Mais de quoi, de qui Marafa est-il déçu ? Du juge Schlick et du collège formé avec Elong et Noah qui viennent de prononcer sa condamnation ? Certainement. De la justice ? Il va de soi. De Biya ? Cette évocation vient ébranler la première certitude, surtout quand on sait que ces deux se livraient un combat larvé dans lequel Marafa se seraient laissé fourvoyer et distraire par un subterfuge : le mirage d’un acquittement en échange de la non-publication de nouvelles lettres embarrassantes. Déçu donc, dribblé, feinté par cette passe-simulée peu élégante de Biya, comment Marafa pourrait-il ne pas être aussi vaincu ? Compte-t-il sur l’appel interjeté devant la Cour suprême pourtant acquise à la cause de Paul Biya et dont le président est un vieil ami, connu pour son secours au maintien de l’ordre établi en proclamant des verdicts électoraux manipulés ?
D’emblée, constatons que c’est toute l’élite politique qui est embourbée dans nombres d’affaires de prévarication mais ne se retrouve pour autant pas toute devant les tribunaux. On comprend que le député Nintcheu considère « que ce verdict a été dicté depuis Etoudi », et de dénoncer « cette instrumentalisation de la justice pour des règlements de compte politiques. Marafa a eu tort de rendre publiques ses ambitions de succéder à Paul Biya. C’est cela son malheur ; par conséquence son procès est un procès politique. L’affaire de l’achat d’un avion présidentiel n’est qu’un prétexte. »
Ainsi va le Cameroun. À propos de sa justice, le Ministre délégué auprès du Garde des Sceaux fut contraint de reconnaitre devant des magistrats réunis dans un séminaire : « Par-dessus tout, l’on doute, à tort ou à raison, de son indépendance, en stigmatisant son inféodation aux différentes forces qui structurent le champ social. Pour tout dire, les justiciables n'ont pas de mots assez durs pour condamner ce qu'ils appellent tour à tour une justice arbitraire, une justice aux ordres, une justice à plusieurs vitesses, enfin, une justice-miroir. » Argumentant à profusion, Me Alice Kom illustrera ce cirque : « l’Exécutif est comme un proxénète, et la Justice sa prostituée ».
Dans le contexte des faits et tenant compte de tous ces paramètres, déclarer être ou ne pas être vaincu ne pouvait être une adresse à la seule justice qui n’était pas combattue en elle-même, bien que celle-ci soit gouvernée par une idéologie politique partisane et scélérate que Marafa ne pouvait ignorer. Il y a des raisons de croire que ce serait plus au chef de l’Exécutif que Marafa s’adresse après 17 heures de délibération, plutôt qu’au représentant de la justice qui n’a pas vocation à statuer sur l’objet détourné de l’opération Épervier, décriée comme simple alibi. Ce qui n’est pas pour disculper Marafa dont les faits accablent parfois. Ainsi cette partie de l’argent détourné, 1 millions 150 milles $US, qui se retrouve dans son compte.
Tombé en disgrâce, le mauvais joueur avait vite fait de rejeter les règles du machiavélique jeu politique qu’il venait d’utiliser contre le maire de Njombé-Penja en le faisant condamner à vie pour un motif plus discutable. Animé d’un désir parricide certes légitime en politique, il expose celui qui le révéla, son « créateur » comme le qualifie ses plus proches groupies, sur l’autel des indemnités versées par la société de maintenance sud-africaine Transnet-SAA et qui ne seront jamais reversées, ni à la Camair tombée en faillite, ni aux victimes du crash de 1995, ni « dans les caisses de l’Etat », comme tente lamentablement de faire passer M. Tchiroma. Dès lors, entre les deux protagonistes, c’était à qui rira le dernier. Chacun affuta ses armes pour le combat et mis au point sa stratégie. Car la bisbille était devenue guéguerre politique et l’adversaire coriace de Marafa de déployer sans pitié son rouleau compresseur. A arme inégale donc. Point de sentiment en politique. Condamné à un quart de siècle ainsi qu’à payer une indemnisation quasi équivalente aux dommages et intérêts à l’Etat, pourtant déjà indemnisé, nous le verrons, Marafa a-t-il encore une chance de s’en sortir ?
L’ultime vrai recours de Marafa n’est pas exploité.
Comme nous venons de l’insinuer, l’on peut remarquer que les 29 millions de dollars querellés ont été restitués à l’Etat camerounais dans un précédent procès en faillite de GIA International devant le Tribunal des faillites de l’Etat d’Oregon (USA), tel qu’il apparait dans les réquisitions du Ministère public le 27 août dernier, rendant illégal tout autre procès dans cette même affaire, conformément au droit international, au-dessus du droit pénal camerounais. C’est ainsi que dans une tentative scélérate la justice suisse débouta l’Etat camerounais, mais son vindicatif chef, monsieur Biya, alors déçu mais pas vaincu, n’était décidément pas disposé à abandonner cette partie excitante. C’est ainsi qu’avec détermination, il diligentera quand même ailleurs, sous un ciel contrôlable et où il pouvait tout régenter, la « procédure interdite » telle que qualifiée par Me Alice Kom. Le Cameroun, Etat de droit ?
Le seul recours de Marafa c’est donc de faire respecter devant une Cour internationale le droit en ce qui concerne l’illégalité de son procès devant le Tribunal de grande instance de Yaoundé et faire ainsi annuler sa condamnation devant les juridictions internationales. Il pourra ainsi exposer son rival donc l’image est déjà bien ternie à l’étranger. En cela Marafa pourra être aidé en établissant le caractère politique de son actuelle condamnation. On se rappelle que la plainte d’Yves Michel Fotso contre Paul Biya et compagnie aux Etats-Unis d’Amérique avait mis le pouvoir en branle et sur la défensive de sorte que le plaignant a été vivement incité, notamment par son père, à modifier sa plainte pour la réorienter vers d’autres cibles et la vidant ainsi de sa substance.
Mais si c’est devant le président de la Cour suprême du Cameroun que les avocats de Marafa place leur espoir, alors il est certain que ce dernier restera vaincu. Car Biya, qui déclara « sans objet » la conférence nationale dans un contexte crispé, ne cédera pas une coudée à un adversaire politique qui, même s’il a une part significative de la population avec lui, est vaincu et inoffensif désormais.