Mbarga Nguelé et Eko Eko: L’héritage d’un dispositif sécuritaire malade

Yaoundé - 1 Septembre 2010
© Léger Ntiga | Mutations

Le chef de l’Etat veut d’un renseignement plus fiable mais retourne aux vestiges.

Le président de la République a nommé hier, 1er septembre 2010 comme délégué général à la Sûreté nationale (Dgsn), Paul Biya a nommé Martin Mbarga Nguelé, jusque là ambassadeur du Cameroun en Espagne après son long séjour au Brésil. M. Mbarga Nguélé retrouve le poste du patron de la sécurité nationale, 26 ans après l’avoir quitté au lendemain du coup d’Etat manqué du 06 avril 2004. Ancien doyen du corps diplomatique accrédité au Brésil, jusqu’au 11 mars 2008, Martin Mbarga Nguélé occupé poste pendant 19 ans. Commissaire divisionnaire à la retraite, il a servi pendant trois ans comme ambassadeur du Cameroun auprès du Royaume qui était restée «orpheline» après le décès de l’ancien titulaire du poste, André Ngongang Ouandji.

Homme du sérail, la délégation à la Sécurité intérieure lui est confiée le 22 août 1983. Paul biya vient alors de prendre des mesures énergiques dans la foulée de la découverte «d’un complot visant à renverser les institutions républicaines». Resté une année à ce poste, il est blessé lors des événements du 06 avril. Il s’en suit une traversée du désert avant de rebondir sur le terrain diplomatique avec le rang d’ambassadeur. Entre le 20 et le 22 mai 2010, la résidence officielle du Cameroun en Espagne a été le cadre des manifestations commémoratives de la 38e édition de la fête de l’unité nationale et des 50 ans de l’indépendance et de la réunification du Cameroun. Sous la houlette de Martin Mbarga Nguelé, la propriété de l’Etat camerounais depuis le 26 janvier 1986, 400 invités au rang desquels, des membres du corps diplomatique accrédités en Espagne, des membres de la communauté camerounaise ont célébré avec faste ces moments auxquels tenait le chef de la mission diplomatique.

Martin Mbarga Nguele avait d’ailleurs tenu à souligner la particularité de l’année 2010 pour le Cameroun, la célébration de la 38e édition de la fête de l’unité nationale et les cinquantenaires de son indépendance et de sa réunification. Il avait fait observer une minute de silence pour rendre hommage aux patriotes ayant perdu leur vie pour le pays. Faisant au passage un bref rappel de l’histoire du Cameroun, au terme de laquelle il soulignera qu’après l’indépendance, il restait d’œuvrer au quotidien pour l’amélioration des conditions de vie des populations. La manifestation avait été rehaussée sur le plan culturel par la présence des artistes Aï Jo et Lady Ponce, venus spécialement du Cameroun pour la cause.
C’est donc à ce septuagénaire que le chef de l’Etat vient de confier la Sûreté nationale, 26 ans après l’avoir quitté. Il devra partager ce milieu des plus sensibles du renseignement et de la sécurité intérieure de l’Etat avec le commissaire divisionnaire, Léopold Maxime Eko Eko jusque là directeur des Renseignements généraux à la Dgsn. Promu directeur général de la Recherche extérieure, Léopold Maxime Eko Eko qu’on dit être un homme de devoir pourrait rehausser le renseignement devenu si pauvre de la Dgre. Avec son avènement cette maison parfaitement écornée par l’affaire Bibi Ngota et la récente annonce de coup d’Etat devrait gagner en crédibilité.


Sécurité: Le dispositif craque sous la psychose ambiante



Les cambriolages des édifices publics et l’affaire du vrai-faux coup d’Etat auraient, entre autres, motivé le limogeage du Dgre, du Dgsn et l’activation du Conseil national de la sécurité.

Comme une forêt hantée, le Cameroun bruissait ces derniers temps de nouvelles les plus folles, difficilement vérifiables, tendant à démontrer la fragilité du régime sur le plan sécuritaire. Il est en est ainsi de cette affaire de vrai-faux coup d’Etat qui s’est répandue dans les chaumières et dans la presse il y a quelques semaines. L’histoire se serait nouée autour d’une bande sonore attribuée à Enoh Meyomesse, agitateur d’idées politiques bien connu dans les milieux médiatiques de la capitale. Dans le document, dont les services de renseignements ont tôt fait de s’en procurer copie, il était question de l’abrogation de la Constitution, de la dissolution de l’Assemblée nationale, du gouvernement, du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), de Elections Cameroun (Elecam).

Les instigateurs du «coup d’Etat» envisageaient par ailleurs l’adoption d’une nouvelle constitution par voie référendaire, la tenue d’une élection présidentielle début 2011 et la formation d’un gouvernement provisoire chargé de la gestion des affaires courantes.

Les auteurs du document querellé dénonçaient également l’inertie du régime en place tout en félicitant les forces de l’ordre pour leur concours pour la chute du régime et les émeutiers de février 2008 pour leur bravoure. Ils annonçaient en outre des gratifications diverses, dont le passage automatique de tous les colonels au grade de général, l’érection au cœur de Yaoundé d’un monument en la mémoire des soldats tombés à Bakassi, l’instauration de la retraite à l’âge de soixante ans. L’opération de renversement du régime devait se dérouler alors que le chef de l’Etat était en déplacement en France, dans le cadre de la fête du 14 juillet.

Cette affaire qui a mis pendant longtemps le sérail en branle n’aurait pas laissé le chef de l’Etat de marbre à son retour de France. Les résultats des enquêtes commandées par le Prince auraient-ils éclaboussé Jean Marie Obelabout (Dgre) et Emmanuel Edou (Dgsn) ? Si la réponse ne coule pas de source sur ce segment, l’on pencherait quasiment pour l’affirmative s’agissant de la déferlante des cambriolages dans les édifices publics à Yaoundé et en dehors. Du ministère de la Défense au ministère des Finances en passant par la Direction générale de la Recherche extérieure, le ministère des Relations extérieures ou encore la Délégation générale de la sureté nationale, les services publics ont été passés au peigne fin par des individus non identifiés. Seul le cambriolage au Minfi dans la nuit du 16 au 17 juillet dernier semble avoir connu une raie de lumière avec le déferrement à la prison centrale de Kondengui de l’ex-chef du secrétariat particulier du ministre Essimi Menye et d’une dizaine de cadres et agents de ce département ministériel.

Les auteurs des autres forfaits courent toujours. Une situation qui met à mal tous les efforts de l’establishment visant à polir l’image du Cameroun à l’extérieur. D’aucuns croient d’ailleurs pouvoir établir un lien entre certains de ces cambriolages et les rumeurs projetant la déstabilisation du Cameroun. Vrai ou faux ? Mystère et boule de gomme. Toujours est-il que dans son dernier rapport, le Comité catholique contre la faim pour le développement (Ccfd) évoque, sur la question de la succession au sommet de l’Etat, comme scénario possible, «la prise de pouvoir par une alliance politique et militaire avec un appui financier de la diaspora. Il s’agirait d’acteurs politiques, militaires et économiques qui ont quitté le pays récemment et qui seraient très actifs à l’étranger. Beaucoup d’acteurs du régime, fragilisés par l’Opération Épervier, pourraient être séduits par une intervention militaire». A Etoudi, on a dû apprécier tout cela.

Parmi les mobiles du coup de pied présidentiel dans la fourmilière sécuritaire, on pourrait également mobiliser «l’affaire Bibi Ngota», du nom de ce journaliste emprisonné, puis décédé à maison d’arrêt de Kondengui. Le document auquel Germain Cyrille Ngota avait accédé, qui était authentique selon des indiscrétions fiables, indiquait que les directeurs généraux du Chantier naval et industriel du Cameroun d’alors, Antoine Bikoro Alo’o et Dayas Mounouné du Port autonome de Douala ainsi que l’expert financier, Francis Dooh Collins ont perçu des commissions évaluées à 1.342.000.000 Fcfa dans le cadre de l’acquisition du bateau-hôtel baptisé Rio del Rey, sur instruction de l’administrateur directeur général (Adg) de la Snh et ministre d’Etat secrétaire général de la présidence de la République, Laurent Esso. L’ «intrusion» du Dgre, Jean Marie Obelabout dans cette affaire, qu’une simple enquête policière aurait réglée, toujours sur ordre du Sgpr, n’aurait pas mis du beurre sur ses épinards. Ce d’autant plus que le journaliste décédé et ses acolytes auraient été correctement torturés à l’ex-Cener pour leur extorquer des aveux.

Georges Alain Boyomo




01/09/2010
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