Marchés publics: Abba Sadou installe ses réseaux mafieux et tribaux
Ils font la pluie et le beau temps. Tout y passe : corruption et affairisme se côtoient à merveille.
Abba Sadou a décidé, lui aussi, de placer ses pions. Pour cela, le ministre délégué à la présidence en charge des Marchés publics (Minmap) n’hésite pas à confier des postes stratégiques à ses hommes de main.
Ainsi, sur les 10 délégués régionaux nommés, 7 sont du septentrion et presque tous les responsables départementaux sont de la même aire géographique que le maître des lieux.
Le Minmap imprime aussi ses marques au niveau des services et autres directions, où au moins la moitié des directeurs des services centraux et assimilés sont originaires du Grand-Nord. Et cette approche n’est pas innocente. En effet, dans le souci de mieux se sucrer en sécurité, le Minmap s’est entouré d’affidés qui, non seulement écument les entreprises et bureaux d’études, en son nom et pour son compte, mais aussi sont muets comme des carpes : les petits secrets doivent rester dans la famille…
C’est dans ce sens, précisent nos sources, que les directions et les services, parmi les plus stratégiques et juteux, sont régentés par des rabatteurs à l’instar de Mohamadou Bassirou, le chef de cellule du contentieux et des recours. Représentant du Minmap à la commission interne de passation des marchés à Aéroports du Cameroun (Adc), on a vu comment l’homme a manœuvré pour favoriser l’entreprise privée Merdolf, lors du dépouillement des offres relatives la construction de la clôture du siège de la direction générale de cette société publique. Des cas de cet acabit ne se comptent pas.
Grenier à sous. Dans ces mêmes réseaux, s’active le directeur général des contrôles des marchés publics, Bella Yerima. Dans les couloirs de ce service, il se murmure très fortement que le budget à lui alloué est rapidement orienté vers des destinations autres que celle liée à la veille sur les infrastructures publiques.
L’écume des chuchotements laisse fuiter que le patron des Marchés publics a, avec son directeur général des contrôles des marchés publics, instauré un contrôle administratif en lieu et place des contrôles physiques prévus par la charte de vérification des édifices publics. Ainsi, faute de moyens financiers, les contrôleurs ne font aucune descente physique sur le terrain afin de vérifier l’effectivité de l’exécution des travaux selon les normes. C’est que les contrôles voulus par Abba Sadou et Bella Yerima se font administrativement, au bureau, assis. Résultat des courses, quand ce n’est pas le bâtiment qui passe à la trappe, c’est la route qui n’est pas construite ou bricolée, etc.
Bip. Dans le système Abba Sadou, on retrouve en bonne place le directeur des affaires générales (Dag), Aliou Dewa. Pour espérer être mis en mission, le postulant doit lui dérouler le tapis rouge. Cela signifie des acrobaties financières dont la meilleure partie revient à l’ordonnateur, et possiblement à sa hiérarchie.
Dans le même sillage, il se raconte avec insistance une autre histoire ayant trait à la mise en place de comités fictifs qui excellent dans le double emploi. Le stratagème veut ainsi que certains affidés viennent émarger pour un travail déjà effectué dans un comité créé pour la cause par le Dag, alors qu’ils sont rémunérés pour la même prestation. Et c’est comme cela, confient nos sources, qu’Aliou Dewa obtient des justificatifs après le tarissement rapide de certaines lignes de crédits. Et comme il faut des preuves, les deux larrons en concoctent.
Voilà donc comment le clan Abba Sadou compromet la réalisation des infrastructures majeures pour le développement du Cameroun. Et tant pis pour les «grandes réalisations», si chères au chef de l’Etat. Au feu, l’émergence à l’horizon 2035. On comprend aisément pourquoi, lors de son discours du 31 décembre 2013, le président Biya avait fustigé la faible consommation du Bip (Budget d’investissement public). Ce constat demeure d’une cruelle actualité, mettant en évidence les pratiques les plus abjectes d’Abba Sadou qui, par là même, trahit la confiance de celui qui l’a promu au poste de ministre et proche collaborateur.
Mamouda Labaran