autopsie», a expliqué un enquêteur. Ainsi, l'affaire de l'assassinat de la jeune employée de la Beac n'a pas encore trouvé une issue. Joël Nguetti, le fiancé de la victime, est considéré comme le principal suspect de cet assassinat. Il n'a pas passé le week-end dans la cellule de la division de la police Judiciaire pour le Centre où il était gardé à vue depuis le 17 février, le lendemain de la découverte du corps sans vie de sa fiancée.Il a été incarcéré à la prison centrale de Kondengui.
Elisabeth II Ngo Ond Gwet a fait la connaissance de Joël Nguetti en 2001 à l'université de Yaoundé II à Soa. A cette époque-là, elle préparait une maîtrise en droit. Lui, était chargé de travaux dirigés. Une fois son diplôme obtenu, la jeune femme ne tarde pas à trouver un poste de cadre moyen à la Beac. Le jeune homme trouve un travail «bien rémunéré» dans une Ong. L'étudiante et l'enseignant se perdent alors de vue.
Ils vont se revoir un soir de mai 2011, dans une boulangerie très fréquentée de la ville de Yaoundé. A une de ses amies, la victime confie qu’elle a été abordée par un monsieur à la mise vestimentaire soignée, qui n'arrêtait pas de la dévisager. Après un moment, il s'est approché d'elle et lui a dit: «Il me semble connaître ce visage quelque part», et comme Elisabeth II Ngo Ond Gwet l'avait reconnu elle aussi, ils ont échangé des politesses. «En dehors d'être une très belle femme, qu'est devenue mon ancienne étudiante?» lui aurait-il demandé. La jeune femme a alors exposé sa situation à la banque. Il faut croire que la situation de Elisabeth a ravi l'ancien chargé de travaux dirigés, puisqu'il lui propose de la raccompagner chez elle, au quartier Cité verte, à plus de dix kilomètres de Nkoabang, au domicile de sa mère, où il réside. La conversation se poursuit dans la rutilante Bmw de Joël Nguetti. Ils échangent leurs numéros de téléphone et conviennent de se revoir. Si la jeune femme avait eu écho de la réputation de son ancien enseignant, peut-être aurait-elle écourté ces retrouvailles.
Au début des années 2000, Joël Nguetti, 20 ans, alors étudiant à Soa, se fait adopter par une famille qui vit non loin du campus. La mère de famille se prend d'affection pour ce garçon «calme et assidu dans ses études», comme le décrivent ses camarades de promotion. Elle s'aperçoit de son dénuement. Même si le jeune homme dit être l'enfant adultérin d'un commissaire de police à la retraite, son indigence est apparente. La dame l'invite à venir partager les repas de la famille. Il ne lui en fallait pas plus pour pourrir la vie de sa bienfaitrice. «Peu de temps après son entrée dans cette famille, il séduit et engrosse une des filles de la maison. Il lui fera trois enfants puis la délaissera, une fois en meilleure situation financière. Cette fille va devenir folle, du fait de Joël Nguetti», jure une sœur de Elisabeth II Ngo Ond Gwet.
Après cette relation, c'est avec Margot, une autre fille, que Joël Nguetti (1m78) va nouer une de ces relations amoureuses dont il a le secret. L'élue est une naine et, va-t-on apprendre, bénéficie de l’appui financier de ses parents qui séjournent en Occident. «Dès qu'elle recevait son mandat, il faisait pression sur elle pour pouvoir gérer son argent», confie un ancien camarade de Joël Nguetti. Il lui fera deux enfants, avant qu’elle ne s'envole pour le Canada. Après, ce sera au tour de Marthe, alors moniteur en sciences de gestion, qui aujourd'hui travaille à la Cnps. Là aussi, il plantera sa graine deux fois.
Opération séduction
Pour ce Don Juan, séduire Elisabeth II Ngo Ond Gwet n’aura, apparemment, pas été bien compliqué. La fidèle de la paroisse Adna d'Elig-Essono n’aurait pas pu résister. Après la rencontre à la boulangerie, il sort le grand jeu. Un storytelling, une imposture à laquelle elle succombe. Il se présente comme un cadre à Camnews, collaborateur d’un ministre à la présidence de la République. Outre ces deux postes de travail, il dispense des cours à l'Injs. Des casquettes qui lui garantissent des revenus mensuels de 450.000 FCfa, sans compter l'argent qu'il se fait en rédigeant les discours de son patron, un journaliste de renom.
La jeune amoureuse n'essaye pas de vérifier toutes ces informations. Nous, si. La proximité de Joël Nguetti avec un ministre, si elle est avérée, n'en est pas moins ponctuelle. Il aborde l'homme politique en se présentant comme un jeune diplômé originaire de la même région que lui. Il propose ses services pour toutes les commissions de la personnalité. Celle-ci ne le repousse pas, mais l'utilise plutôt pour battre campagne auprès des populations du village, lors de la présidentielle 2011. Les deux hommes, selon les dires des parents de la victime, sont très proches. Il entraîne sa nouvelle conquête dans les tournées de campagne, où il est à tu et à toi avec l’homme politique. Toutefois, son candidat réélu, le ministre prend de la distance à l’égard de son protégé.
Pour Joël Nguetti, c'est la galère qui se profile à l’horizon. Il hâte les choses avec son amoureuse. En juin 2011, il va demander sa main. Il devient ainsi officiellement le fiancé. «Il devait verser la dot en décembre», confie une sœur de la victime. Dans la même logique, le jeune homme trouve le moyen d’emménager avec sa fiancée. Il estime que payer le loyer de sa prétendue maison à Biteng et celle de Elisabeth induit des dépenses superflues. Dans la foulée, il convainc sa dulcinée de faire partir le jeune frère avec qui elle habitait depuis des années. En juillet, son vœu est réalisé. Joël Nguetti débarque alors dans l'appartement de sa fiancée avec son frigidaire, sa machine à laver, son téléviseur et... ses deux enfants. Les seuls, jure-t-il à sa fiancée.
Pot-aux-roses
Une fois installé, Joël Nguetti prend les commandes de la petite famille. Il est autoritaire, crie après tout le monde à longueur de journée, contrôle le budget du foyer auquel il contribue très peu. Pour Elisabeth II Ngo Ond Gwet, tout change du jour au lendemain. L'ancienne célibataire qui «n'avait aucun homme dans sa vie avant de rencontrer Joël», comme l’affirme une de ses sœurs, a désormais deux enfants de 7 et 4 ans à élever et un «mari» exigeant à gérer. Mais, en croyante, la paroissienne de l’Eglise Evangélique de Adna espère que c'est une mauvaise passe. Elle entraîne son fiancé dans sa piété, pour qu’il trouve un autre emploi. Il feint de la suivre, mais guette toujours un signe de son protecteur, le ministre.
La jeune femme ne s'alarme pas, quand elle apprend que son homme a eu plein d'autres histoires d’amour. Cependant, elle l’interroge lorsqu'elle apprend qu'il a un troisième enfant. Il jure qu'il ne reconnaît pas le dernier enfant de la «folle», avant de se raviser et d'essayer de la calmer. Joël Nguetti en profite alors pour demander à sa fiancée de faire porter son nom à ses beaux-enfants. «Il visait clairement l'assurance qu'offre la banque à ses employés», croit savoir une sœur de la victime. Au fil des semaines, ce ne sont plus trois mais cinq, puis sept enfants qu'il doit avouer avoir faits. La relation entre les fiancés se dégrade.
Les engueulades se multiplient, les bastonnades aussi. Le 09 décembre 2011, le « protecteur » est maintenu dans le gouvernement. Joël Nguetti pense que c'est le bon moment pour se rabibocher avec son «mentor». Il ordonne à sa fiancée de l'accompagner chez le ministre. Sur le chemin du retour, le jeune homme, ivre, roule à vive allure et entre en collision avec un camion de tomates. La Bmw est bousillée. Il faut la remplacer.
Joël Nguetti persuade alors sa fiancée de prendre un crédit auprès de sa banque. Elle redoute sa réaction, si elle refuse. Il pourrait réagir comme le mois précédent, quand il l'a battue alors qu'elle ne voulait pas payer les 30.000 FCfa d'écolage de ses deux enfants expulsés de l'école. Elle refuse quand même dans un premier temps mais, finit par céder, après s’être fracturé un orteil, à la suite d’une altercation.
La jeune femme contracte donc un crédit de 10 millions de FCfa, dit-on, mais fait un décaissement de 5.200.000 FCfa le 09 février. Le 12 février, la Toyota Rav4 lui est livrée. Joël Nguetti n'est pas content, la voiture n'est pas à son nom, mais à celui de Elisabeth II Ngo Ond Gwet. Il rentre dans une colère noire et la harcèle pendant deux jours.
Suspect
Le 14 février, jour de la Saint-Valentin, elle décide de quitter son appartement pour le laisser à son fiancé. Elle demande à cinq jeunes gens de l'aider à récupérer ses vêtements et son ordinateur, avant de se réfugier dans un foyer à Biteng, où elle passe la nuit. Le 15 au matin, elle fait un saut chez ses parents avant d'aller à la Cité verte, afin de conduire les enfants à l'école. Elle porte un ensemble cousu à base d’un basin bleu roi avec des escarpins assortis. Lui, est vêtu d’un costume gris et d’une chemise bleue ciel. Ils disent au revoir à leur domestique et partent tous les quatre.
Joël Nguetti revient seul vers 14 h, avec sa veste sur son maillot de corps, sans la chemise bleue. Il donne 4000 FCfa à la femme de ménage en lui faisant promettre de dire que c'est plutôt en jeans qu'il est sorti le matin, si les policiers l'interrogent. Plus tard, après la découverte du corps de la victime, les policiers appellent son fiancé pour identifier le corps. Il court se réfugier chez son oncle, commissaire de police principal. Ce dernier rassure les enquêteurs que son neveu est à son domicile. A 1h du matin, le 17 février, les policiers, las d'attendre, vont le cueillir chez leur collègue. Ils racontent qu'ils l'ont trouvé en train de boire une bière avec ses frères. «Il nous a dit qu'il craignait de se faire lyncher», rapporte l'un d'eux. Après un premier interrogatoire, il est gardé à vue. Par erreur, on l'enferme avec son portable. Il en profite pour alerter un de ses frères et lui demande de débarrasser la chambre d'auberge qu'il a prise au quartier Nkoabang sans se faire enregistrer. Une codétenue capte la conversation menée en bafia, la langue vernaculaire de la mère de Joël Nguetti. Indignée, elle la rapporte aux policiers.
Commence alors une guerre psychologique entre le suspect et les enquêteurs. Joël Nguetti brouille les pistes autant qu'il le peut, jusqu'au témoignage de ce moto taximan qui l'a transporté le 16 février. Il a reconnu Joël Nguetti comme étant l'homme qui est revenu sur la scène du crime et a tenté de dérober un objet dans la voiture où a été découvert le corps de la victime. Il l'a repris alors que la foule protestait contre cette incursion et l’a déposé au carrefour Etoudi.
Joël Nguetti nie toujours, crie à la machination et dit qu'à l'heure qu’indique le témoin, il était seul à la maison à la Cité verte. Les policiers font alors intervenir la technologie. Ils interrogent le téléphone du suspect. A 16 h, le 16 février, il a passé plusieurs appels. Le Gps, un nouveau produit de Mtn qui permet de localiser le lieu d’émission des appels, est clair: il a appelé de Emana, de Etoudi et du Rond point Nlongkak. La démonstration laisse Joël Nguetti sans voix. Il réfléchit longtemps avant de confier à l'enquêteur que c'est sa mère qu'il essayait de joindre. Selon lui, sa mère devait l'accompagner au village, afin qu'il aille faire un charme pour que sa fiancée ne le quitte pas.