Maurice Kamto, le mauvais perdant - Par James Mouangue Kobila

DOUALA - 30 OCT. 2013
© James MOUANGUE KOBILA | Correspondance

"...Maurice Kamto, le plagiaire le plus célèbre du Cameroun qui a pourtant bénéficié du soutien militant de plusieurs quotidiens acquis à sa cause impute désormais ses défaites électorales à ses adversaires..."


James MOUANGUE KOBILA
Photo: © Archives
Après l’humiliation de sa vie devant la Cour suprême statuant comme Conseil constitutionnel où les trois recours qu’il a signé de sa propre main ont été repoussés comme irrecevables à l’audience du 11 octobre 2013, en raison d’une méconnaissance flagrante de la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel, suivie de l’échec cuisant de son parti politique, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), aussi bien aux législatives qu’aux municipales du 30 septembre 2013, Maurice Kamto, le plagiaire le plus célèbre du Cameroun qui a pourtant bénéficié du soutien militant de plusieurs quotidiens acquis à sa cause impute désormais ses défaites électorales à ses adversaires. Emporté par la déraison lors de la conférence de presse donnée le 22 octobre 2013 au siège de son parti politique, il s’en est également pris aux observateurs internationaux (les ambassades américaine et celles des grands Etats européens y compris) et à l’ensemble des puissances étrangères qu’il a mis en demeure de l’aider à étancher sa soif de pouvoir avant qu’il ne les inscrive dans le livre noir des ennemis du Cameroun.

Lorsque, commentant les premières sorties politiques de Maurice Kamto après sa « démission » du gouvernement, j’ai rappelé qu’un précédent démissionnaire, Garga Haman Adji n’a jamais dépassé 3% de suffrages pendant une présidentielle, certains ont hurlé à la comparaison inappropriée. Aujourd’hui, les faits et les chiffres sont là. Alors qu’aucune de ses listes de candidats n’a finalement été rejetée, le parti politique créé en 2008 qu’il a récupéré et rebaptisé n’a pu se présenter que dans 17 circonscriptions sur 360 pour les municipales, soit 4,72% de présence et dans 7 circonscriptions sur 85 pour les législatives, soit une présence dans 8,23% des circonscriptions, les candidatures aux législatives étant plus faciles à monter que celles des municipales pour lesquelles il faut d’abord être capable de rassembler entre 25 et 61 candidats par commune.

Pour les législatives, le MRC a remporté un seul siège sur les 180 en compétition, soit un taux de réussite de 0,55%. Encore que, si l’on en croit son unique député à l’Assemblée nationale, l’honorable Soub Lazare, il ne doit nullement sa victoire au MRC, encore moins à un prétendu rayonnement de Maurice Kamto : « [m]a victoire est due à ma longue expérience politique et à celle de mon équipe de campagne », soutient-il (Mutations du 24 octobre 2013).

En ce qui concerne les municipales, dans l’attente de l’aboutissement du contentieux des municipales où il n’est pas à l’abri d’un nouveau « Waterloo judiciaire » eu égard à l’ignorance crasse du droit électoral par ses demi-savants, les résultats du MRC sont justiciables de deux grilles de lecture. D’abord, du point de vue du contrôle des mairies, ce parti politique n’en ayant remporté aucune, son taux de réussite est de 0%. Quant au nombre de conseillers municipaux obtenus, les 19 conseillers municipaux glanés dans cinq communes, dans l’ensemble des cinq régions sur 10 où ce parti politique a pu faire acte de candidature représentent quant à eux 0,17% des 10626 sièges qui étaient mis en compétition. Avec, à la clé, des scores souvent infamants comme 0,60% à l’Est ; 1,39% à Belo et 2,54% à Bamenda III, dans la Région du Nord-Ouest où le SDF l’a emporté dans ces deux circonscriptions ; 06,58% à Douala 1er et 06,56% à Douala 4ème. Ses meilleurs trophées électoraux aux municipales ont été obtenus à Douala 3ème où il a obtenu 7 conseillers municipaux sur 61, avec 22,26% de voix.

En somme, avec 0,55% de sièges de députés et 0,17% de conseillers municipaux sur l’ensemble du territoire national, le parti politique de Maurice Kamto a tragiquement déçu les prévisions les plus sombres. D’autant qu’il est rentré bredouille dans les Hauts-Plateaux, le département d’origine de son guide (en ce compris dans son village, Baham) où il n’a obtenu ni député, ni conseiller municipal) avec 17,89% aux législatives. Il a également connu une chasse sans gibier dans le Mfoundi, siège des institutions où la liste qu’il conduisait n’a totalisé que 32,89% aux législatives avec 91 723 voix, le RDPC ayant raflé tous les sièges, avec la confortable majorité absolue de 60,93% avec 169 958 voix.

Sans conteste, le MRC est donc quasiment inexistant dans sept régions sur 10 : les cinq régions où il n’a pu présenter un seul candidat aux législatives et aucune liste aux municipales ainsi que les deux régions (Est et Nord-Ouest) où ses résultats sont ridicules et risibles.

Dans les trois régions restantes (le Centre, le Littoral et l’Ouest), les ambitions du MRC ont été aspirées dans une spirale de défaites plus humiliantes les unes (Centre et Ouest) que les autres (Littoral). Une succession de défaites que l’excuse de la jeunesse de ce parti politique, continuateur d’un parti créé en 2008 et qui a simplement changé de nom quatre ans plus tard, ne suffit pas à expliquer. L’honorable Soub Lazare ne s’y est du reste pas trompé, qui a jugé que « la jeunesse du parti n’a [eu] aucune importance, car je ne suis pas jeune sur le terrain » (Mutations du 24 octobre 2013). Un argument qui peut bien être opposé au président du MRC qui est, lui aussi, loin d’être jeune sur le terrain politique. Le plus grand plagiaire du Cameroun, dont le procès pour escroquerie et abus de confiance vis-à-vis de celui qui voulait voir en lui un Maître suit son cours, est en effet entré en politique en 1992, lorsqu’il a ouvertement battu campagne pour le leader du SDF lors de la présidentielle. Il totalise donc à ce jour 20 ans d’expérience politique révolus, d’autant qu’il faut lui créditer sept ans d’expérience politique au Gouvernement. Le poste de ministre délégué qu’il a occupé à la Justice étant éminemment politique, autant que les réunions de cabinet auxquelles il participait régulièrement dans les Services du Premier ministre.

L’on doit se rendre à l’évidence que l’honorable Soub Lazare, en vieux briscard de la politique, a été plus habile à capitaliser son expérience que le leader du parti qu’il a su utiliser pour revenir aux affaires. L’on devrait aussi mentionner le cas interpellant de l’honorable Joseph Kankeu dont Maurice Kamto a dirigé le mémoire de Maîtrise en droit public à l’Université de Yaoundé en 1990. Il a réussi à se faire élire député dans le département de la Mifi, pendant le double scrutin du 30 septembre 2013 où les efforts de son Maître d’hier d’accéder à l’hémicycle comme lui sont lamentablement restés stériles.

Plutôt que d’accepter son échec complet et d’apprendre humblement du vieil homme et du jeune député qui ont su se faire élire là où il tragiquement échoué, que fait Maurice Kamto ? Se croyant encore au siècle de Kafka, il trouve avantageux « de prôner la splendeur de l’échec, de célébrer la beauté du rien [et] de clamer la gloire des vaincus », suivant la belle formule du contemporain Dominique Fernandez, écrivain et académicien français. En effet, au triste milieu de sa cuisante défaite, il hallucine et pousse des cris de victoire « nous avons écrit une page glorieuse de l’histoire politique du Cameroun », a-t-il déclaré à la presse. Contre la vérité la mieux certifiée, Maurice Kamto s’obstine à faire le brave. Il ajoute : « [l]a singularité de ces résultats sur la scène politique nationale est édifiante […] nous avons gagné dans le Mfoundi, à Yaoundé, siège des institutions de la République. Nous avons gagné dans les Hauts-Plateaux dont chacun connaissait le poids symbolique dans ces élections ». A l’unisson d’une presse étrangement complaisante qui le déclarait déjà triomphant et artisan d’une percée spectaculaire de son parti en raison de l’obtention d’un conseiller municipal sur 41 dans la Commune urbaine d’arrondissement de Douala 1er ou de deux conseillers municipaux sur 41 à Douala 4ème.

Cette cécité politique n’a pas manqué de révulser son conseiller spécial, Fabien Assanga, qui ne se borne pas à reconnaître la « défaite électorale » du parti politique dont il est l’un des membres fondateurs ; mais impute avec lucidité les échecs répétés du MRC au défaut d’« un travail de titan que nos partis politiques ne se donnent pas le temps, les moyens et la stratégie de réaliser en dehors des plaintes habituelles ». Et d’ajouter que « nous n’avons pas fait tout ce qu’il fallait pour ratisser large et protéger la confiance et les suffrages de nombreux camerounais […] notre préparation à ces élections a été très approximative et notre stratégie électorale a manqué de professionnalisme et de réalisme ». Le conseiller spécial de Maurice Kamto n’est pas avare de détails révélateurs : « certains représentants recrutés à la va-vite ont confisqué les procès-verbaux pour des questions d’argent. Il fallait aussi réquisitionner les huissiers pour constater les fraudes, veiller sur le dépouillement des votes, escorter les urnes, avoir des représentants dans toutes les antennes communales et départementales d’Elecam – certaines n’avaient pas de représentants du MRC jusqu’au jour de l’élection -, communiquer sur les tendances. On ne l’a pas fait par simple naïveté » (Interview dans L’œil du Sahel du 28 octobre 2013).

Osons une question à l’enseignant qu’est Maurice Kamto : quelle mention mérite un étudiant qui valide un ou deux crédits sur 41 ou encore, sept crédits sur 61 ? Quelle mention donnerait-il à l’étudiant qui totaliserait un point sur 180 ou 19 points sur 10626 ? Lui accorderait-il la mention « bien », voire « très bien » au prétexte que cet étudiant se présente à l’examen pour la première fois ? Quelle mention donnerait-on alors à l’étudiant qui, se présentant pour la première fois, réussit à obtenir la moyenne requise pour être déclaré admis ou, à tout le moins, à valider quelques matières ?

La sociologie minutieuse de l’électorat du MRC serait du reste très instructive. Il est frappant de constater que ce parti politique a seulement pu glaner son unique siège de député et l’essentiel de ses 19 sièges de conseillers municipaux dans les communes où la composante ethno-culturelle de son président est particulièrement bien représentée (Douala 3ème et 5ème notamment). Il a également rassemblé un nombre significatif de suffrages dans son département d’origine et dans les quartiers de Yaoundé qui regroupent l’essentiel des ressortissants de sa région d’origine.

Si l’on rapproche ces observations rapides des précisions apportées par le quotidien Le Jour (un journal qui ne diffuse généralement que des informations favorables au MRC), lequel nous informe qu’au MRC, « ce sont surtout le président du parti, Maurice Kamto, et le trésorier, Alain Fogué, qui actionnent les rouages » (édition du 24 octobre 2013), l’on peut légitimement considérer que les affirmations suivant lesquelles ce parti entend « rassembler toutes les composantes » du Cameroun relèvent d’une démagogie pestilentielle. D’autant que, dans son interview précitée, Fabien Assanga, le Conseiller spécial de Maurice Kamto confirme que, dans le MRC, « les organes comme le Secrétariat national, le Comité national d’arbitrage, le Conseil de sages et autres instances du parti dont les responsables [sont] membres du Directoire, ne sont en fait que des pots de fleurs ».

En remettant en cause la sincérité d’un scrutin unanimement salué par tous comme ayant été « sincère à 90% au moins » – étant entendu qu’il n’existe d’élection parfaite nulle part – et, en particulier, l’appréciation des observateurs étrangers et des organisations internationales les moins complaisantes, le président du MRC montre qu’il a totalement perdu pied. La Cour suprême devrait du reste tenir dûment compte de l’avis honnête et désintéressé de ces observateurs impartiaux, dont certains accompagnent le Cameroun sur le chemin escarpé de la transparence électorale depuis deux décennies, pour apprécier la portée des allégations de fraude des uns et des autres, lors de l’examen du contentieux des opérations électorales des municipales du 30 septembre 2013.

S’agissant des dysfonctionnements allégués, le grand défi du MRC sera d’en apporter la preuve judiciaire et de démontrer : soit leur gravité, soit que ces dysfonctionnements les ont affectés plus que d’autres partis en compétition, en portant notamment atteinte à l’égalité des chances ou en altérant irrémédiablement les résultats du scrutin. Ils devront également s’attendre à ce que leurs adversaires démontrent qu’eux-mêmes ou leurs partisans se sont livrés aux activités dénoncées. La bataille judiciaire qui s’annonce ne sera donc pas sans risque de nouveaux déboires qui rentreront dans les annales judiciaires du pays, non sans susciter de nouveaux ricanements sous les chaumières.

Son précédent échec judiciaire, d’autant plus douloureux qu’il était public, à l’occasion du contentieux des opérations électorales des législatives du 30 septembres 2013 a été éhontément présenté comme un acte de « guillotine judiciaire », un « coup de massue » injuste sur lequel il appelle le jugement de l’Histoire. S’il a effectivement été guillotiné, c’est qu’il est monté de lui-même à la guillotine en omettant des mentions indispensables dans les recours en annulation des législatives signés de sa main. En l’occurrence, le juge suprême camerounais n’a fait qu’une saine application de la loi.

Le fait est que l’article 49 de la loi du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel pose clairement que, « [s]ous peine d’irrecevabilité, la requête doit contenir les noms, prénoms, qualité et adresse du requérant ainsi que le nom de l’élu ou des élus dont l’élection est contestée ». Le problème de Maurice Kamto est que, à l’instar des profanes qui pensent que le code électoral épuise l’ensemble des dispositions relatives aux élections au Cameroun, il n’a pas tenu compte de la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel. C’est pourquoi dans les trois requêtes signées de sa main, il a omis d’indiquer « le nom de l’élu ou des élus dont l’élection est contestée ». Par conséquent, les recours du MRC ne pouvaient qu’être rejetés comme irrecevables, et c’est justice. Ce faisant, la Cour suprême n’a jamais autant incarné l’adage inscrite au fronton de sa principale salle d’audience : Dura lex, sed lex (la loi est dure, mais c’est la loi). Cette méconnaissance de la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel est d’autant plus surprenante que Maurice Kamto est bien l’auteur d’une thèse de doctorat en… droit constitutionnel.

Pour sortir de ses fourvoiements, le président du MRC espérait sans doute que la Cour suprême lui accorderait une nouvelle faveur, après la décision complaisante par laquelle la Haute juridiction a procédé, contra legem (contre la lettre de la loi), à un revirement jurisprudentiel, pour lui permettre de participer à la compétition, dans le cadre du contentieux des candidatures aux élections législatives et aux élections municipales. Statuant comme Conseil constitutionnel, la Cour suprême avait en effet initialement tranché qu’un dossier non déposé est irrecevable dans l’espèce Kiyeck Jock, électeur dans la circonscription électorale du Moungo Sud, candidat et mandataire de la liste de l’Union des populations du Cameroun contre Etat du Cameroun, arrêt n° 19/CEL/2007 du 7 juin 2007 en ces termes:


« Attendu en l’espèce que le recourant ne prouve pas le dépôt de la déclaration de candidature alléguée à la préfecture de la circonscription concernée ou au Ministère chargé de l’Administration Territoriale […] ;

D’où il suit que son recours n’est pas fondé et qu’il y a lieu de le rejeter ».



La Cour suprême ayant dit le droit sans états d’âme le 11 octobre 2013, elle a clairement administré un soufflet sonore à celui qui prétendait aller à l’Assemblée nationale « pour dire le droit », le renvoyant de nouveau à l’école du droit électoral. Une formation dont Maurice Kamto a absolument besoin, en plus de sa formation politique qui reste à compléter auprès de Soub Lazare et de son ancien étudiant, l’honorable Joseph Kankeu. Les cinq années de traversée du désert qui s’ouvrent devant lui et devant les militants de son parti politique seront-elles suffisantes à cet effet ? Rien n’est moins sûr, d’autant que les victoires intermédiaires attendues des législatives et des municipales deux ans après sa démission du gouvernement en vue d’entretenir l’espoir d’un score approchant enfin les 3% chez ses militants et susciter de nouvelles adhésions d’ici à 2018 relèvent désormais du songe.


Mais d’ici-là, comment apprécier les confabulations de celui qui appelle à la réforme d’ELECAM aujourd’hui alors même qu’il a fait partie du Comité restreint de rédaction du Code électoral en vigueur ? Que penser d’un parti politique qui, après avoir affiché des airs conquérants et arrogants de ses dirigeants pleins d’eux-mêmes, en est réduit à des résultats qui prêtent à rire comme 0,55% de sièges de députés et 0,17% de sièges de conseillers municipaux, avec à la clé 0% de mairie contrôlée sur l’ensemble du territoire national ? Que penser d’un tel parti politique qui prétend aujourd’hui que « l’alternance politique dans notre pays se fera, non par la voie électorale, mais par la violence », allant même jusqu’à annoncer « la confrontation » ? Comment un parti politique qui a été inapte à présenter le moindre candidat aux législatives et aux municipales dans la moitié des régions du pays et qui n’a eu que des résultats qui en font la risée de tous dans deux autres régions peut-il être le seul à remettre en cause la crédibilité globale des élections sur la trentaine de partis politiques qui ont pris part au double scrutin ? S’agit-il d’un parti de démocrates ou d’un parti extrémiste qui déclare la guerre à la démocratie, faute de pouvoir s’en servir pour assouvir les ambitions personnelles de ses fondateurs vers les grandeurs ?


James MOUANGUE KOBILA est agrégé de Droit public, Vice-doyen chargé de la Recherche et de la Coopération à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Douala, B.P. : 4982 Douala, Tel. : (237) 99 93 32 09, Courriel : mouangue2001@yahoo.fr



16/11/2013
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