Marinette Ndomè Dikoum, née Dinde : REBONDISSEMENT et NOUVELLES REVELATIONS

27.03.2007

Marinette Ndomè Dikoum, née Dinde : REBONDISSEMENT et NOUVELLES REVELATIONS 

De sources bien informées dans le milieu judiciaire, la prisonnière sera régulièrement libérée le 27 décembre 2008. La thèse du trafic de remise de peine est ainsi confirmée, mais des interrogations persistent sur l’identité des auteurs dudit trafic.

 

Selon le vice-Premier ministre, ministre de la justice, Marinette Dikoum a été interpellée et écrouée à nouveau à la prison principale de Mfou, le 23 vendredi 2006, pour “ trafic de remise de peine ”. Les témoins racontent que c’est au terme d’une course poursuite que les gendarmes, sur instruction du procureur de la République, Joseph Belporo, ont interpellé la célèbre prisonnière au volant d’une voiture aux environs du Collège Père Monti. Venue à Mfou, dit-on, dans le cadre d’une visite de courtoisie à ses anciens codétenus, Mme Dikoum était dans tous ses états à son retour de prison “ parce qu’elle ne comprenait pas ce qui lui arrive ”, affirment les mêmes sources.
L’annonce de son interpellation et de sa nouvelle incarcération avait surpris plus d’un. Et pour cause. Non seulement sa libération, le 16 janvier 2007, avait été beaucoup médiatisée, mais de mémoire de professionnels du droit, “ pareil rebondissement dans une affaire judiciaire ne s’était pas encore produit au Cameroun ”, soutient un avocat.

Tout le monde s’était alors laissé aller à toutes sortes de supputations, jusqu’à ce que le ministre de la Justice en vient à déclarer que le trafic de remise de peines évoqué plus haut, était le fait du régisseur de ladite prison. Une allégation qui n’a pas encore convaincu tout le monde ; tant les us et coutumes dans l’application des décrets présidentiels portant remise de peine obéissent à un processus impliquant toute l’institution judiciaire, depuis le ministère de la Justice jusqu’aux prisons où les régisseurs de prison qui, bien qu’étant à l’origine des propositions, appliquent juste les instructions du parquet.

En fait, nos sources nous informent que c’est au cours de janvier, qu’une commission d’enquête avait été diligentée pour faire la lumière sur les conditions de libération de Marinette Dikoum, au moment même où ses co-meurtriers, détenus à Tcholire et à Yoko, demandaient aussi à être libérés. Puisque tous les trois avaient été condamnés la même année.

Médiatisation

Les mêmes sources soutiennent que cette mission d’enquête, après s’être rendue compte des “ tripatouillages ” faits à Mfou dans l’application de la remise de peine, aurait également établi quelques responsabilités. Ces responsabilités impliqueraient l’ensemble de l’institution judiciaire depuis Yaoundé jusqu’à Mfou. Dans cet ordre d’idées, le régisseur de la prison de Mfou, à défaut d’être un simple bouc émissaire, ne serait pas seul dans “ le coup ”. Lesdites sources en veulent pour preuve le silence de la chancellerie après l’accusation portée contre le régisseur de prison.

D’autres sources affirment également que c’est la très forte médiatisation autour de la libération de Dame Dikoum qui aurait fait qu’elle soit rattrapée par l’histoire. Si le grand ramdam n’avait pas été orchestré et si elle ne s’était pas fendue en déclarations telles “ quelqu’un m’attend déjà quelque part ”, elle serait en train de jouir paisiblement de sa “ libération irrégulière ”, affirme-t-on. Dans ce sens, l’on apprend que sa belle famille se serait mise en colère, au point de saisir le chef de l’Etat.

Enfin la thèse d’une politisation de l’affaire n’est pas également à écarter. Puisque certaines informations font état d’une bataille de clans entre certaines personnalités du secrétariat général de la présidence de la République et des responsables de la chancellerie, avec en toile de fond, les revendications du dauphinat politique dans l’ordre de la succession à Etoudi.
Pendant ce temps, Marinette Dikoum doit encore purger sa peine pour 638 jours. De sources concordantes des milieux judiciaires, la date probable de sa libération est fixée pour le 27 décembre 2008.


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Libérée le 16 janvier 2007, elle est écrouée à Mfou depuis vendredi dernier pour un “trafic de remise de peine”.

Claude Tadjon

Le véhicule de marque Toyota Tercel rouge, immatriculé CE 0275 L était, hier encore, garé devant la brigade de gendarmerie de Nkomo à Yaoundé. C’est à bord de cette voiture que la veuve Dikoum a été interpellée par des gendarmes de cette unité, à la suite d’une véritable course poursuite qui n’a pas échappé aux habitants du lieu dit carrefour Awae, sur la route de Mfou dans la banlieue de Yaoundé. " Il était environ 12 heures vendredi dernier, confie un témoin, lorsque deux gendarmes ont emprunté deux motos au carrefour Awae pour prendre en chasse une voiture. Au volant de mon propre véhicule, je me suis rendu compte que la voiture suivie par les gendarmes roulait elle-même derrière un véhicule de marque Toyota Tercel rouge. "
Intrigué par ce curieux mouvement dans un coin généralement calme, notre témoin a suivi le convoi : " Deux km plus loin, à la montée carrière, poursuit-il dans sa narration, la Toyota Tercel rouge a été rattrapée puis stoppée par les deux gendarmes rejoints par un troisième qui était à bord de la voiture suiveuse.

Ils ont fait descendre l’occupante de la Toyota Tercel qui a aussitôt entamé une négociation ". A en croire le témoignage, la dame qui conduisait a proposé aux gendarmes " de s’arranger ". Pourquoi un arrangement ? Mystère ! Toujours est-il que le témoin affirme avoir entendu cette dernière dire qu’elle a fait 24 ans à la prison de Mfou d’où elle est sortie il y a quelque temps seulement.
En fait, celle qui vient de se faire arrêter par trois gendarmes après une spectaculaire course poursuite est bien Marinette Ndomè Dikoum. De source bien informée, la veuve Dikoum est ainsi arrêtée pour un tripatouillage dans les remises de peine à l’origine de sa libération finalement avant échéance normale en janvier dernier. La même source indique d’un magistrat du tribunal de grande instance de la Mefou et Afamba, dont l’identité n’a pas été revélée, est impliqué dans ce rocambolesque trafic de remise de peine

Nkomo

Entout cas, après s’être fait rattraper par les gendarmes vendredi dernier, dame Dikoum est conduite dans les locaux de la brigade de Nkomo située non loin du lieu de son interpellation. Plus tard, elle a été transférée au parquet de Mfou. Joint au téléphone samedi dernier par Mutations, le commandant de la brigade de gendarmerie de Nkomo n’a pas souhaité faire de déclaration. Une source anonyme proche de cette unité de gendarmerie a confirmé l’interpellation suivie du transfert de Mme Dikoum à Mfou : " Le procureur de la république de Mfou a donné l’ordre de l’interpeller et nous n’avons fait qu’exécuter cet ordre ". Au téléphone samedi dernier, le régisseur de la prison de Mfou a pour sa part affirmé être en déplacement à Dschang dans la province de l’Ouest " pour un deuil ". En conséquence, il s’est abstenu de faire tout commentaire.

Quant à Me Jean Atangana Kama, avocat basé à Mfou et bien connu comme conseil de Marinette Ndomè Dikoum, il a observé la même réserve. " On m’a appelé vendredi dernier pour m’annoncer ce à quoi vous faites allusion. J’ignore pour quel motif elle a été arrêtée. Elle a pourtant récemment été libérée de manière solennelle ", a-t-il fait observer hier matin au téléphone. Dans son édition du 19 janvier dernier, le quotidien Mutations faisait remarquer que Marinette Dikoum avait été " libérée dans un relatif secret " le 16 janvier 2007, cest-à-dire trois jours plus tôt.

En effet, elle a définitivement quitté le local n°1, qu’elle occupait avec deux autres jeunes femmes à la prison de Mfou, mardi 16 janvier dernier. A 55 ans, celle qui fut condamnée à la prison à vie pour avoir participé activement, le 28 janvier 1983, à l’assassinat de son mari, Vincent Dikoum Minyem, alors directeur Administratif et Financier à la Cameroon Bank, recouvrait ainsi la liberté après 24 ans de prison. A sa sortie du pénitencier, elle confiait à nos confrères de Cameroon tribune, un brin provocante, " J’ai quelqu’un qui m’attend dehors". Mais surtout, elle se présentait comme une ambassadrice des sans-voix, " de ceux qui n´avaient pas la force de prendre soins d´eux-mêmes ".
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Erreurs : Avis partagés sur la nouvelle incarcération de Mme Dikoum 

Depuis le week-end dernier, l’infortunée a retrouvé – à la surprise générale – sa cellule de la prison de Mfou. Avocats, personnels du Minjustice et anonymes donnent leur opinion sur la question.

Sa libération définitive de la prison spéciale de Mfou, il y a quelques mois, avait été célébrée à grand renfort de publicité. Certains médias s’étaient mis dans le bal de la célébration de cette pensionnée de la prison de Mfou. Mais, peu de temps après, Mme Dikoum née Ndomé Marinette, accusée d’avoir pris une part active dans l’assassinat (en 1983) de son époux, retourne à la prison de Mfou. Pour poursuivre la purgation de sa peine. Selon des sources proches de la prison spéciale de Mfou, elle y aurait été conduite vendredi dernier, par des gendarmes détenteurs d’un mandat d’amener signé par le procureur de la république près les tribunaux de Mfou. “ Tout ce que nous savons, c’est qu’elle est bel et bien ici en prison depuis vendredi 23 mars 2006. Le procureur aurait délivré contre elle un mandat d’amener ”, déclare un personnel de la prison.
A la direction de l’administration pénitentiaire l’on se dit surpris par cette nouvelle incarcération. “ J’ai été informé il y a quelques heures qu’elle a été de nouveau incarcérée. Mais j’ignore encore
les motifs ”, indique le directeur de l’administration pénitentiaire du ministère de la Justice joint au téléphone. Au parquet de Yaoundé, des magistrats n’hésitent pas de commenter cette nouvelle descente aux enfers. “ Il semble qu’elle avait bénéficié d’une grâce présidentielle alors qu’elle ne le devrait pas. Il y a une catégorie de délits dont les auteurs ne peuvent pas être concernés par la grâce du chef de l’Etat. Il s’agit par exemple des détourneurs de deniers publics dont les montants ont atteint un certain chiffre et des criminels. Si c’est effectivement pour cela qu’on la reprend, il s’agirait-là d’une omission très grave en ce sens qu’elle pouvait encore commettre une gaffe avant la date de sa nouvelle interpellation ”, indique une source sous le couvert de l’anonymat. Seulement, des avocats estiment que Mme Dikoum ne devrait plus être interpellée, en vertu de la non rétroactivité de la loi. “ Mme Dikoum a été libérée avant le 1er janvier, date d’entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale. Si c’est en vertu de ce code que le procureur l’a reprise, encore faut-il le vérifier dans les textes, c’est qu’il s’agit d’une interpellation illégale ”, explique un avocat au barreau du Cameroun.

Par Joseph Flavien KANKEU

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Après 24 ans de prison

Celle qui fut convaincue d’avoir assassiné son mari en 1983 a été libérée dans un relatif secret mardi dernier à la prison de Mfou. Son retour à la liberté va raviver des passions, surtout à la lecture du récit de la tragédie. Au moment où ses anciens " voisins " de prison célèbrent ses vertus, elle ne manque pas de projets d’avenir.

Daniel Anicet Noah Publié dans Mutations, édition spéciale du 31 octobre 1996

Un quartier résidentiel dont le nom frappe l’imagination. Le "carrefour des carreaux", une villa cossue, sous le feuillage. Une famille bourgeoise menant une vie sans éclats de voix : Monsieur Dikoum Minyem est cadre de banque, directeur général de la Cambank, et Madame Marinette Dikoum Ndomè est diplômée de sociologie, professeur de lycée. Le couplé élève trois enfants en bas âge.

Subitement éclate, comme un éclair dans le ciel, la déchirure. Dikoum Minyem est étranglé dans son lit, par trois hommes de main. L’assassinat a été commandité par l’épouse, Marinette Dikoum et l’amant de celle-ci, Ambang Mbadje. Crime crapuleux s’il en est, mais peut-être une simple affaire de mœurs "au quartier" ? Voire. Les exécuteurs déclarent qu’ils ont "reçu des ordres". Du coup, les vagues de ce crime menacent de faire tanguer le Palais présidentiel d’Etoudi. Il faut préciser que nous sommes en février 1983. Le Cameroun nage dans une euphorie généralisée. Il y a de l’ambiance dans les villas et dans les chaumières. En effet, après un quart de siècle de régime Ahidjo, Paul Biya vient d’accéder au pouvoir. Il entame tout de suite une tournée triomphale à travers les provinces du pays. Etat de grâce. Le nouveau président a une cote très favorable au sein de l’opinion publique : technocrate aux mains propres, père tranquille, discret, et excusez du peu, bel homme… Mais il n’est pas encore très connu, et quelques esprits malins trouvent là une occasion de se faire mousser au cours des conversations dans les journaux, en attribuant au nouveau président des qualités, des défauts, des parentés, des ennemis, des amis, etc. Occasion pour tout un chacun de se positionner dans les réseaux du nouveau pouvoir, au besoin en effaçant un conçurent.

Dikoum Minyem est certes un cadre de banque avec une position très en vue. Mais, comme il sera vérifié dans la suite de " l’affaire ", il n’est en rien engagé dans les batailles et les enjeux des cercles et des réseaux qui sont en train de se mettre en place en ce début 1983.

(…) L’affaire Dikoum a marqué l’opinion publique camerounaise en ébranlant un certain nombre de valeurs. C’est le genre de circonstances où la société est bousculée à la nuque pour qu’elle se regarde dans un miroir. L’adultère n’est pas un sujet qu’il fait bon évoquer sur la place publique. Au risque de déclencher la violence extrême et la psychose.

Justement. Les lecteurs de Cameroon Tribune de ces mois de février et mars 1983, suivent avec ahurissement les échos de cette psychose à travers le pays, au jour le jour. Citons quelques manchettes : "Lekié, crime à Etam Kouma : un mari exécuté par son épouse à coups de machette" (06/4). " Drame à Etoudi. Elle blesse mortellement son mari " (08/3).

Dans la nuit on apprend que, " selon un neveu, une semaine avant l’accident, Madame Elé avait suivi son mari dans un bar et au cours d’une dispute qui s’était déclenchée dans ce bistrot, Madame Elé avait dit publiquement à son mari que : pour aller jeter le corps de son mari dans la Sanaga, Madame Dikoum avait utilisé une voiture de luxe. Quant à Monsieur Elé, son corps serait transporté dans une camionnette opep ".

(…) Dans la catégorie crimes passionnels, crimes politiques, crimes mafieux, voici un crime estampillé du label Cameroun.
Il débute certes comme un mauvais feuilleton. Le 29 février 1983, Dikoum Minyem rentre dans sa villa au lieu dit Carrefour des carreaux, un quartier chic dans les parages de l’ancien aéroport, au sud de Yaoundé. Juste un verre de lait, quelques gentillesses aux enfants et à Madame, et Monsieur Dikoum passe dans la chambre pour se mettre au lit. Madame Dikoum est assise au salon pour achever la lecture d’un ouvrage récemment publié. Elle a reçu dans l’après-midi trois exécuteurs : Mpouli, Ndzana, Ombouté. Elle les a drogués au whisky et les a dissimulés dans la cuisine. Puis, accueillant son mari, elle lui a offert un verre de lait dans lequel elle a mis un somnifère. Les trois hommes de mains n’ont aucune peine à massacrer Monsieur Dikoum dans son lit. Ce dernier a-t-il tenté de se défendre ? La scène s’achève par un bain de sang. Le corps de Dikoum Minyem est promptement chargé dans la malle arrière de son véhicule. Il faut faire vite. Marinette Dikoum prend elle-même le volant.

(…) Fatalement, conformément à la loi du genre : un crime n’est jamais parfait. Le chef de brigade de la Police judiciaire du Centre-Sud, Bitnkou Clément, et l’inspecteur Seg Seg mènent l’enquête dès le lendemain. Les premiers indices tombent : le boy déclare que les draps et la baignoire étaient ensanglantés quand il est arrivé au travail le matin. La coiffeuse interrogée affirme avoir été intriguée par la coiffure très poussiéreuse de Madame Dikoum. Le barman de Sa’a a vu les photos des " appels au public" et des " wanted ", diffusés à la Une de Cameroon Tribune. Et il a reconnu ses clients de minuit de l’autre jour. Suffisant pour que Marinette Dikoum passe aux aveux. Il faut à présent pêcher le corps perdu au fond du fleuve. La hiérarchie politique et policière traite cette mauvaise affaire avec diligence. Il s’avère nécessaire d’adjoindre la compétence de l’armée à celle de la police. Une brigade des hommes-grenouilles des forces navales, basée à Douala, est mise en mission spéciale. Le cadavre est repêché après trois jours. Deux des exécuteurs et Marinette Dikoum sont arrêtés. Ambang Mbadje, l’amant magnifique, est cette fois-ci un banal lâcheur. Il a entre-temps passé la frontière en compagnie de l’un des exécuteurs, Jean-Pierre Omboute. Ils seront arrêtés huit semaines plus tard, en République Centrafricaine, et extradés.

Pas d’intrigue compliquée, une enquête promptement menée. Mais quelle intensité dans le drame ! Drame des tabous violés, des histoires qui s’écoulent, des infidélités. Et pour faire rebondir le feuilleton, des scènes poignantes : le retour de M. Dikoum après une longue journée de travail, dans une maison désormais piégée, la folle expédition vers le Pont de l’Enfance, l’escale d’Emana pour récupérer l’amant, le pot de la victoire dans le bar de Sa’a, les gros plans de l’inhumation au village Sepp (arrondissement de Makak).

Plus que les scènes, ce sont les personnages qui sont intéressants : le couple de bourgeois, l’amant militaire, les trois exécuteurs, la police, la coiffeuse, le domestique, le barman et un " cinquième cavalier ", la presse. Comme dans un film de Alfred Hitchcock, des personnages très typés, peu suspects de mener une double vie. Et pourtant…

Marinette Dikoum est épouse, mère, et d’abord femme. Frêle, menue, elle n’a rien en apparence d’une femme fatale. Sa référence sociale de professeur de lycée fait partie du jeu. Après avoir caché les trois exécuteurs, elle s’est mise à lire un traité de sociologie, en attendant que les assassins achèvent son mari. Interrogée par la police et par la presse, elle déclare que le mobile de son acte est une discorde ancienne entre son époux et elle. Celui-ci, dit-elle, avait une maîtresse avec qui il a dilapidé l’argent de la famille (31 millions) et a qui il a fait un enfant.

Et l’amant Ambang Mbadje au cœur de la perfidie ? La châtelaine a laissé libre cours à ses fantasmes. Alors c’est le chouan est allé conquérir le cœur de la reine ? La "solution finale " appliquée à Monsieur Dikoum, devait favoriser le mariage des deux amoureux. Acteur intéressant et très inattendu : la presse, et particulièrement le quotidien Cameroon Tribune. Il tient en haleine ses lecteurs avec le feuilleton Dikoum pendant tout le premier trimestre de 1983. Cameroon Tribune met le même enthousiasme à couvrir la tournée triomphale du tout nouveau président de la République à travers le pays, et la couverture point à point de l’affaire Dikoum. Reportages, comptes-rendus. Parfois, les mots lui manquent pour étonner les lecteurs. Il recourt à la caricature. Ça cartonne avec 44 articles, et ça y va avec des images en vraie couleur. Le prude et très réservé Grand quotidien national se laisse aller à la tentation diabolique de la Yellow Press, la presse à sensation !

" Nos lecteurs retrouveront dans notre édition de demain le récit de cette découverte macabre et la descente à la morgue " (Cameroon Tribune 08.02.1983).
" Même s’ils n’en disent rien et n’en laissent rien paraître, les époux n’en pensent pas moins qu’ils auraient pu ou pourraient connaître à l’avenir le même sort que Monsieur Dikoum Minyem " (Cameroon Tribune 02.02.1983).
Sous les plumes de Ngoa Azombo, Minka Mayemi et le pinceau de Louis Marie Lemana, l’affaire Dikoum est re-dimensionnée comme psychose nationale. " Tout le monde s’interroge, l’opinion publique n’en finit pas d’être choquée… Plusieurs centaines de personnes ont envahi la cour de l’hôpital central où Madame Dikoum a été traînée pour procéder à l’identification du cadavre… Une foule survoltée, prête au lynchage… Les femmes étaient comme hystériques de rage. Trahies, bouleversées, elles hurlaient leur colère, et parlaient d’une trahison qui va ruiner la confiance au sein des ménages " (Cameroon Tribune 12.03.1983).

Le verdict du tribunal sur l’affaire Dikoum a à peine intéressé l’opinion. Le tribunal, considérant la responsabilité de mère de Marinette Dikoum, lui a évité la peine capitale et l’a condamnée à la prison à vie. Le juge a préservé le destin des enfants. Un fait est vite passé. Il ne prend pas corps comme une légende. Mais il a l’avantage d’avoir eu lieu. Celui-ci est enregistré dans l’inconscient collectif et dans la culture des Camerounais, comme le fut l’affaire Gregory Villemin ou l’affaire du Louis XIV dans la France mitterrandienne des années 1980.

L’affaire Dikoum et ses expansions (la multiplication des dikoumations ?) ne furent qu’une première série. On s’en rend compte aujourd’hui, elle en annonçait une deuxième, non plus de crimes de mœurs, mais des assassinats plus ou moins mafieux, plus ou moins inqualifiables : assassinats de prêtres, de magistrats, de hauts cadres. Encore les cercles ? Les réseaux Toujours les familles.

Alfred Hitchcock l’a vérifié dans ses films à suspens : on ne se déteste bien que dans les familles.

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Les populations de cette ville restent inconsolables après la libération de Mme Dikoum avant-hier.
G-Laurentine Assiga à Mfou


Nkomo Entout cas, après s’être fait rattraper par les gendarmes vendredi dernier, dame Dikoum est conduite dans les locaux de la brigade de Nkomo située non loin du lieu de son interpellation. Plus tard, elle a été transférée au parquet de Mfou. Joint au téléphone samedi dernier par Mutations, le commandant de la brigade de gendarmerie de Nkomo n’a pas souhaité faire de déclaration. Une source anonyme proche de cette unité de gendarmerie a confirmé l’interpellation suivie du transfert de Mme Dikoum à Mfou : " Le procureur de la république de Mfou a donné l’ordre de l’interpeller et nous n’avons fait qu’exécuter cet ordre ". Au téléphone samedi dernier, le régisseur de la prison de Mfou a pour sa part affirmé être en déplacement à Dschang dans la province de l’Ouest " pour un deuil ". En conséquence, il s’est abstenu de faire tout commentaire. Quant à Me Jean Atangana Kama, avocat basé à Mfou et bien connu comme conseil de Marinette Ndomè Dikoum, il a observé la même réserve. " On m’a appelé vendredi dernier pour m’annoncer ce à quoi vous faites allusion. J’ignore pour quel motif elle a été arrêtée. Elle a pourtant récemment été libérée de manière solennelle ", a-t-il fait observer hier matin au téléphone. Dans son édition du 19 janvier dernier, le quotidien Mutations faisait remarquer que Marinette Dikoum avait été " libérée dans un relatif secret " le 16 janvier 2007, cest-à-dire trois jours plus tôt. En effet, elle a définitivement quitté le local n°1, qu’elle occupait avec deux autres jeunes femmes à la prison de Mfou, mardi 16 janvier dernier. A 55 ans, celle qui fut condamnée à la prison à vie pour avoir participé activement, le 28 janvier 1983, à l’assassinat de son mari, Vincent Dikoum Minyem, alors directeur Administratif et Financier à la Cameroon Bank, recouvrait ainsi la liberté après 24 ans de prison. A sa sortie du pénitencier, elle confiait à nos confrères de Cameroon tribune, un brin provocante, " J’ai quelqu’un qui m’attend dehors". Mais surtout, elle se présentait comme une ambassadrice des sans-voix, " de ceux qui n´avaient pas la force de prendre soins d´eux-mêmes ".========================================== les motifs ”, indique le directeur de l’administration pénitentiaire du ministère de la Justice joint au téléphone. Au parquet de Yaoundé, des magistrats n’hésitent pas de commenter cette nouvelle descente aux enfers. “ Il semble qu’elle avait bénéficié d’une grâce présidentielle alors qu’elle ne le devrait pas. Il y a une catégorie de délits dont les auteurs ne peuvent pas être concernés par la grâce du chef de l’Etat. Il s’agit par exemple des détourneurs de deniers publics dont les montants ont atteint un certain chiffre et des criminels. Si c’est effectivement pour cela qu’on la reprend, il s’agirait-là d’une omission très grave en ce sens qu’elle pouvait encore commettre une gaffe avant la date de sa nouvelle interpellation ”, indique une source sous le couvert de l’anonymat. Seulement, des avocats estiment que Mme Dikoum ne devrait plus être interpellée, en vertu de la non rétroactivité de la loi. “ Mme Dikoum a été libérée avant le 1er janvier, date d’entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale. Si c’est en vertu de ce code que le procureur l’a reprise, encore faut-il le vérifier dans les textes, c’est qu’il s’agit d’une interpellation illégale ”, explique un avocat au barreau du Cameroun. Par Joseph Flavien KANKEU
===========================================Après 24 ans de prisonCelle qui fut convaincue d’avoir assassiné son mari en 1983 a été libérée dans un relatif secret mardi dernier à la prison de Mfou. Son retour à la liberté va raviver des passions, surtout à la lecture du récit de la tragédie. Au moment où ses anciens " voisins " de prison célèbrent ses vertus, elle ne manque pas de projets d’avenir.Daniel Anicet Noah Publié dans Mutations, édition spéciale du 31 octobre 1996 Un quartier résidentiel dont le nom frappe l’imagination. Le "carrefour des carreaux", une villa cossue, sous le feuillage. Une famille bourgeoise menant une vie sans éclats de voix : Monsieur Dikoum Minyem est cadre de banque, directeur général de la Cambank, et Madame Marinette Dikoum Ndomè est diplômée de sociologie, professeur de lycée. Le couplé élève trois enfants en bas âge.Subitement éclate, comme un éclair dans le ciel, la déchirure. Dikoum Minyem est étranglé dans son lit, par trois hommes de main. L’assassinat a été commandité par l’épouse, Marinette Dikoum et l’amant de celle-ci, Ambang Mbadje. Crime crapuleux s’il en est, mais peut-être une simple affaire de mœurs "au quartier" ? Voire. Les exécuteurs déclarent qu’ils ont "reçu des ordres". Du coup, les vagues de ce crime menacent de faire tanguer le Palais présidentiel d’Etoudi. Il faut préciser que nous sommes en février 1983. Le Cameroun nage dans une euphorie généralisée. Il y a de l’ambiance dans les villas et dans les chaumières. En effet, après un quart de siècle de régime Ahidjo, Paul Biya vient d’accéder au pouvoir. Il entame tout de suite une tournée triomphale à travers les provinces du pays. Etat de grâce. Le nouveau président a une cote très favorable au sein de l’opinion publique : technocrate aux mains propres, père tranquille, discret, et excusez du peu, bel homme… Mais il n’est pas encore très connu, et quelques esprits malins trouvent là une occasion de se faire mousser au cours des conversations dans les journaux, en attribuant au nouveau président des qualités, des défauts, des parentés, des ennemis, des amis, etc. Occasion pour tout un chacun de se positionner dans les réseaux du nouveau pouvoir, au besoin en effaçant un conçurent.Dikoum Minyem est certes un cadre de banque avec une position très en vue. Mais, comme il sera vérifié dans la suite de " l’affaire ", il n’est en rien engagé dans les batailles et les enjeux des cercles et des réseaux qui sont en train de se mettre en place en ce début 1983.(…) L’affaire Dikoum a marqué l’opinion publique camerounaise en ébranlant un certain nombre de valeurs. C’est le genre de circonstances où la société est bousculée à la nuque pour qu’elle se regarde dans un miroir. L’adultère n’est pas un sujet qu’il fait bon évoquer sur la place publique. Au risque de déclencher la violence extrême et la psychose.Justement. Les lecteurs de Cameroon Tribune de ces mois de février et mars 1983, suivent avec ahurissement les échos de cette psychose à travers le pays, au jour le jour. Citons quelques manchettes : "Lekié, crime à Etam Kouma : un mari exécuté par son épouse à coups de machette" (06/4). " Drame à Etoudi. Elle blesse mortellement son mari " (08/3).Dans la nuit on apprend que, " selon un neveu, une semaine avant l’accident, Madame Elé avait suivi son mari dans un bar et au cours d’une dispute qui s’était déclenchée dans ce bistrot, Madame Elé avait dit publiquement à son mari que : pour aller jeter le corps de son mari dans la Sanaga, Madame Dikoum avait utilisé une voiture de luxe. Quant à Monsieur Elé, son corps serait transporté dans une camionnette opep ".(…) Dans la catégorie crimes passionnels, crimes politiques, crimes mafieux, voici un crime estampillé du label Cameroun.Il débute certes comme un mauvais feuilleton. Le 29 février 1983, Dikoum Minyem rentre dans sa villa au lieu dit Carrefour des carreaux, un quartier chic dans les parages de l’ancien aéroport, au sud de Yaoundé. Juste un verre de lait, quelques gentillesses aux enfants et à Madame, et Monsieur Dikoum passe dans la chambre pour se mettre au lit. Madame Dikoum est assise au salon pour achever la lecture d’un ouvrage récemment publié. Elle a reçu dans l’après-midi trois exécuteurs : Mpouli, Ndzana, Ombouté. Elle les a drogués au whisky et les a dissimulés dans la cuisine. Puis, accueillant son mari, elle lui a offert un verre de lait dans lequel elle a mis un somnifère. Les trois hommes de mains n’ont aucune peine à massacrer Monsieur Dikoum dans son lit. Ce dernier a-t-il tenté de se défendre ? La scène s’achève par un bain de sang. Le corps de Dikoum Minyem est promptement chargé dans la malle arrière de son véhicule. Il faut faire vite. Marinette Dikoum prend elle-même le volant. (…) Fatalement, conformément à la loi du genre : un crime n’est jamais parfait. Le chef de brigade de la Police judiciaire du Centre-Sud, Bitnkou Clément, et l’inspecteur Seg Seg mènent l’enquête dès le lendemain. Les premiers indices tombent : le boy déclare que les draps et la baignoire étaient ensanglantés quand il est arrivé au travail le matin. La coiffeuse interrogée affirme avoir été intriguée par la coiffure très poussiéreuse de Madame Dikoum. Le barman de Sa’a a vu les photos des " appels au public" et des " wanted ", diffusés à la Une de Cameroon Tribune. Et il a reconnu ses clients de minuit de l’autre jour. Suffisant pour que Marinette Dikoum passe aux aveux. Il faut à présent pêcher le corps perdu au fond du fleuve. La hiérarchie politique et policière traite cette mauvaise affaire avec diligence. Il s’avère nécessaire d’adjoindre la compétence de l’armée à celle de la police. Une brigade des hommes-grenouilles des forces navales, basée à Douala, est mise en mission spéciale. Le cadavre est repêché après trois jours. Deux des exécuteurs et Marinette Dikoum sont arrêtés. Ambang Mbadje, l’amant magnifique, est cette fois-ci un banal lâcheur. Il a entre-temps passé la frontière en compagnie de l’un des exécuteurs, Jean-Pierre Omboute. Ils seront arrêtés huit semaines plus tard, en République Centrafricaine, et extradés.Pas d’intrigue compliquée, une enquête promptement menée. Mais quelle intensité dans le drame ! Drame des tabous violés, des histoires qui s’écoulent, des infidélités. Et pour faire rebondir le feuilleton, des scènes poignantes : le retour de M. Dikoum après une longue journée de travail, dans une maison désormais piégée, la folle expédition vers le Pont de l’Enfance, l’escale d’Emana pour récupérer l’amant, le pot de la victoire dans le bar de Sa’a, les gros plans de l’inhumation au village Sepp (arrondissement de Makak).Plus que les scènes, ce sont les personnages qui sont intéressants : le couple de bourgeois, l’amant militaire, les trois exécuteurs, la police, la coiffeuse, le domestique, le barman et un " cinquième cavalier ", la presse. Comme dans un film de Alfred Hitchcock, des personnages très typés, peu suspects de mener une double vie. Et pourtant…Marinette Dikoum est épouse, mère, et d’abord femme. Frêle, menue, elle n’a rien en apparence d’une femme fatale. Sa référence sociale de professeur de lycée fait partie du jeu. Après avoir caché les trois exécuteurs, elle s’est mise à lire un traité de sociologie, en attendant que les assassins achèvent son mari. Interrogée par la police et par la presse, elle déclare que le mobile de son acte est une discorde ancienne entre son époux et elle. Celui-ci, dit-elle, avait une maîtresse avec qui il a dilapidé l’argent de la famille (31 millions) et a qui il a fait un enfant.Et l’amant Ambang Mbadje au cœur de la perfidie ? La châtelaine a laissé libre cours à ses fantasmes. Alors c’est le chouan est allé conquérir le cœur de la reine ? La "solution finale " appliquée à Monsieur Dikoum, devait favoriser le mariage des deux amoureux. Acteur intéressant et très inattendu : la presse, et particulièrement le quotidien Cameroon Tribune. Il tient en haleine ses lecteurs avec le feuilleton Dikoum pendant tout le premier trimestre de 1983. Cameroon Tribune met le même enthousiasme à couvrir la tournée triomphale du tout nouveau président de la République à travers le pays, et la couverture point à point de l’affaire Dikoum. Reportages, comptes-rendus. Parfois, les mots lui manquent pour étonner les lecteurs. Il recourt à la caricature. Ça cartonne avec 44 articles, et ça y va avec des images en vraie couleur. Le prude et très réservé Grand quotidien national se laisse aller à la tentation diabolique de la Yellow Press, la presse à sensation !" Nos lecteurs retrouveront dans notre édition de demain le récit de cette découverte macabre et la descente à la morgue " (Cameroon Tribune 08.02.1983)." Même s’ils n’en disent rien et n’en laissent rien paraître, les époux n’en pensent pas moins qu’ils auraient pu ou pourraient connaître à l’avenir le même sort que Monsieur Dikoum Minyem " (Cameroon Tribune 02.02.1983).Sous les plumes de Ngoa Azombo, Minka Mayemi et le pinceau de Louis Marie Lemana, l’affaire Dikoum est re-dimensionnée comme psychose nationale. " Tout le monde s’interroge, l’opinion publique n’en finit pas d’être choquée… Plusieurs centaines de personnes ont envahi la cour de l’hôpital central où Madame Dikoum a été traînée pour procéder à l’identification du cadavre… Une foule survoltée, prête au lynchage… Les femmes étaient comme hystériques de rage. Trahies, bouleversées, elles hurlaient leur colère, et parlaient d’une trahison qui va ruiner la confiance au sein des ménages " (Cameroon Tribune 12.03.1983).Le verdict du tribunal sur l’affaire Dikoum a à peine intéressé l’opinion. Le tribunal, considérant la responsabilité de mère de Marinette Dikoum, lui a évité la peine capitale et l’a condamnée à la prison à vie. Le juge a préservé le destin des enfants. Un fait est vite passé. Il ne prend pas corps comme une légende. Mais il a l’avantage d’avoir eu lieu. Celui-ci est enregistré dans l’inconscient collectif et dans la culture des Camerounais, comme le fut l’affaire Gregory Villemin ou l’affaire du Louis XIV dans la France mitterrandienne des années 1980.L’affaire Dikoum et ses expansions (la multiplication des dikoumations ?) ne furent qu’une première série. On s’en rend compte aujourd’hui, elle en annonçait une deuxième, non plus de crimes de mœurs, mais des assassinats plus ou moins mafieux, plus ou moins inqualifiables : assassinats de prêtres, de magistrats, de hauts cadres. Encore les cercles ? Les réseaux Toujours les familles.Alfred Hitchcock l’a vérifié dans ses films à suspens : on ne se déteste bien que dans les familles.=====================


On aurait dit qu’ils voulaient qu’elle reste éternellement détenue à la prison de Mfou. Qu’elle ne les quitte pas un jour. Les prisonniers de ce pénitencier redoutaient cette échéance, même si, par les multiples "grâces du chef de l’Etat", ils savaient que ce jour finirait par arriver. Mais pas aussi vite. Mme Dikoum a définitivement quitté le local n°1, qu’elle occupait avec deux autres jeunes femmes, à la prison de Mfou avant-hier, mardi 16 janvier 2007.
C’est que " la maman ", comme on l’appelle affectueusement ici, a marqué les esprits. Aussi bien des gardiens de prisons que des autres détenus. Mme Mbah née Mbolo Tabi, est intendant de prison. Elle est affectée à la prison principale de Mfou au moment où ce pénitencier accueille la plus célèbre des détenus.

" Mme Dikoum est arrivée ici en 1983. Pour nous, elle était devenue une mère. Que ce soit pour le personnel ou pour les prisonniers, c’est elle qui savait nous réunir. Quand nous avions des problèmes, elle nous donnait des conseils. Elle nous quitte aujourd’hui à regret ", confie l’intendante de prison.
La première nuit sans Mme Dikoum au local n°1 a été très longue pour ses co-détenues. Annie Etoundi, qui était presque sa "petite-fille", n’a pas cessé de pleurer. La jeune fille de 26 ans, en détention préventive à la prison de Mfou depuis 3 ans en est toujours émue quand le reporter de Mutations la sollicite hier à 15h30 pour son témoignage. Elle s’assied affectueusement sur le rebord du lit autrefois occupé par sa "grand-mère".
"J’ai investi les lieux", confie-t-elle en souriant. " Même si elle me déchire le cœur, sa libération est un signe d’espoir pour moi qui, depuis trois ans, n’aie encore eu la chance d’être appelée au tribunal.

Elle disait toujours qu’il faut garder espoir et reconnaître ses fautes pour mieux repartir dans la vie. Je crois aujourd’hui qu’elle avait raison ", ajoute-t-elle. C’est Mme Dikoum qui les réveille chaque jour à 5h30 avant l’ouverture des locaux qui survient à 6h30.
À trois, elles confient leur journée et leur vie à Dieu par la prière et des cantiques religieux avant une séance de gymnastique. " Elle était très exigeante sur l’entretien du corps. C’est une femme qui chouchoute son corps et s’habille avec grâce et style. Personnellement, elle me conseillait spirituellement et me soutenait aussi financièrement ", indique Annie Etoundi, en contemplant le local vidé de son poste de téléviseur.

Absolution
La nuit a été silencieuse, bien silencieuse. Vers 5h du matin ce mercredi 17 janvier 2007, l’une des co-détenues entonne un cantique de louanges. La mélodie langoureuse arrache des cris de douleur à Annie qui se remet à pleurer. " Elle me manque trop. C’est très dur ", avoue-t-elle. La jeune femme préfère prier seule dans son lit. Elle ne sait pas qui peut encore diriger la prière en l’absence de Mme Dikoum.
La réputation de Mme Dikoum à Mfou s’est établie au fil des 23 ans passés dans ce pénitencier qui compte aujourd’hui un effectif de 262 prisonniers. " Nous avons réussi à lui pardonner ce d’autant plus qu’elle regrettait elle-même son acte. C’était crapuleux, personne ne le nie. Mais grâce à elle, nous avons appris ce que c’est qu’aimer son prochain ", avoue une autre détenue. Ce qui semble expliquer, selon cette dernière, sa désignation comme chef des prisonniers.
Mme Dikoum avait la confiance de tous. A l’hôpital de district de Mfou où elle accompagnait régulièrement les détenus malades, l’on garde d’elle le souvenir d’une " dame gentille et serviable ". Elle s’y rendait d’ailleurs libre, sans escorte comme dans les premières années de sa détention. Idem quand elle se rendait tous les matins au jardin de la prison, à l’extérieur du bagne.

Situé en contrebas de la prison principale de Mfou, le jardin semble lui aussi faire le deuil. Quelques tiges de légumes " restent encore debout " comme pour conjurer le sort au moment où le soleil ardent de cette fin de journée jaunit les dernières feuilles d’un plant de maïs. Le garde prisonnier qui nous sert de guide se souvient, avec beaucoup de fierté dans la voix, que " la récolte a été abondante au mois de juillet et a permis de nourrir toute la prison ". " Ici, nous lui avons appris à manier la houe, chose qu’elle ne savait pas faire avant son arrivée", confie Mme Mbah.
Le chef de quartier de Mfou I, Engelbert Ndi, fait partie de ceux qui émettent des réserves sur cette libération. Préférant se fier à la justice divine, il n’arrive toujours pas à comprendre les mobiles de Mme Dikoum lors de l’assassinat de son époux. Le régisseur de la prison principale de Mfou, souhaite qu’elle soit réintégrée dans la société. Charles Ateba Eyene, le président du club étique et auteur du livre " Affaire Dikoum, entretien avec les accusés ", estime que la tristement célèbre " Mme Dikoum a payé sa faute et qu’elle mériterait le pardon des Camerounais ". D’ailleurs par sa libération, " le Cameroun confirme son statut d’Etat de droit ", précise cet habitant de la ville de Mfou, située à 24 Km de Yaoundé, quoique pour certains membres de sa belle famille, la libération ravive une blessure qui a bien du mal à se cicatriser.


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A 55 ans, dont 24 passés en prison, la pédagogue conserve sa grâce.
Junior Binyam


Sa mise, telle qu’on peut l’apercevoir dans les photos publiées par notre confrère Cameroon Tribune dans son édition d’hier, démontre bien que pendant ses 24 années de détention, elle a suivi l’actualité de la mode et des tendances vestimentaires en vigueur. Même du fond de sa cellule, Marinette Ndome Dinde, de son nom de jeune fille, est restée "tendance" avec ce blue-jean "destroy", comme le désigne les jeunes parce que volontairement et passablement déchiré. Moulant, ce pantalon à l’avantage de restituer, vue de face, ces formes et cette grâce qui ont fait que très tôt, la jeune fille de Madeleine Missé Missé soit une proie pour la gent masculine.

A peine sortie de l’adolescence, elle avait déjà fait l’expérience des douleurs de l’enfantement après avoir été séduite "dans les années 1968-1969" par quelqu’un qui est officier général de l’armée camerounaise aujourd’hui. A l’époque, de l’aveu même de sa conquête, c’était un "jeune lieutenant en service à Bafang (…) beau garçon, très cultivé et un peu vantard". Marinette savait donc déjà regarder les hommes et avait conscience de son physique avantageux. Une assurance qu’elle ne semble pas avoir perdue, ce d’autant plus qu’à 55 ans, elle parvient encore à accrocher le regard et attiser des convoitises…
Dans ses premières déclarations de femme libre à Cameroon Tribune, Marinette Dikoum affirme sans ambages "oui, j’ai quelqu’un qui m’attends dehors". Elle qui a bénéficié des bienfaits du métissage (son géniteur était un antillais). A la question de savoir si elle se sentait belle, Marinette Dikoum répond sourire en coin dans l’ouvrage de Charles Ateba Eyene paru en 2004, "Affaire Dikoum. Entretien avec les accusés", "je pense en réalité que Dieu m’avait comblé d’une certaine manière. Il m’a permis d’avoir des formes harmonisées et une matière grise fiable."

Celle que l’assassinat de son époux va rendre tristement célèbre, a effectivement eu une scolarité correcte malgré les multiples sollicitations dont elle n’a cessé d’être l’objet de la part de nombreux soupirants. Né le 9 septembre 1952 à Dibombari, elle fait ses études primaires dans ce bled situé dans le département du Moungo dont est originaire sa mère, une infirmière. Ses études secondaires elles les entame au collège Alfred Saker à Douala et les achève en 1970 au collège Montaigne en France. Après la naissance de son 1er enfant, elle devient, contre son gré, l’épouse d’un certain "John" qui de passage à Douala pour ses vacances va décider de ramener avec lui en France cette perle.
C’est cet homme qu’elle n’aimait pas et avec qui elle a fait son 2e enfant, qu’elle va quitter pour Vincent Dikoum Minyem. Ils se marient à SAint-Denis dans la banlieue parisienne en 1972. Elle mène des études supérieures sanctionnées par une maîtrise en sciences de l’Education. De cette union naîtront trois enfants, auxquels leur père, directeur administratif et financier à la Cameroon Bank, sera arraché le 23 janvier 1983 à la suite d’un crime crapuleux auquel leur mère a pris une part plus qu’active.

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Marinette Dikoum - "J´ai quelqu´un qui m´attend"

Cameroon Tribune (Yaoundé)
INTERVIEW
17 Janvier 2007
Publié sur le web le 17 Janvier 2007

By JNM


Aussitôt libérée de prison, Marinette Dikoum s´est confiée à CT.

 

Comment vous sentez-vous au moment de quitter la prison ?

 

Je ne trouve pas de mots assez forts pour exprimer l´état dans lequel je me trouve. C´est vrai que j´ai attendu ce moment. Lorsqu´on croit en Dieu, qu´on est devenu une autre créature, un enfant de Dieu, on voit les choses différemment. Quand on est enfant de Dieu, on ne vit plus dans le monde, on ne se soucie plus du " qu´en dira-t-on ". On vit selon les préceptes de Dieu. Il sait que nous ne sommes pas parfaits. Et si vous suivez à la lettre ce que Dieu vous demande, même étant en prison, vous vous sentez libre. Lorsque j´ai sauté ce pont, j´ai compris que Jésus, mort pour les pécheurs, moi en premier, m´a aimée, m´a pardonnée, parce que Dieu est amour. J´ai commencé à ne vivre que pour lui, je ne tenais plus compte de ce qui se disait autour de moi, parce que je sais que Dieu m´a pardonné.

 

On vous sent libérée, au propre comme au figuré

 

C´est surtout parce que j´ai eu le courage de demander sincèrement pardon à la nation camerounaise, à ma belle-famille, à mes enfants et même, je suis allée jusqu´à sortir un livre. Pas pour me faire de l´argent, mais pour éduquer la nation camerounaise, les femmes, les hommes, pour prévenir la jeunesse sur ce qui peut arriver un jour, leur dire que si moi je l´ai fait par ignorance, parce que j´étais jeune, alors qu´ils ne le fassent jamais. Et que, s´il y a une voie à suivre pendant que nous sommes dans notre voyage terrestre, c´est Jésus. Ce que je ressens aujourd´hui, c´est qu´il a été mon ami de tous les temps. C´est lui qui a touché ceux qui sont revenus à de bons sentiments, pour qu´enfin je sois enfin libre devant les hommes.

 

Que comptez-vous faire maintenant que vous êtes libre ?

 

Honnêtement, je ne sais pas encore. Mais durant ces vingt années passées ici, j´ai excellé dans un domaine, la charité. J´entends par cela m´occuper des gens, de ceux qui n´avaient pas la force de prendre soins d´eux-mêmes. Je suis devenue l´ambassadrice des sans-voix. J´ai excellé dans le social.

 

Allez-vous jamais remettre les pieds ici ?

 

La ville de Mfou est devenue mon second village, car j´ai été adoptée par les élites, la population de la Mefou et Afamba à qui je dis grandement merci. En aucune façon, je n´ai ressenti de l´hostilité à travers un regard, une parole durant les 23 ans passés ici. Quant à la prison, je ne saurais vivre sans elle. Une partie de moi-même s´en va, mais l´autre reste dans cette prison. Tout ce que Dieu me mettra dans la main sera sûrement pour les démunis, et pourquoi pas les prisonniers.

 

Y a-t-il quelqu´un qui vous attend hors d´ici ?

 

Heureusement que j´ai une famille formidable. N´eût été cette famille, je serais perdue. C´est cette famille qui m´a accompagnée durant ma détention, c´est elle qui a été d´un apport moral, matériel. Oui, j´ai quelqu´un qui m´attend dehors.




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Les générations actuelles ignorent presque tout de ce qui s’est passé à Yaoundé, la capitale camerounaise cette nuit du 28 janvier 1983 : l’assassinat crapuleux de Vincent Dikoum, une très haute personnalité de la République. Crime éminemment passionnel selon certains, puisqu’il est réalisé par son épouse Marinette Dikoum et des complices. Laquelle, Marinette Dikoum, prendra le soin d’attacher une pierre sur le dos de son époux avant d’aller le jeter dans la Sanaga, le plus long fleuve camerounais. l’Histoire, racontée de cette manière, est très vite perçue. Sauf les tenants et les aboutissants, les actes manqués et les regrets.
Le journaliste Charles Ateba Eyéné qui a voulu " écrire les mémoires" de Madame Dikoum, de triste célébrité, est allé l’interviewer dans sa prison de Mfou ; tout comme il a rencontré les "complices". Un véritable cocktail explosif où les concernés remettent au goût du jour ce macabre passé dans un livre publié le mois dernier.

Mais, ce livre de 274 pages, paru aux Editions Clé , ne fait pas que des heureux. "La famille" Dikoum a piqué une féroce colère et a porté plainte. Le frère aîné du défunt, Manguèlè Dikoum, révèle qu’il "existe dans le livre, des passages qui portent atteinte à la mémoire de Vincent Dikoum à l’honneur de la famille survivante. " Le juge de référé du Mfoundi a estimé lundi 30 Août dernier que les mesures demandées par les plaignants, étant de portée définitive, excédaient ses compétences. Le juge de référé qui statue sur le provisoire, a donc demandé aux deux parties de se pourvoir au mieux.

Pour l’avocat de la partie civile, Me Ngann Superman, "nous comptons saisir le juge à nouveau pour mettre un terme à cette autre voie de fait". Pour cela, deux hypothèses sont possibles au cas où la partie civile "gagne" le procès : soit le livre est retiré des kiosques, soit il est délesté des extraits incriminés. Dans le camp des accusés, c’est plutôt la sérénité. La plupart des personnes interrogées pensent qu’il s’agit là d’un coup porté à la liberté d’expression, que de rapporter les faits collectés et recoupés auprès des anonymes. Des sources bien informées indiquent qu’il n’y a pas d’unanimité dans la famille Dikoum, autour de la plainte contre l’auteur de l’ouvrage.


04/06/2017
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