Un article du site «Mediapart» a fini de convaincre une certaine opinion de ce qu’une «machination politique» était en train de prendre corps.
Pas moins de deux conclaves, regroupant des personnalités connues des régions, se sont tenus ce week-end à Yaoundé. Les graves accusations portées ces derniers jours à l’encontre de l’élite du Grand Nord sur les activités d’une supposée rébellion dans cette partie du pays, ne sont pas étrangères à ces discrets conciliabules. Jusqu’ici, nombre de personnalités du Grand-Nord considéraient ces allégations comme de la gesticulation de la part de quelques compatriotes en mal de sensation.
Mais un article mis en ligne le 26 août 2014 sur le célèbre site d'information français "Mediapart", et signé de Fanny Pigeaud, a fini de les convaincre de ce qu’une «machination politique» était en train de prendre corps. Intitulé «Cameroun: Paul Biya, après plus de trente ans de règne, est confronté à une rébellion », cet article d’une légèreté incroyable et malgré sa vacuité, a pourtant connu une rapide et étonnante prospérité dans les médias nationaux.
Comme s’il fallait juste un déclencheur de l’extérieur pour faire prospérer la thèse d’une rébellion dans le Grand Nord qu’ils auraient eu sans doute du mal à démontrer. «Le chef de l’Etat et les services de sécurité savent que nous avons affaire à Boko Haram et non à une rébellion. Nous savons cependant que l’article de Fanny Pigeaud a été conçu à Yaoundé par des petites mains de l’entourage du président de la République pour préparer l’opinion à des purges et justifier l’exécution d’une action planifiée de longue date. Dieu merci, nous avons identifié ceux qui manoeuvrent ainsi en coulisses pour mettre le pays à feu et à sang en dressant les Camerounais les uns contre les autres au lieu de se mobiliser contre la menace Boko Haram. Nous allons informer le chef de l’Etat, garant de l’unité du pays», explique une personnalité influente de la région.
En plus de l’article de Fanny Pigeaud, l’interpellation de Me Abdoulaye Harissou à Maroua le 27 août 2014, est venue en rajouter à la confusion générale. «Il ne s’agit pas de dire si Me Harissou est coupable ou non. C’est à la justice de faire son travail. Ce que nous condamnons, c’est que des personnalités aux élans de tribalistes notoires surfent sur l’amalgame pour faire croire que Me Harissou n’est qu’un élément d’un ensemble dans lequel on retrouverait de nombreuses personnalités du Grand Nord qui travaillent à la déstabilisation du Cameroun.
Ce que j’ai appris, c’est que Me Harissou est entendu dans le cadre d’une présumée tentative de déstabilisation du Cameroun en 2013 à partir de la République centrafricaine. Cette histoire n’a donc rien à voir, ni avec le Grand Nord, ni avec Boko Haram, encore moins avec l’élite nordiste», explique un haut fonctionnaire.
RUMEUR
Son inquiétude est d’autant plus grande que depuis l’interpellation du notaire par des éléments de la Direction générale de la Recherche extérieure (Dgre), une forte pression psychologique est exercée quotidiennement sur des personnalités originaires des régions septentrionales. «Des personnes malveillantes essayent de rattacher le notaire à Marafa Hamidou Yaya pour mieux relier tout cela aux amis de l’ancien ministre d’Etat qui occupent encore des hautes fonctions ici et là.
C’est cette tentative de purge que nous condamnons. Profiter d’une enquête pour embarquer des innocents au nom d’une lutte de pouvoir est inadmissible», explique une autre personnalité de la région. Déjà, dans le registre de la manipulation et de la préparation des esprits, des ballons d’essai sont balancés dans l’opinion. Il y a eu cette rumeur qui a emporté la signature du délégué du gouvernement de la communauté urbaine de Garoua, Ahmadou Elhadj Bouba alias «Gringa», alors que l’intéressé jouit toujours de toute son autorité.
Comble de l’ironie, la même rumeur a arrêté l’homme d’affaires Bayero Fadil… D’autres médias brandissent une fausse liste de nordistes devant être prochainement interpellés à la suite de Me Abdoulaye Harissou. Et voilà que des noms circulent ici et là dans les rédactions, les salons huppés ou les chaumières. Les sources proches du dossier s’étonnent pourtant de l’existence d’un tel document. «C’est une enquête qui n’a pas débuté avec l’arrestation de Me Harissou. Son arrestation la boucle en quelque sorte.
L’enquête date, et nous connaissons les différentes implications. Les personnes concernées par cette tentative de déstabilisation sont sous surveillance depuis de longs mois et sauf développement contraire, il ne reste plus que quelques seconds couteaux à prendre et qui seront pris le moment venu», explique une source sécuritaire haut placée. L’autre volet de cette affaire reste les allusions et autres sous-entendus autour de la responsabilité de Marafa Hamidou Yaya. Tous ceux qui ont eu accès au dossier ultraconfidentiel affirment qu’il n’existe à l’heure actuelle aucun élément matériel rattachant Me Harissou à l’ancien ministre d’Etat. Et pourtant, au sommet de l’Etat, beaucoup n’hésitent pas à forcer un lien entre le notaire et le célèbre prisonnier, compte tenu de la solidité de leur amitié et de l’importante place qu’occupait jusque-là le notaire dans la galaxie du promoteur de la «Société de confiance».
De là à ce que Marafa Hamidou Yaya soit accusé de «complicité intellectuelle» dans cette affaire portant sur une supposée déstabilisation du Cameroun à partir de la République centrafricaine, il y a un pas que certains seraient tentés de franchir allègrement.