Marche du 09 Février: le crépuscule du régime Biya ?

Source: Cameroonvoice 21 01 2019

 

En mai 2018, les Etats-Unis ont conseillé à Paul Biya de « réfléchir à son héritage »

 

Le 26 Octobre 2018 Christian Penda Ekoka membre de la coalition ayant soutenu Maurice Kamto lors de la dernière élection présidentielle déclarait dans l'émission Le Débat BBC Afrique – Africa n°1 « Nous avons atteint le point de basculement ». Président du mouvement Agir et ex-conseiller démissionnaire de Paul Biya, il évoquait le point de basculement pour expliquer le rapport de force entre le régime Biya qualifié d'usurpateur et la volonté populaire à travers la coalition amenée par Maurice Kamto.

A l'origine c'était le NON au Hold-up électoral, aujourd'hui c'est le Biya must Go.

Le 12 et 13 Janvier 2019 se tenait à Berlin une conférence historique sur le Cameroun, la diaspora camerounaise des différents coins du monde se réunissaient pour définir la feuille de route de la révolutionne. Si les grandes lignes des résolutions sont connues, dans le fond, l'on ignore les détails. Pour la première fois, les pontes du régime Biya sont devenues les cibles des Camerounais de la diaspora. Paul Biya n'est pas allé en Suisse depuis plusieurs mois.


Que ce soit dans le lobbying auprès des organisations internationales où dans les mobilisations de masses en occident, la diaspora camerounaise a pris le relais d'un combat qui a démarré le 07 Octobre 2018 dans les bureaux de votes lors des dépouillements. Quatre pays se sont prononcés au conseil de sécurité de l'Onu sur la violation des droits de l'homme au Cameroun, 11 senateurs américains et les organisations internationales des droits de l'homme ont désormais le regard tourné vers le Cameroun. Ce fut la première victoire du peuple contre le régime.

Fait curieux, cette diaspora résistante, tout comme la branche radicale anti Biya incarnée par Patrice Nganang et Brice Nitcheu ont fait allégeance à Maurice Kamto, le candidat des forces de l'alternance par les urnes lors de la dernière élection présidentielle.

« Maurice Kamto est devenu un symbole de la résistance contre le régime Biya »,  explique Epaphrase Hol, porte-parole du mouvement "C'est le Moment".

Le 06 Janvier 2019, dans une tribune d'Albert Dzongang, cet irréductible membre de la coalition de Kamto parlant de la dérive institutionnelle du Cameroun, a tenu à rappeler que seule la lutte va libérer le Cameroun «  Le Cameroun est au pied du mur, seul la lutte va le libérer. La répression va s'accentuer. Beaucoup parmi nous pourront périr, mais ça en vaut la peine pour notre beau pays, soyons des Paul Samba, Um Nyobe, Douala manga Bell, Ernest Ouandié et autres martyrs de l'indépendance. Notre liberté est à ce prix. Il s'agit d'une lutte de résistance PACIFIQUE, RÉPUBLICAINE »

En tournée dans la région de l'Ouest et du Littoral  le Weekend dernier, pour la première fois, Maurice Kamto a évoqué son assassinat, ce qui ferait de lui un martyr. A ce stade de son combat pour l'alternance, peut-on parler de ''Kamto Martyr'' si jamais il se faisait assassiner ?

Tsafack Romeo est enseignant de Sciences politiques en Afrique du sud il a donné son analyse sur le sujet : « Maurice Kamto en évoquant sa mort, annonce les couleurs sur ses éventuelles actions, je pense que la crise prend une nouvelle phase et qu'il aurait décidé de se jeter dans une résistance active…Les choses deviennent sérieuses ».

De retour d'Addis-Abeba, Maurice Kamto est revenu avec une proposition de l'UA pour un poste de vice-président. Kamto ne veut pas de compromis avec le régime, il a promis de ne jamais trahir son peuple qui voulait non pas le poste de premier ministre, mais la présidence de la République.

Paul Biya au pouvoir depuis 37 ans (il a prêté serment en Novembre pour un septième mandat). Officiellement il est président de la République, mais en réalité il aurait déjà cédé le pouvoir à un groupuscule d'individus ayant fait de lui leur agneau sacrificiel tel que décrit par son ancien conseiller Penda Ekoka.

« Paul Biya ne décide plus sur rien, les décrets sont signés en son nom par un groupe de personnes autour de lui »

 

, explique un membre de la société civile, un avis que semblait partager Albert Dzongang lorsqu'il disait : «  Le chef de gang a été mis en minorité et, un canon sur la tempe, a de force, reconduit ses compères. On lui a expliqué en langage facile, que le butin des ordinateurs PB et le casse du siècle CAN 2019, ont servi à arracher la victoire que le peuple a donnée à Maurice KAMTO, et que par conséquent les auteurs les plus vaillants du hold-up méritent une promotion sinon ils peuvent tout dévoiler. On sait maintenant qui gère l'épicerie Cameroun. ».

Aucun dirigeant au monde n'aurait maintenu au pouvoir si non promu des collaborateurs lui ayant fait subir la pire des humiliations à savoir le retrait de l'organisation de la CAN et les projets structurants. Paul Biya avait pris l'engament que cette compétition aurait lieu le jour dit.

Après le fiasco de la CAN ayant fait perdre des milliards de FCFA à cause de la corruption et des détournements sur les marchés de grè à gré. La dernière semaine de l'année 2018, les pontes du régime ont engagé l'Etat du Cameroun pour des 20 à 30 ans à travers des décrets donnant quitus aux multinationales d'exploiter les ressources pétrolières et gazières du pays.


Ainsi, La présidence de la République vient de céder au trader suisse l'exploitation du pétrole sur le bloc Bolongo d'une superficie d'un peu plus de 70 km2 dans le Rio del Rey , le trader suisse détient 75% des actifs, contre 25% pour la SNH, est d'une validité de 20 ans, renouvelable une seule fois, pour une période de 10 ans.

Le 17 décembre 2018, la présidence de la République signait un autre décret approuvant la cession des intérêts de Glencore dans le bloc Matanda à Gaz du Cameroun (GDC) et Afex Global, rapporte un communiqué publié par Victoria Oil and Gaz – maison-mère de GDC .Afex Global territoire britannique d'outre-mer localisé dans un archipel d'Amérique du Nord.

Le 8 janvier 2019, la présidence de la république signe un nouveau décret instituant une autorisation exclusive d'exploitation pour hydrocarbures liquides au profit de l'association Perenco Cameroon qui obtient une part de 75% et la SNH, 25% sur une superficie de 137,13 km² dans le bassin sédimentaire du Rio del Rey.

L'autorisation est valable pour une période fixée à 20 ans. A la demande de la société concernée, cette autorisation peut être renouvelée une seule fois, pour une période de 10 ans.

« Si l'on ajoute à ces contrats gaziers l'opacité autour de la gestion de Nachtigal, il est clair  que le pays est dorénavant entre les mains d'un groupe de pilleurs »,   explique Epaphrase Hol du mouvement "C'est le Moment" qui se joint à Maurice Kamto pour dire « Non au hold-up électoral, Non à la guerre fratricide dans le NOSO, Oui pour le recomptage des voix, Non au pillage des fonds dans le cadre de la CAN, Oui aux sanctions des pilleurs, Non à la transition de gré à gré entre Biya et son entourage et oui à la réforme du système électoral. ».

Une méga marche est organisée le 09 Février 2019 dans la capitale Yaoundé, Maurice Kamto a appelé à la mobilisation générale de tous les Camerounais de la capitale et d'autres régions.

 

Le succès de la méga marche du 09 Février dépend de la mobilisation du 26 Janvier. L'indignation est au maximum et ne concerne plus simplement les militants du MRC. Car au-delà des militants, il y a des dizaines de groupes de sinistrés et personnes directement impactés par la mal gouvernance.

 


Jean Michel Nitcheu est député SDF dans le Wouri. Malgré l'absence de solidarité de son parti politique, son jusqu'auboutisme portera-t-il cette fois de fruits ? Une marche pour le 23 janvier est organisée par l'honorable Nitcheu, soit quatre jours avant la marche appelée par Kamto.

Jean Michel Nitcheu a une forte capacité de mobilisation dans les quartiers Bepanda, Dakar, Village, Brazzaville. Albert Dzongang membre de la coalition a une forte capacité de mobilisation auprès des conducteurs de moto et plusieurs jeunes.

Nitcheu organise la marche du 23, la coalition de Kamto celle du 26. Contrairement à ceux qui demandaient une synchronisation de date par les leaders de l'opposition pour une seule marche, ils sont sans ignorer l'arme fatale du régime Biya qu'est la manipulation et la corruption.   « Si au soir de la première marche, un autre Momo se présente devant la télé et renonce pour la suite sous prétexte du tribalisme ou autre chose, ce sera un coup dur pour la stratégie. Pourtant, en multipliant les sorties, le peuple qui a soif de changement se sent plus interpellé. », réagit Epaphrase Hol.


La détermination du peuple qui compte manifester de manière pacifique va sans doute faire face à la répression des forces de sécurité instrumentalisées par les dirigeants civils. Jusqu'où sont-ils prêts à aller ?

Avec le regard du conseil de sécurité de l'ONU et des ONGs désormais tournés vers le Cameroun à cause de la crise anglophone, Paul Biya prendra-t-ils le risque de faire réprimander dans la violence la manifestation pacifique d'un peuple indigné ?

 

Albin Njilo

 



22/01/2019
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