Maper le Cameroun : La refondation du système éducatif

Samedi, 19 Décembre 2009 13:14

La refondation de l’enseignement supérieur sera une réussite grâce à l’atteinte des objectifs relatifs à la gouvernance universitaire, au financement, aux infrastructures, à la condition de l’enseignant et de l’étudiant, à la collaboration des universités avec le secteur privé et surtout à l’enseignement et à la recherche.

 

Trois problèmes essentiels liés à l’éthique du système éducatif au Cameroun sont à résoudre :

1) La réforme intellectuelle et morale,

2) La décolonisation mentale et la formation citoyenne des nouvelles élites,

3) L’élaboration d’un nouveau système éducatif national adapté aux réalités sociales et aux valeurs morales et spirituelles de nos populations.

 

La refondation de l’éducation répond à l’un des principes qui voudrait que tout se tienne: chaque classe serait une unité de savoir avec un centre d’intérêt que chaque matière, chaque activité contribuerait à éclairer, à bâtir ; l’apprenant verrait plus aisément en quoi l’enseignement est un tout, en quoi chaque savoir qu’on lui propose est utile à la formation de l’homme qu’il est appelé à devenir.

 

Le Capital humain est un ensemble existant ou potentiel d’hommes et de femmes bien outillés pour la maîtrise de l’existence, pour la relève des grands défis et pour la réalisation des grands desseins. Il s’agit d’hommes et de femmes armés des connaissances, des savoir-faire, des savoirs technico-scientifiques, des savoirs et techniques des terroirs, des spécialités et des expertises spécifiques dont a besoin tout peuple pour concevoir et exécuter ses programmes de développement.

 

Le capital humain le plus performant, comprenant toutes les capacités indispensables, est la résultante 1) du respect de la nouvelle éthique de la refondation du système éducatif, 2) de la mission de l’école, 3) du respect des principes généraux de l’Education, 4) des orientations de l’Ecole de la vie, 5) des perspectives nouvelles de l’Education de base, 6) de l’enseignement secondaire général, de la formation professionnelle et technique, 7) de la refondation de l’Enseignement supérieur, et 8) de la recherche consensuelle pour un système éducatif unique sur l’ensemble du territoire national tout en tenant compte des réalités historiques et contemporaines.

 

1.     Les objectifs

 

Pour faire de l’éducation un instrument performant pour le développement durable du Cameroun, trois défis généraux sont à relever : 1)  Une démocratisation de l’accès à l’éducation, 2) Un plus grand accent sur la qualité de l’offre d’éducation, 3) La maîtrise et le renforcement des structures de recherche, l’intégration des programmes de recherche scientifique et technique sans oublier la coopération inter-universitaire et 4) Mettre l’école au service du développement durable.

 

La révision de la loi n°98/004 du 14 avril 1998 d'orientation de l'éducation au Cameroun permettra d’atteindre les objectifs spécifiques de la refondation du système éducatif suivants:

 

  1. Obtenir un engagement politique concret en faveur de l’éducation à travers l’augmentation de la part de l’éducation (pour atteindre au moins le 1/3) dans le budget de l’Etat.  Au Cameroun, il est inférieur à 17%.

 

  1. Inscrire notre système éducatif dans une perspective stratégique : mettre en place des réformes profondes et négociées sur les méthodes et les contenus de notre système éducatif   en vue d’adapter notre système éducatif au contexte de la lutte pour le développement. A titre d’exemple, il faut dispenser des formations techniques et des formations professionnelles dès l’entrée au secondaire, et faire en sorte que les jeunes ne sortent pas du système éducatif sans un savoir-faire précis. Il faut améliorer le ratio enseignement général/enseignement technique qui est aujourd’hui dans le meilleur des cas de 20/1  et en même temps introduire l’enseignement professionnel. Quant à l’enseignement général, - c’est d’ailleurs valable pour les autres ordres, il doit avoir une dimension stratégique évidente ;

 

  1.  Mettre l’école à la portée de tous en en indexant le coût d’accès à la courbe du revenu réel de la majorité de la population et en rendant la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans sous peine de sanctions en cas d’inobservance.  Il faut corriger le taux de déperdition scolaire.

 

  1. Instituer au profit des handicapés et des enfants en difficulté un droit à l’éducation opposable ; après tout, rien que les handicapés représentent 10% de la population camerounaise et en y ajoutant les personnes en difficulté, on atteindrait un pourcentage de loin plus important ;

 

  1. Atteindre l’objectif d’un taux d’au moins 75% de scolarisation au niveau du secondaire et d’au moins 50% au supérieur dans une dizaine d’années (en 2007, nous avons à peine 25% au secondaire et 5% au supérieur) ;

 

  1. Elaborer et appliquer un plan de réduction du déficit en personnels d’encadrement pour atteindre l’objectif « un enseignant bien formé et bien payé  pour chaque enfant» ;

 

  1. Revenir au principe de l’entrée dans le corps enseignant ainsi que de l’évolution dans la carrière sur la seule base du mérite à travers une sélection rigoureuse par voie de concours à l’entrée et de listes d’aptitude et d’ancienneté dans la carrière; même l’application des quotas régionaux n’empêche pas que l’entrée dans les écoles normales soit compétitive.

 

  1. Mettre un accent particulier sur la formation civique, morale  et spirituelle tant chez l’enseignant que chez l’apprenant pour favoriser l’émergence des valeurs d’honnêteté, de discipline et de courage ; le sens de l’effort,  l’esprit de sacrifice et de la soumission à la communauté ; le respect de nos valeurs traditionnelles et des valeurs étrangères (philosophiques ou religieuses) compatibles aux nôtres ou à notre projet de développement ;

 

9.   Instaurer une taxe pour l’éducation, et exécuter le budget de l’éducation au prix du marché (et non de la mercuriale) pour en maximiser l’efficacité ;

 

10.               Déterminer les certifications du système éducatif camerounais, notamment les certifications appliquées aux enseignements primaires, secondaires ainsi qu'à l'enseignement normal des sous systèmes anglophone et francophone.

 

11.               Unifier la gestion de l’éducation en recréant un seul grand ministère de l’éducation nationale. Cela évitera un important nombre de distorsions qui se font jour aujourd’hui ;

 

12.               Nos universités doivent devenir des pôles d’excellence universitaire, ne serait-ce qu’au niveau de l’Afrique : a) La démocratisation de l’accès à l’université en accroissant les capacités d’accueil et en instituant un statut social de l’étudiant; b) La liaison de l’enseignement à la production en orientant le contenu de l’enseignement sur des préoccupations réelles de développement économique et social du pays; c) La décentralisation des structures de l’université, dans les limites des ressources disponibles, afin qu’elle participe mieux au développement du pays ; d) la mise en partique du système LMD (licence, master et doctorat).

2.     Les fonctions de l’Ecole

L’Ecole a des fonctions idéologique et économique.  Le système éducatif en général et l’école en particulier seront orientés vers la satisfaction des besoins fondamentaux des populations. Dans cette optique, les sources d’inspiration de l’éducation seront fondées sur les réalités nationales enrichies de l’expérience de l’environnement international. Il s’agira de passer de l’instruction - inspirée de la colonisation - à l’éducation de nos enfants que nous voulons maîtres de leur existence. Le nouveau système éducatif réalisera la symbiose du travail intellectuel et du travail manuel réhabilité.

 

Il s’agira, en outre, de contribuer à l’éradication de l’analphabétisme en tant que base de l’obscurantisme, lui-même facteur limitant du développement et de la promotion collective.

 

L’école est un outil qu’une société se donne pour répondre à un certain nombre de ses besoins. Un de ses objectifs est la formation des citoyens honnêtes qui maîtrisent leur existence et aiment leur patrie.

 

A partir du moment où les attentes sont déçues, il y a crise. Les attentes se définissent par rapport à la fonction de l’école. Elle a une fonction idéologique et économique. Une fonction idéologique qui consiste à fournir un certain type d’Homme  et une fonction économique qui vise l’objectif de préparer les citoyens à acquérir des capacités, des compétences qui leur permettent d’avoir un emploi et de servir dans le développement de leur pays; des citoyens qui se prennent en charge eux-mêmes, capables de créer des emplois; des citoyens qui deviennent des producteurs et non seulement des consommateurs.

 

3.     Les orientations de l’« Ecole de la vie »

  Il s’agit de créer une école qui donne aux jeunes une formation de base pour affronter le monde actuel et futur et parvenir aux diplômes. Mais ce sera en même temps une Ecole qui innove pour permettre à ces jeunes le retour à la terre, aux emplois des villes et des campagnes et surtout, qui prenne en compte l’environnement local, géographique certes mais aussi culturel et social. Au village  comme en ville, à une période où tradition et modernité se mêlent, il est important d’ouvrir l’esprit des enfants aux réalités de leur lieu de vie. C’est pourquoi, il sera question de l’école de la vie; une école de l’éducation et non plus celle de la simple instruction.

Ce système éducatif a pour finalités de:

·         Permettre au jeune d’assimiler les valeurs spirituelles, civiques, morales, culturelles, intellectuelles et physiques de la société ainsi que les valeurs universelles, fondements de l’éducation dans nos pays ;

·         Assurer un développement intégral et harmonieux de l’individu ;

·         Développer en lui l’esprit de solidarité, de justice, de tolérance et de paix ;

·         Créer et stimuler l’esprit d’initiative et d’entreprise ;

·         Assurer sa formation afin qu’il soit utile à sa société et capable de l'aimer, de la défendre et de la développer ;

·         Enseigner au citoyen le sens de la démocratie, de l’unité nationale et de l’unité africaine.

 

4.     La structuration du système éducatif

Le système éducatif sera structuré de la manière suivante :

·         L’éducation formelle qui comprend l’éducation de base, l’enseignement secondaire, l’enseignement supérieur et la formation professionnelle ;

·         L’éducation non formelle concernant toutes les activités d’éducation et de formation, structurées et organisées dans un cadre non scolaire. Elle s’adresse à toute personne désireuse de recevoir une formation spécifique dans une structure d’éducation non scolaire ;

·         L’éducation informelle se fait de façon fortuite et diffuse dont les véhicules et canaux sont : la cellule familiale, les groupes sociaux, les médias communautaires et les autres instruments de communication, les divers mouvements associatifs, la communauté, les scènes de la vie, le spectacle de la rue.

 

Il est donc impératif de renforcer une structure spécialisée de l’alphabétisation pour permettre le développement de cette dernière cause des enjeux importants sur le plan politique, socio-économique et individuel. Comme l’alphabétisation des adultes, celle des jeunes en milieu rural revêt des enjeux très importants et divers tant au plan politique, social qu’économique.

 

4.1.      L’éducation de base

 

Les perspectives nouvelles de l’Education de base répondent à :

 

·         Un encadrement juridique de l’éducation de base  qui vise à doter notre pays, d’un cadre juridique de référence, en phase avec notre système éducatif et les préoccupations actuelles en matière d’alphabétisation, d’éducation de base formelle ou non formelle. Ce qui permettra à tous les acteurs et partenaires de l’éducation de dégager un consensus en matière de réglementation de l’éducation de base.

·         Un profil de formation clairement défini. Elle doit être pensée selon les réalités et les besoins du pays. Il s’agit en d’autres termes de répondre à la question: une éducation de base pour quoi faire, pour former quel type d’hommes, quel type de citoyens? Et le profil une fois défini, comment y parvenir?

 

4.2.      L’enseignement secondaire (général et technique)

L’enseignement secondaire connaîtra des bases nouvelles sur les plans structurel, infrastructurel, financier, pédagogique, administratif, organisationnel, et évaluatif. Pour le secondaire (général ou technique), l’objectif est que l’élève reste proche de ses parents, qu’il apprenne à regarder son village ou sa ville pour y devenir un levier, un créateur de vie. Pour celui qui revient au village, avec ou sans diplôme (BEPC par exemple), il pourra y être actif et utile; il saura garder le contact avec les anciens, et il aura aussi l’ouverture d’esprit nécessaire pour faire évoluer l’environnement social et économique.

L'enseignement secondaire des deux sous systèmes anglophone et francophone comprend :

·         un premier cycle de cinq (5) ans ayant un sous cycle d'observation en tronc commun de deux (2) ans et un sous cycle d'orientation de trois (3) ans d'enseignement général et technique ;

·         un second cycle de deux (2) ans d'enseignement général, d'enseignement technique ou professionnel. Pour être admis au second cycle de l'enseignement secondaire, les élèves devront obligatoirement obtenir le diplôme de fin de premier cycle.

Le Brevet d'études du premier cycle (Bepc) et le Certificat d'aptitude professionnelle (Cap) devraient être présentés en classe de seconde et le General Certificate of Education Ordinary Level (Gce "O" Level) et le Technical Certificate of Education Ordinary Level (Tce. "O" Level) devraient toujours être présentés dans le sous système anglophone en form five. Aussi, ne pourraient être candidats à l'examen du Baccalauréat de l'enseignement secondaire général, comme cela se passe dans le sous système anglophone, que des candidats réguliers ou libres inscrits dans les lycées et collèges d'enseignement public ou privé et titulaires du Bepc.
De même ne peuvent se présenter au Baccalauréat technologique, au Baccalauréat professionnel et Brevet professionnel, que des candidats réguliers ou libres titulaires du Certificat d'aptitude professionnelle (Cap) ou du Brevet d'étude du  premier cycle (Bepc).

 

Le plus important et le plus urgent dans ce domaine est l’adaptation de notre système éducatif à notre économie essentiellement agricole, par la création dans le secondaire, d’une troisième filière technique à dominante rurale.

 

4.3.      La refondation de l’enseignement supérieur

La réforme de l’université camerounaise de 1993 était l'occasion unique d'une franche remise en cause du modèle colonial.  Notre système universitaire demande à être refondé et revitalisé, aussi bien sur les plans des institutions que des objectifs pédagogiques, des structures administratives et de gestion, de la politique du financement et des bourses, du mode de désignation des responsables.

 

Le premier souci des étudiants est plus que jamais de réussir coûte que coûte. Et celui des gouvernants est de gérer l’avenir pas seulement en termes quantitatifs mais également qualitatifs. Le stade de développement du Cameroun, son intérêt à la constitution de grands pôles universitaires en Afrique centrale, son partenariat avec des pays du Nord et les manifestations des phénomènes de la globalisation font qu’aujourd’hui l’enseignement supérieur a besoin d’une approche nouvelle.

Concernant les perspectives nouvelles de l’enseignement supérieur, il s’agit de passer à la logique d’appropriation qui présuppose une sorte de travail intellectuel ayant pour but de nous libérer de certains traumatismes et de certaines angoisses, de restructurer notre personnalité et de nous permettre de redevenir sujet de l’histoire en train de se faire. Ce travail doit consister en un certain nombre d’opérations (1):

1.   Penser l’université comme le lieu privilégié de la démocratisation de la pratique scientifique, c’est-à-dire de son ouverture au plus grand nombre et de la mise de ses résultats au service de tout le monde.

2.   Intégrer dans les sciences, après les vérifications et les formalisations d’usage, les savoirs endogènes réels, les logiques qu’ils impliquent et les épistémologies qu’ils présupposent.

  1. Etre capable d’emprunter, de s’approprier, d’adapter, pour servir ses objectifs, ses stratégies et ses intérêts bien compris, apparaît alors comme une marque d’intelligence, de créativité, de maîtrise.

 

C’est dire que l’université est aujourd’hui au cœur d’un enjeu de taille : « le contrôle du processus d’orientation, de régulation et de décision de l’évolution du monde, à partir du monopole des secteurs avancés de la connaissance scientifique et de la créativité idéelle ».

L’université est donc l’institution privilégiée qui peut se constituer en observatoire de la société, de ses mutations, de ses potentialités, de ses errements et des menaces qui pèsent sur elle. Elle doit également se constituer en laboratoires où se pensent, s’expérimentent et se diffusent les solutions, les modèles de gestion, les scénarios dont peuvent s’inspirer ceux qui sont chargés de gouverner la cité.

 

La refondation de l’enseignement supérieur sera une réussite grâce à l’atteinte des objectifs relatifs à la gouvernance universitaire, au financement, aux infrastructures, à la condition de l’enseignant et de l’étudiant, à la collaboration des universités avec le secteur privé et surtout à l’enseignement et à la recherche.

 

LE DIRECTOIRE DU MAP

 

Référence :

 

(1) Propositions concrètes inspirées de KOM A.,  « Quelle Université pour le Cameroun de demain ? », Rapport du Comité Technique de Réflexion pour l’Amélioration du Système National de l’Enseignement Supérieur, Président : Professeur Ambroise Kom, Yaoundé, avril 2004, 62 p.

 



25/12/2009
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