MANIFESTATIONS CONTRE LE PAPE EN ESPAGNE: Crise sociale ou crise de la foi ?
MANIFESTATIONS CONTRE LE PAPE EN ESPAGNE: Crise sociale ou crise de la foi ?
Depuis quelques jours, le pape Benoît XVI est devenu le parfait bouc émissaire pour une jeunesse désabusée dans un Occident en crise. Certains jeunes ont ainsi manifesté leur dépit en le prenant à partie à l’occasion des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) à Madrid (Espagne). Comme pour calmer leurs ardeurs, le chef de l’Eglise catholique et aussi chef de l’Etat du Vatican, a reconnu que parmi les défis particuliers à relever par les jeunes, il y a effectivement la précarité des emplois, le manque de travail, mais aussi la « superficialité », la consommation, la banalisation de la sexualité.
Pour le pape, avec l’aide de la foi, ces défis pourront être relevés. Cette visite du souverain pontife revêt une double signification. En premier lieu, celle que lui accorde la grande majorité des jeunes pèlerins. Très pieux, ils ont suivi avec assiduité quelques leçons de catéchèse données par des officiels de l’Eglise. En second lieu, il y a ces manifestants hostiles à la venue du pape qui ont exprimé leurs frustrations. L’occasion faisant le larron, des associations laïques ont en effet exploité la situation pour dénoncer la contribution de l’Etat à un évènement religieux. Ces personnes avisées ont tenu à se démarquer des politiques sociales en cours depuis un certain nombre d’années déjà en Occident, faites de coupes sombres au budget de l’Etat. Cela a pour conséquence d’embraser la rue. Les manifestations contre la venue du pape, traduisent un sérieux désarroi, et davantage la montée d’une forme d’intolérance religieuse. Dans un environnement gagné par le matérialisme, et qui semble avoir trouvé dans l’argent des réponses à certaines questions, comment ne pas être désorienté face aux problèmes existentiels ? Dieu, à ce qu’il semble, se meurt en Occident.
La foi religieuse est en recul, et la fréquentation des lieux de culte presque une utopie. Certes, en Espagne où se déroulent les JMJ, le catholicisme est très ancré dans la culture. Et si les turbulences du vingtième siècle ont épargné la royauté, dans ce troisième millénaire naissant, la démocratie y fait tout de même son bonhomme de chemin. De sorte que le cours des événements peut en surprendre plus d’un, tant l’expression plurielle s’est enracinée dans les pratiques. La sortie des « indignés » contre la venue du pape doit être située dans ce cadre. Les jeunes ont tout simplement usé du droit démocratique de s’exprimer, pour dénoncer ce qui, de leur point de vue, frise l’indécence. En manifestant, ils entendaient surtout récuser la débauche de moyens mobilisés pour la venue du pape. Aux yeux des révoltés, il n’y a pas de commune mesure entre l’expression de la foi religieuse, et l’injection de millions d’euros dans un tel déplacement. Une somme aussi colossale aurait pu ou dû être investie ailleurs, notamment dans la résolution des problèmes sociaux, chômage des jeunes, etc.
En effet, d’un bout à l’autre, l’Europe occidentale ploie sous le coup de budgets déficitaires. De nombreux jeunes se voient ainsi poussés dans les rues. Le pape qui arrive dans un tel contexte, constitue de ce fait le parfait bouc émissaire pour des jeunes révoltés. En s’attaquant au souverain pontife et donc à son image, les manifestants ont sans doute voulu lui adresser un message sans équivoque : il doit cesser de se faire le complice actif ou passif de politiques sociales à l’opposé des doctrines professées par l’Eglise catholique. Mais, les jeunes révoltés n’ont-ils pas franchi le Rubicon ? Oui, à la libre expression, au nom de la démocratie.
Mais dans ce monde pervers et fortement dominé par l’argent, le pape à la fois autorité religieuse et politique, peut-il réellement peser sur la conscience des décideurs politiques ? Rien n’est moins sûr ! D’abord en raison de la multiplicité et donc de l’autonomie des religions. Car, s’il est vrai que le dialogue interreligieux a fait du chemin, il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui la situation soit devenue plus complexe. Tout en se découvrant, les hommes ont en effet tendance à se jeter la pierre. Ensuite, aux crises sociales manifestes ou latentes, se greffent chaque jour les stigmates d’une crise de la foi religieuse. Un phénomène qui semble faire l’affaire de nombre d’acteurs politiques peu enclins à rendre compte ou à se laisser tancer. Enfin, parce que de nos jours, la primauté des intérêts autant que l’affirmation continue du pouvoir régalien de l’Etat, limitent le champ d’action des autorités religieuses. En Afrique, par exemple, on aime bien solliciter les hommes d’Eglise en cas de troubles sociopolitiques.
Mais qu’ils osent s’aventurer sur certaines voies ! On se dépêchera de leur rappeler que la république est laïque. Et pourtant, c’est entre autres le prix à payer pour plus de paix et de progrès. S’agissant des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), le moins que l’on puisse dire, c’est que Benoît XVI était vivement attendu des centaines de milliers de jeunes catholiques qui se sont retrouvés en Espagne. Accueilli par le roi d’Espagne Juan Carlos à l’aéroport de Madrid, il semble s’efforcer de trouver les bons mots et le bon discours. Ceci, afin que l’événement ne soit pas en décalage avec la situation économique espagnole, sans pour autant en devenir l’otage.