Maper le Cameroun : La refondation du système éducatif
La refondation de l’enseignement supérieur sera une réussite grâce à l’atteinte des objectifs relatifs à la gouvernance universitaire, au financement, aux infrastructures, à la condition de l’enseignant et de l’étudiant, à la collaboration des universités avec le secteur privé et surtout à l’enseignement et à la recherche.
Trois problèmes essentiels liés à l’éthique du système éducatif au Cameroun sont à résoudre :
1) La réforme intellectuelle et morale,
2) La décolonisation mentale et la formation citoyenne des nouvelles élites,
3)
L’élaboration d’un nouveau système éducatif national adapté aux
réalités sociales et aux valeurs morales et spirituelles de nos
populations.
La refondation de l’éducation répond à l’un des principes qui voudrait que tout se tienne:
chaque classe serait une unité de savoir avec un centre d’intérêt que
chaque matière, chaque activité contribuerait à éclairer, à bâtir ;
l’apprenant verrait plus aisément en quoi l’enseignement est un tout,
en quoi chaque savoir qu’on lui propose est utile à la formation de
l’homme qu’il est appelé à devenir.
Le
Capital humain est un ensemble existant ou potentiel d’hommes et de
femmes bien outillés pour la maîtrise de l’existence, pour la relève
des grands défis et pour la réalisation des grands desseins. Il s’agit
d’hommes et de femmes armés des connaissances, des savoir-faire, des
savoirs technico-scientifiques, des savoirs et techniques des terroirs,
des spécialités et des expertises spécifiques dont a besoin tout peuple
pour concevoir et exécuter ses programmes de développement.
Le
capital humain le plus performant, comprenant toutes les capacités
indispensables, est la résultante 1) du respect de la nouvelle éthique
de la refondation du système éducatif, 2) de la mission de l’école, 3)
du respect des principes généraux de l’Education, 4) des orientations
de l’Ecole de la vie, 5) des perspectives nouvelles de l’Education de
base, 6) de l’enseignement secondaire général, de la formation
professionnelle et technique, 7) de la refondation de l’Enseignement
supérieur, et 8) de la recherche consensuelle pour un système éducatif
unique sur l’ensemble du territoire national tout en tenant compte des
réalités historiques et contemporaines.
1. Les objectifs
Pour
faire de l’éducation un instrument performant pour le développement
durable du Cameroun, trois défis généraux sont à relever : 1) Une démocratisation de l’accès à l’éducation, 2) Un plus grand accent sur la qualité de l’offre d’éducation, 3) La
maîtrise et le renforcement des structures de recherche, l’intégration
des programmes de recherche scientifique et technique sans oublier la
coopération inter-universitaire et 4) Mettre l’école au service du développement durable.
La
révision de la loi n°98/004 du 14 avril 1998 d'orientation de
l'éducation au Cameroun permettra d’atteindre les objectifs spécifiques
de la refondation du système éducatif suivants:
- Obtenir
un engagement politique concret en faveur de l’éducation à travers
l’augmentation de la part de l’éducation (pour atteindre au moins le
1/3) dans le budget de l’Etat. Au Cameroun, il est inférieur à 17%.
- Inscrire
notre système éducatif dans une perspective stratégique : mettre en
place des réformes profondes et négociées sur les méthodes et les
contenus de notre système éducatif en vue
d’adapter notre système éducatif au contexte de la lutte pour le
développement. A titre d’exemple, il faut dispenser des formations
techniques et des formations professionnelles dès l’entrée au
secondaire, et faire en sorte que les jeunes ne sortent pas du système
éducatif sans un savoir-faire précis. Il faut améliorer le ratio
enseignement général/enseignement technique qui est aujourd’hui dans le
meilleur des cas de 20/1 et en même temps introduire l’enseignement
professionnel. Quant à l’enseignement général, - c’est d’ailleurs
valable pour les autres ordres, il doit avoir une dimension stratégique
évidente ;
- Mettre
l’école à la portée de tous en en indexant le coût d’accès à la courbe
du revenu réel de la majorité de la population et en rendant la
scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans sous peine de sanctions en cas
d’inobservance. Il faut corriger le taux de déperdition scolaire.
- Instituer
au profit des handicapés et des enfants en difficulté un droit à
l’éducation opposable ; après tout, rien que les handicapés
représentent 10% de la population camerounaise et en y ajoutant les
personnes en difficulté, on atteindrait un pourcentage de loin plus
important ;
- Atteindre
l’objectif d’un taux d’au moins 75% de scolarisation au niveau du
secondaire et d’au moins 50% au supérieur dans une dizaine d’années (en
2007, nous avons à peine 25% au secondaire et 5% au supérieur) ;
- Elaborer
et appliquer un plan de réduction du déficit en personnels
d’encadrement pour atteindre l’objectif « un enseignant bien formé et
bien payé pour chaque enfant» ;
- Revenir
au principe de l’entrée dans le corps enseignant ainsi que de
l’évolution dans la carrière sur la seule base du mérite à travers une
sélection rigoureuse par voie de concours à l’entrée et de listes
d’aptitude et d’ancienneté dans la carrière; même l’application des
quotas régionaux n’empêche pas que l’entrée dans les écoles normales
soit compétitive.
- Mettre un accent particulier sur la formation civique, morale et
spirituelle tant chez l’enseignant que chez l’apprenant pour favoriser
l’émergence des valeurs d’honnêteté, de discipline et de courage ; le
sens de l’effort, l’esprit de sacrifice et de la
soumission à la communauté ; le respect de nos valeurs traditionnelles
et des valeurs étrangères (philosophiques ou religieuses) compatibles
aux nôtres ou à notre projet de développement ;
9. Instaurer
une taxe pour l’éducation, et exécuter le budget de l’éducation au prix
du marché (et non de la mercuriale) pour en maximiser l’efficacité ;
10. Déterminer
les certifications du système éducatif camerounais, notamment les
certifications appliquées aux enseignements primaires, secondaires
ainsi qu'à l'enseignement normal des sous systèmes anglophone et
francophone.
11. Unifier
la gestion de l’éducation en recréant un seul grand ministère de
l’éducation nationale. Cela évitera un important nombre de distorsions
qui se font jour aujourd’hui ;
12. Nos
universités doivent devenir des pôles d’excellence universitaire, ne
serait-ce qu’au niveau de l’Afrique : a) La démocratisation de l’accès
à l’université en accroissant les capacités d’accueil et en instituant
un statut social de l’étudiant; b) La liaison de l’enseignement à la
production en orientant le contenu de l’enseignement sur des
préoccupations réelles de développement économique et social du pays;
c) La décentralisation des structures de l’université, dans les limites
des ressources disponibles, afin qu’elle participe mieux au
développement du pays ; d) la mise en partique du système LMD (licence,
master et doctorat).
2. Les fonctions de l’Ecole
L’Ecole a des fonctions idéologique et économique. Le
système éducatif en général et l’école en particulier seront orientés
vers la satisfaction des besoins fondamentaux des populations. Dans
cette optique, les sources d’inspiration de l’éducation seront fondées
sur les réalités nationales enrichies de l’expérience de
l’environnement international. Il s’agira de passer de l’instruction -
inspirée de la colonisation - à l’éducation de nos enfants que nous
voulons maîtres de leur existence. Le nouveau système éducatif
réalisera la symbiose du travail intellectuel et du travail manuel
réhabilité.
Il
s’agira, en outre, de contribuer à l’éradication de l’analphabétisme en
tant que base de l’obscurantisme, lui-même facteur limitant du
développement et de la promotion collective.
L’école
est un outil qu’une société se donne pour répondre à un certain nombre
de ses besoins. Un de ses objectifs est la formation des citoyens
honnêtes qui maîtrisent leur existence et aiment leur patrie.
A
partir du moment où les attentes sont déçues, il y a crise. Les
attentes se définissent par rapport à la fonction de l’école. Elle a
une fonction idéologique et économique. Une fonction idéologique qui consiste à fournir un certain type d’Homme et
une fonction économique qui vise l’objectif de préparer les citoyens à
acquérir des capacités, des compétences qui leur permettent d’avoir un
emploi et de servir dans le développement de leur pays; des citoyens
qui se prennent en charge eux-mêmes, capables de créer des emplois; des
citoyens qui deviennent des producteurs et non seulement des
consommateurs.
3. Les orientations de l’« Ecole de la vie »
Il
s’agit de créer une école qui donne aux jeunes une formation de base
pour affronter le monde actuel et futur et parvenir aux diplômes. Mais
ce sera en même temps une Ecole qui innove pour permettre à ces jeunes
le retour à la terre, aux emplois des villes et des campagnes et
surtout, qui prenne en compte l’environnement local, géographique
certes mais aussi culturel et social. Au village comme
en ville, à une période où tradition et modernité se mêlent, il est
important d’ouvrir l’esprit des enfants aux réalités de leur lieu de
vie. C’est pourquoi, il sera question de l’école de la vie; une école de l’éducation et non plus celle de la simple instruction.
Ce système éducatif a pour finalités de:
· Permettre
au jeune d’assimiler les valeurs spirituelles, civiques, morales,
culturelles, intellectuelles et physiques de la société ainsi que les
valeurs universelles, fondements de l’éducation dans nos pays ;
· Assurer un développement intégral et harmonieux de l’individu ;
· Développer en lui l’esprit de solidarité, de justice, de tolérance et de paix ;
· Créer et stimuler l’esprit d’initiative et d’entreprise ;
· Assurer sa formation afin qu’il soit utile à sa société et capable de l'aimer, de la défendre et de la développer ;
· Enseigner au citoyen le sens de la démocratie, de l’unité nationale et de l’unité africaine.
4. La structuration du système éducatif
Le système éducatif sera structuré de la manière suivante :
· L’éducation
formelle qui comprend l’éducation de base, l’enseignement secondaire,
l’enseignement supérieur et la formation professionnelle ;
· L’éducation
non formelle concernant toutes les activités d’éducation et de
formation, structurées et organisées dans un cadre non scolaire. Elle
s’adresse à toute personne désireuse de recevoir une formation
spécifique dans une structure d’éducation non scolaire ;
· L’éducation
informelle se fait de façon fortuite et diffuse dont les véhicules et
canaux sont : la cellule familiale, les groupes sociaux, les médias
communautaires et les autres instruments de communication, les divers
mouvements associatifs, la communauté, les scènes de la vie, le
spectacle de la rue.
Il
est donc impératif de renforcer une structure spécialisée de
l’alphabétisation pour permettre le développement de cette dernière
cause des enjeux importants sur le plan politique, socio-économique et
individuel. Comme l’alphabétisation des adultes, celle des jeunes en
milieu rural revêt des enjeux très importants et divers tant au plan
politique, social qu’économique.
4.1. L’éducation de base
Les perspectives nouvelles de l’Education de base répondent à :
· Un encadrement juridique de l’éducation de base qui
vise à doter notre pays, d’un cadre juridique de référence, en phase
avec notre système éducatif et les préoccupations actuelles en matière
d’alphabétisation, d’éducation de base formelle ou non formelle. Ce qui
permettra à tous les acteurs et partenaires de l’éducation de dégager
un consensus en matière de réglementation de l’éducation de base.
· Un
profil de formation clairement défini. Elle doit être pensée selon les
réalités et les besoins du pays. Il s’agit en d’autres termes de
répondre à la question: une éducation de base pour quoi
faire, pour former quel type d’hommes, quel type de citoyens? Et le
profil une fois défini, comment y parvenir?
4.2. L’enseignement secondaire (général et technique)
L’enseignement secondaire connaîtra
des bases nouvelles sur les plans structurel, infrastructurel,
financier, pédagogique, administratif, organisationnel, et évaluatif.
Pour le secondaire (général ou technique), l’objectif est que l’élève
reste proche de ses parents, qu’il apprenne à regarder son village ou
sa ville pour y devenir un levier, un créateur de vie. Pour celui qui
revient au village, avec ou sans diplôme (BEPC par exemple), il pourra
y être actif et utile; il saura garder le contact avec les anciens, et
il aura aussi l’ouverture d’esprit nécessaire pour faire évoluer
l’environnement social et économique.
L'enseignement secondaire des deux sous systèmes anglophone et francophone comprend :
· un
premier cycle de cinq (5) ans ayant un sous cycle d'observation en
tronc commun de deux (2) ans et un sous cycle d'orientation de trois
(3) ans d'enseignement général et technique ;
· un
second cycle de deux (2) ans d'enseignement général, d'enseignement
technique ou professionnel. Pour être admis au second cycle de
l'enseignement secondaire, les élèves devront obligatoirement obtenir
le diplôme de fin de premier cycle.
Le
Brevet d'études du premier cycle (Bepc) et le Certificat d'aptitude
professionnelle (Cap) devraient être présentés en classe de seconde et
le General Certificate of Education Ordinary Level (Gce "O" Level) et
le Technical Certificate of Education Ordinary Level (Tce. "O" Level)
devraient toujours être présentés dans le sous système anglophone en
form five. Aussi, ne pourraient être candidats à l'examen du
Baccalauréat de l'enseignement secondaire général, comme cela se passe
dans le sous système anglophone, que des candidats réguliers ou libres
inscrits dans les lycées et collèges d'enseignement public ou privé et
titulaires du Bepc.
De même ne peuvent se présenter au
Baccalauréat technologique, au Baccalauréat professionnel et Brevet
professionnel, que des candidats réguliers ou libres titulaires du
Certificat d'aptitude professionnelle (Cap) ou du Brevet d'étude du
premier cycle (Bepc).
Le
plus important et le plus urgent dans ce domaine est l’adaptation de
notre système éducatif à notre économie essentiellement agricole, par
la création dans le secondaire, d’une troisième filière technique à
dominante rurale.
4.3. La refondation de l’enseignement supérieur
La réforme de l’université camerounaise de 1993 était l'occasion unique d'une franche remise en cause du modèle colonial. Notre
système universitaire demande à être refondé et revitalisé, aussi bien
sur les plans des institutions que des objectifs pédagogiques, des
structures administratives et de gestion, de la politique du
financement et des bourses, du mode de désignation des responsables.
Le
premier souci des étudiants est plus que jamais de réussir coûte que
coûte. Et celui des gouvernants est de gérer l’avenir pas seulement en
termes quantitatifs mais également qualitatifs. Le stade de
développement du Cameroun, son intérêt à la constitution de grands
pôles universitaires en Afrique centrale, son partenariat avec des pays
du Nord et les manifestations des phénomènes de la globalisation font
qu’aujourd’hui l’enseignement supérieur a besoin d’une approche
nouvelle.
Concernant les perspectives nouvelles de l’enseignement supérieur, il
s’agit de passer à la logique d’appropriation qui présuppose une sorte
de travail intellectuel ayant pour but de nous libérer de certains
traumatismes et de certaines angoisses, de restructurer notre
personnalité et de nous permettre de redevenir sujet de l’histoire en
train de se faire. Ce travail doit consister en un certain nombre
d’opérations (1):
1. Penser
l’université comme le lieu privilégié de la démocratisation de la
pratique scientifique, c’est-à-dire de son ouverture au plus grand
nombre et de la mise de ses résultats au service de tout le monde.
2. Intégrer
dans les sciences, après les vérifications et les formalisations
d’usage, les savoirs endogènes réels, les logiques qu’ils impliquent et
les épistémologies qu’ils présupposent.
- Etre
capable d’emprunter, de s’approprier, d’adapter, pour servir ses
objectifs, ses stratégies et ses intérêts bien compris, apparaît alors
comme une marque d’intelligence, de créativité, de maîtrise.
C’est dire que l’université est aujourd’hui au cœur d’un enjeu de taille : « le
contrôle du processus d’orientation, de régulation et de décision de
l’évolution du monde, à partir du monopole des secteurs avancés de la
connaissance scientifique et de la créativité idéelle ».
L’université
est donc l’institution privilégiée qui peut se constituer en
observatoire de la société, de ses mutations, de ses potentialités, de
ses errements et des menaces qui pèsent sur elle. Elle doit également
se constituer en laboratoires où se pensent, s’expérimentent et se
diffusent les solutions, les modèles de gestion, les scénarios dont
peuvent s’inspirer ceux qui sont chargés de gouverner la cité.
La
refondation de l’enseignement supérieur sera une réussite grâce à
l’atteinte des objectifs relatifs à la gouvernance universitaire, au
financement, aux infrastructures, à la condition de l’enseignant et de
l’étudiant, à la collaboration des universités avec le secteur privé et
surtout à l’enseignement et à la recherche.
LE DIRECTOIRE DU MAP
Référence :
(1) Propositions concrètes inspirées de KOM A., « Quelle Université pour le Cameroun de demain ? », Rapport
du Comité Technique de Réflexion pour l’Amélioration du Système
National de l’Enseignement Supérieur, Président : Professeur Ambroise
Kom, Yaoundé, avril 2004, 62 p.