Un
Mémorandum est une chose dont il faut se rappeler. Célébrer un
anniversaire heureux ou malheureux participe d’un rite fondateur où le
souvenir des faits permet des analyses, des réflexions et des prises de
résolutions afin que tout soit mieux qu’avant via des innovations et des
projets novateurs. Un anniversaire est un rite d’initiation aux bonnes
mœurs dans plusieurs domaines car le temps court de l’évènement perd
parfois de vue la fonction structurante à long terme de celui-ci dans
une conscience politique collective où les émotions et leurs destins
politiques ne sont pas négliger.
En fait, des paramètres afférents à la construction d’une nation, la
mémoire est un des plus fondamentaux, étant donné que l’avenir des
sociétés se construit, soit en rappelant de grands évènements heureux
qui fondent un destin commun, soit des évènements malheureux qui, quoi
qu’on veuille ardemment en éviter la reproduction et la récurrence,
permettent aussi de bâtir une communauté et une identité nationales via
une subjectivation politique transformatrice des mentalités.
Aux côtés des autres récits, mythes cosmogoniques et narrations dont la fonction anthropologique et politique est de produire du collectif par la création d’un sentiment d’appartenance, la répression violente et sanglante de la dissidence au Cameroun en février 2008, occupe désormais une place de choix. Les massacres de février-mars 2008 sont en effet un évènement-repère qui, parmi d’autres tristement célèbres, met en évidence la dérive autoritaire, machiavélique et sanglante du régime en place au Cameroun depuis 1982.
Descendus en masse et de façon spontanée dans les rues pour contester et crier leur colère par rapport à la vie chère, au chômage massif et à une modification constitutionnelle visant à installer un Principat en lieu et place d’une démocratie et d’un Etat de droit, plusieurs jeunes camerounais sont restés sur le carreau. Monsieur Paul Biya, Président de la République du Cameroun depuis plus de trente ans et chef suprême des armées, ordonna des tirs à balles réelles dans la foule afin de réprimer la liberté d’expression.
D’après le Rapport 2012 d’Amnesty International, à la fin du mois de février 2008, les forces de sécurité camerounaises ont tué pas moins de 100 civils au cours de ces manifestations contre l'augmentation du coût de la vie et la deuxième modification constitutionnelle du Régime en place depuis 1982.
La tuerie de février 2008 est donc déjà un point structurant du régime d’historicité du Cameroun au sens d’articulation travaillant les représentations du pouvoir politique et de ses effets néfastes dans la vie des populations. L’action violente de l’Etat camerounais et les morts qui s’ensuivent interrogent, entre autres, l’avenir du Cameroun sur plusieurs dimensions :
1-Le rôle d’une armée nationale ;
2-La situation des Droits de l’Homme et le rôle d’une justice républicaine ;
3-La place de la jeunesse dans le développement politique ;
4-Le rôle de la communauté internationale.
La diaspora camerounaise, désormais un acteur politique qui compte dans la scène politique camerounaise via sa critique et ses propositions constructives, a choisi de célébrer le triste anniversaire des massacres de février 2008 afin de montrer au pouvoir camerounais le sort que l’ivresse du pouvoir et le rêve d’un dictator Perpetuus ont réservé à l’espoir, à la vie et à la jeunesse camerounaise. Le but est de ne pas oublier, de pointer du doigt les auteurs et les méfaits d’une dérive monarchique d’un pouvoir sur les espoirs d’un peuple, et de faire des propositions constructives.
1-Le rôle d’une armée nationale camerounaise
Alors que sa fonction première est de produire et d’offrir la sécurité au territoire et aux populations comme un bien collectif, l’armée camerounaise, maillon essentiel de la dictature trentenaire en place au Cameroun, privilégie ses parts dans le partage de la rente nationale au détriment de sa fonction régalienne de protéger le peuple camerounais. En conséquence, l’armée camerounaise est devenue une entité spécialisée dans la répression par tous les moyens des revendications démocratiques et de la liberté d’expression. Son rôle est désormais de protéger le régime et de maintenir un statu quo à la tête d’un Etat prédateur où elle représente une dimension importante du pouvoir en place. C’est une armée désormais privatisée par un régime qui en fait un instrument de protection de l’élite au pouvoir et des privilèges qu’elle en tire. Ainsi, en février 2008, l’armée camerounaise a, d’après le rapport 2012 d’Amnesty International, tué une centaine de Camerounais au lieu d’en garantir la sécurité comme cela aurait pu autrement être le cas dans un Etat de droit
La diaspora camerounaise dénonce avec véhémence et la dernière énergie, la transformation de l’armée camerounaise en une milice du régime en place. Elle milite pour que ce régime rendre compte aux Camerounais de ses crimes financés par les ressources de l’Etat.
La diaspora camerounaise pense qu’une armée camerounaise devenue l’ennemi du peuple camerounais et de ses besoins d’émancipation, se situe aux antipodes du rôle de protection et d’encadrement d’une armée républicaine.
La diaspora camerounaise soutient et réitère que, Paul Biya, Président camerounais et chef suprême des armées, est le premier responsable de cette dérive meurtrière de l’armée camerounaise sur le peuple camerounais.
La diaspora camerounaise milite et travaille à la construction d’une armée camerounaise véritablement républicaine, c'est-à-dire protégeant le territoire et les populations par une offre de sécurité comme un bien collectif.
La diaspora camerounaise (ré) affirme fermement que le Président camerounais porte l’entière responsabilité des dérives meurtrières et sanglantes de l’armée camerounaise sur les populations en février 2008 au point de faire du Cameroun un Etat mortifère.
2-La situation des Droits de l’Homme et rôle d’une justice républicaine
Si les Droits de l’Homme avait un drapeau, celui serait éternellement en berne au Cameroun tant leur transgression y est quotidienne, abondante et récurrente.
Hormis le fait que tous les adversaires politiques du régime de Yaoundé se retrouvent incarcérés via des procès iniques où la main visible du régime dicte les sanctions à l’institution judiciaire quand d’autres accusés passent quinze ans en prison sans aucun jugement, le massacre de février 2008 constitue un zénith dans le lugubre panthéon des actes contre les Droits de l’Homme au Cameroun : « Les procès iniques, les manœuvres d'intimidation et de harcèlement, allant notamment jusqu'aux menaces de mort, sont systématiquement utilisés par les autorités pour réprimer les critiques formulées par la classe politique, les défenseurs des droits humains et les journalistes. La loi du silence imposée aux médias est particulièrement préoccupante. Si un journaliste est considéré comme trop critique à l'égard du gouvernement, il est réduit au silence – et les stations de radio et chaînes de télévision se voient contraintes de cesser leurs activités. » (Amnesty international, 2009).
En dehors des 100 morts que dénombre Amnesty International, des centaines de Camerounais ont été arrêtés, jugés et condamnés par une justice expéditive où ils n’ont eu droit ni à un avocat, ni a une possibilité de recours. Ces Camerounais croupissent toujours dans les prisons camerounaises surpeuplées et insalubres. Prisons où nichent tous les virus les plus destructeurs de l’espèce humaine.
En outre, nonobstant le fait que des Camerounais et des Camerounaises sont en prison pour avoir manifesté, nonobstant la disparition de plusieurs autres tombés sous les balles réelles d’une armée camerounaise sous les ordres de son chef le Président de la République, les forces de l’ordre responsables de ces tirs à balles réelles sur les manifestations sont toutes en liberté. Aucun de leurs éléments n’a été traduit en justice afin qu’il répondre du meurtre de Camerounais dont elles sont responsables.
La diaspora camerounaise considère une telle attitude des autorités nationales comme la meilleure preuve de la caution morale et politique que donne le régime en place au Cameroun à ce qui a été fait : « L’opposition politique n’est pas tolérée au Cameroun, a expliqué en 2009 Tawanda Hondora, directeur adjoint du programme Afrique d’Amnesty International. Toute dissidence est étouffée soit par la violence, soit par le détournement de la justice pour réduire les personnes qui émettent des critiques au silence. »
La diaspora camerounaise soutient que cette absence d’impunité des criminels alors des manifestants croupissent en prison, est la marque déposée d’une absence notoire d’Etat de droit au sein d’un pays où une dictature trentenaire fait la pluie et le beau temps en instaurant le règne macabre et terrifiant de la loi du plus fort. Amnesty International note dans son rapport 2012 sur le Cameroun:
“More than 1,500 people arrested during the February protests were brought to trial unusually swiftly, with little or no time to prepare their defense. Many of the defendants had no legal counsel; while others were denied time to consult their lawyers. The trials were summary in nature. Hundreds of defendants were sentenced to between three months and two years in prison. Despite a presidential amnesty in June, hundreds remained in prison at the end of the year, either because they had appealed or because they could not afford to pay court-imposed fines”.
3-La place de la jeunesse dans le développement politique du Cameroun
L’Afrique compte 1,04 milliard d’habitants dont plus de la moitié a moins de 20 ans. La jeunesse est donc l’avenir de l’Afrique et mérite à ce titre une attention particulière (Amougou, 2013).
Dans sa propagande légendaire, le régime en place au Cameroun depuis 1982 a fait de la jeunesse camerounaise « le fer de lance du développement » du pays. Cette vision est restée du domaine des mots car la réalité de la jeunesse camerounaise est proche de la galère permanente.
Les jeunes camerounais, majoritaires parmi les morts de février 2008, sont abonnés au chômage chronique : chômage structurel ; chômage conjoncturel, chômage frictionnel, chômage déguisé, chômage technique autant de résultats régressifs de la gouvernance du Renouveau National. Le pays vit un plein chômage endémique depuis plus de 25 ans.
Lorsqu’elle se lève pour manifester son
mécontentement, la jeunesse camerounaise court le risque de rentrer chez
elle les pieds devant pour ceux qui ont la chance que leurs cadavres ne
soient pas transportés en lieux inconnus par l’armée camerounaise.
Face à un régime qui sème la terreur, il reste au grand maximum, deux possibilités aux jeunes camerounais :
· intégrer les associations performantes qui font la promotion du Président de la république camerounaise et de son épouse,
· ou alors se lancer dans l’aventure de l’immigration internationale avec ce que cela comporte de risques et d’incertitudes.
La diaspora camerounaise soutient que les tueries de février 2008 font partie des pratiques macabres d’un pouvoir camerounais qui oblige ses jeunes à rêver leur vie à l’extérieur du Cameroun. D’où le fait que la dictature camerounaise est un puissant moteur à l’immigration clandestine qui alimente les réseaux mafieux, les sans-papiers en Occident et l’exploitation des trafics d’êtres humains.
La Diaspora camerounaise pense que des régimes responsables en Afrique en général et au Cameroun en particulier, seraient des remparts solides contre l’immigration clandestine. Les jeunes camerounais constituent la population majoritaire dans plusieurs camps de rétention en Occident parce que, pas issus des familles élitistes au pouvoir, le sort qui leur est réservé est soit la délinquance, soit la mort sous les balles de l’armée ou la précarité la plus extrême ad vitam aeternam.
La Diaspora camerounaise travaille et milite pour l’avènement d’une jeunesse camerounaise qui rêvera sa vie au Cameroun et en Afrique via des institutions camerounaises démocratiques, solidaires et justes.
La Diaspora camerounaise encourage la jeunesse camerounaise à ne pas sombrer dans la peur de la terreur du régime en place et de continuer à crier haut et fort ce qu’elle pense et souhaite pour sa vie.
4-Le rôle de la Diaspora camerounaise communauté internationale
En tout temps, la communauté internationale a été un acteur de
poids dans l’évolution des systèmes politiques nationaux malgré le fait
qu’elle soit parfois engluée dans des prises de positions partisanes
inévitables car liées aux intérêts géostratégiques, politiques et
économiques des Etats.
Il est donc primordial que d’autres acteurs non étatiques puissent y jouer le rôle de défiance, de surveillance et notation des régimes aux comportements contraires au Droits de l’Homme, dont notamment les régimes africains dans le cas d’espèce.
La Diaspora camerounaise a endossé ce rôle d’acteur politique non étatique de la communauté internationale.
La célébration qu’elle a désormais instituée efficacement de la
répression sanglante des manifestations citoyennes de 2008 au Cameroun,
sert de relai et de porte-voix aux cris stridents des peuples africains
et camerounais en proie à une conception du pouvoir dont le but est de
se reproduire par la négation de la vie et de l’espoir.
La Diaspora camerounaise confirme qu’elle continuera à jouer ce rôle sans relâche auprès de tous les Etats, des organisations internationales et des associations qui mettent en lumière les atrocités des dictatures africaines et participent à des dynamiques constructives pour l’émergence du continent africain.
La Diaspora camerounaise soutient que le destin de l’Afrique en général et du Cameroun en particulier n’est pas la dictature et le déclin.
Par conséquent :
Nous nous engageons à assurer partout où besoin sera, cette revendication essentielle pour la fin de l'impunité au Cameroun.
Nous nous engageons, convaincus du lien nécessaire entre la fin de
l’impunité et l’avènement réel de la démocratie, à œuvrer pour
l’avènement d’un nouveau pacte républicain exigeant, entre autres
conditions essentielles, une transparence électorale via la création
d’une commission électorale indépendante en lieu et place d’Election
Cameroun (ELECAM).
Fait à Bruxelles le 28 février 2013
LES SIGNATAIRES
1. Elie KADJI, Président du CEBAPH
2. Koko ATEBA, Présidente de l’ACP-DH
3. Mpodol Franklin NYAMSI, Professeur Agrégé, Homme politique
4. Théodore POUFONG, Président SDF Benelux
5. Guy FOKOU, Président de la Fondation Moumié
6. Thierry AMOUGOU, Enseignant-chercheur UCL, Personnalité indépendante
7. Oumarou ROUFAOU, Président de l’APJE
8. Hubert DUCARME, Porte-parole du Groupe de soutien à Paul Eric Kinguè
9. Marcel TCHANGUE, Membre fondateur du CODE
10. Chadeline TOGUE, Secrétaire Administratif MDI Afrique
11. Luc BANAMECK, Président du CPMC
12. Jean Marie MOUKAM, Président CCL-Libération
13. Ernest PEKEUHO TCHOFFO, Président du parti politique BRIC