Ménages : Le mal être des bonnes

Cameroun - Ménages : Le mal être des bonnesMême si quelquefois les torts sont partagés, certains travailleurs domestiques sont maltraités, abusés sexuellement, séquestrés, pratiquement réduits à l'esclavage.

Jeanine n'a que 12 ans, mais elle sait déjà tenir une maison comme une grande personne. Chez sa tante maternelle qui l'a adoptée à la mort de sa maman, elle fait la cuisine, la lessive, le ménage et sert aussi de nounou à son cousin de 2 ans. Cinq fois par semaine, elle le conduit à la garderie située à près d'un kilomètre de leur maison, à pied. Le corps frêle de la gamine ne supporte pas cette charge.

Au quartier Nsam à Yaoundé où elle vit, il se dit aussi qu'en plus d'être la bonne à tout faire, Jeanine subit les attouchements sexuels de son bel oncle. Employer des jeunes filles sans rémunération est une pratiqueau Cameroun. « Elles sont dociles et posent moins de problèmes que les adultes», explique Elisabeth Ngo Mabong. Elle ne précise cependant pas que ces gamines sont traitées comme des esclaves et son très souvent des objets sexuels. Le modus operandi des patronnes est quasiment le même. « Elles font venir une cousine ou une nièce du village. A ses parents, elles font croire que l'enfant ira à l'école et qu'en contrepartie, il assumera quelques tâches ménagères.

La suite on la connaît. Cependant, même quand la patronne rémunère sa petite ménagère et que cette dernière ne croule pas sous le poids des charges domestiques, des problèmes peuvent survenir», dit Mme Akame, assistante sociale à Yaoundé. En effet, quand la fille grandit, ses besoins et son caractère changent forcément. « Il peut arriver que son corps de femme fasse des envieux. Elle devient insoumise et découche même. Après deux expériences malheureuses avec ma ménagère, j'ai décidé de ne plus employer des gamines », conf Jeanne Kenfack, qui cherche une ménagère.

Un salaire de 20 000 F Cfa

Les relations employeurs et travailleurs domestiques ne sont pas toujours sereines. Pour la plupart non instruites, ces femmes à qui on confie toutes sortes de tâches à la maison (cuisine, lessive, ménage, garde des enfants, entre autres) se plaignent d'être traitées comme des esclaves. « Les patronnes nous abandonnent leur maison. Intransigeantes sur l'heure d'arrivée au travail, elles ne tiennent pas toujours compte de l'heure de départ. Elles oublient que nous avons aussi des familles. J'arrive au travail à 7 h pour préparer les enfants pour l'école, je dois les y amener et les ramener. Sans compter que j'ai la cuisine et le ménage à faire. Comme si cela ne suffisait pas, ma patronne me demande souvent d'attendre son retour à 20 h. Une fois, elle recevait du monde, elle a insisté pour que j'attende le départ des invités.

En rentrant à minuit, je me suis fait agresser et les bandits m'ont blessée à la machette. C'est ma famille qui a assuré le suivi médical. Avec un salaire de 20 000 F Cfa, je n'avais pas d'épargne », déplore Emilie Sandio. Sa copine qui milite désormais au sein de l'Association des travailleurs domestiques de Yaoundé (Amcy) se rappelle ce patron qui l'obligeait à avoir des rapports sexuels avec lui. «Il a commencé à m'interdire les kabas, qui, prétextait- il, étaient sales. Il voulait plutôt que je porte des minijupes. Un jour, pendant que je faisais le ménage, il a sauté sur moi. Après, pour préserver mon emploi, je me suis laissé faire. Je gagnais quand même 75 000 F Cfa par mois. Veuve avec 4 enfants à charge, je ne pouvais pas trouver mieux », se résigne la femme. L'adultère a duré 5 ans et elle a perdu son emploi le jour où sa patronne la surprise dans son lit conjugal. « En nous abandonnant la gestion de leur maison, certaines femmes nous poussent involontairement dans les bras de leur mari. Sinon comment voulez-vous que ce soit une étrangère qui fasse à manger à votre époux, lave ses slips, dresse le lit conjugal, etc », s'interroge Elisabeth. N.

Convention de l'Oit sur le travail décent

Selon des statistiques fournies par l'Ong Horizon Femmes, moins de 2 % de ménagères reçoivent le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic), qui est actuellement fixé à 28 250 F Cfa au Cameroun. Très peu sont affiliées à la Cnps ou ont un contrat de travail. Beaucoup d'entre elles ne sont pas pour autant des anges. “Elles sont très souvent à l'origine de vols et ne comprennent pas toujours qu'elles sont avant tout des employés. Et lorsqu'elles sentent que vous êtes dans le besoin, elles n'hésitent pas à vous lâcher”, regrette Elise Ka, à qui l'une de ses ménagères a subtilisé des bijoux d'une valeur d'un million de F Cfa.

Comme, généralement, employeurs et employés ne signent pas de contrat de travail, il est parfois difficile de retrouver la ménagère. Pour expliquer toutes ces accusations, les ménagères parlent des mauvais traitements qui peuvent les pousser à avoir de tels comportements déviants. « Quand vous travaillez sans repos et qu'à chaque fin de mois, la patronne a toujours un prétexte pour amputer votre salaire ou tout simplement ne pas vous payer, vous êtes tenté de voler », dit Elisabeth, une ménagère. Pour améliorer les conditions du travail domestique, l'Ong Horizon Femmes mène un lobbying pour que le Cameroun ratifie la convention n° 189 de l'Oit sur le travail décent pour les travailleurs domestiques, qui va permettre d'étendre les droits fondamentaux dans le domaine du travail à près de 100 millions de travailleurs domestiques dans le monde.

© Le Jour : Cathy Yogo


11/03/2013
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