Malversations: Un milliard de FCFA détourné au Crédit foncier
© Parait N. Siki | Repères
Le Crédit foncier du Cameroun (CFC), banque d'Etat chargé de financer l'habitat, devrait aussi s'investir dans la construction des prisons camerounaises, tellement son personnel travaille à les occuper. Après son ancien directeur général, M. Joseph Edou, et son ancien président du conseil d'administration, feu Boto à Ngon, emprisonnés pour détournement de fonds dans le cadre de l'opération Epervier, la gabegie se poursuit.
Il y a environ un mois, un détournement de fonds d'une valeur d'un milliard de francs CFA a été découvert dans l'agence régionale du Sud de l'établissement financier. De fait, des crédits fictifs ont été octroyés par le chef d'agence, M. Mbarga Nsoué, à des clients sans identité tractable, à des tenants de « call box », etc. Bref, la division des risques du Crédit foncier, envoyée à Ebolowa pour évaluer les dégâts, a conclu à des malversations financières dans le but de détourner de l'argent.
Sur le coup, le trou estimé est de 750 millions, octroyés sans espoir de remboursement en six mois seulement. Mais une évaluation plus exhaustive fixe à un milliard les dommages subis par le CFC. Ce qui inquiète la direction générale, quand on sait qu'Ebolowa est la plus petite des dix agences régionales CFC en termes de circulation de la masse monétaire et d'encours.
Au moment où nous écrivons ces lignes, le chef d'agence et ses collaborateurs, complices présumés des malversations, ont été relevés de leurs fonctions à Ebolowa et ramenés au siège à Yaoundé. Il n'est, pour le moment, aucunement question de poursuites judiciaires, encore moins d'une enquête extérieure, genre Commission nationale anti-corruption (Conac) ou Contrôle supérieur de l'Etat. Les présumes coupables bénéficient donc, au moins d'une impunité, sûrement de certaines protections dans la maison.
Des employés observent que M. Mbarga Nsoué est un protégé du Pca actuel, M. Jules Doret Ndongo, secrétaire général des services du Premier ministre. Des «couvertures» qui expliqueraient que les voyants d'alerte ne se soient pas allumés. Pire, la dernière mission de contrôle qui a examiné les comptes de l'agence d'Ebolowa, n'a rien relevé. Ce sont en effet des clients militaires qui alertent la direction générale du Crédit foncier à Yaoundé. Mis au parfum des manœuvres du chef d'agence CFC d'Ebolowa, ils écrivent une lettre de dénonciation au directeur général, M. Camille Ekindi.
Les cadres de la maison indiquent que cette affaire est gérée comme une métastase des conflits de clans au sein de l'entreprise, où on se protège les uns contre les autres. Le contrôle interne de l'entreprise, noyauté dans ces batailles, est donc en faillite, incapable de faire son travail en toute indépendance. Les anciens d'au moins 20 ans dans la maison sont opposés aux nouveaux qu'ils regardent comme une menace pour leurs intérêts. C'est qu'il « existait un laxisme de gestion, qui permettait au personnel de tirer un chèque chaque fois qu'il avait un besoin d'argent », indique un cadre de la maison. Le débit en compte du personnel du CFC, qui touche environ 60 % des anciens, est estimé à plus d'un milliard de F CFA, pour 180 employés. Pourtant le contrôle interne est si défaillant que cette dette est découverte par à-coups, au hasard de la chance. «Parfois en effectuant une opération, on tombe sur une créance due par des employés du Crédit foncier. On dirait qu'ils les dissimulent dans le système informatique», confie une source interne.
Face à ces oppositions internes, manifestement nocives pour l'entreprise et avec des relents tribaux, le directeur général hésite à trancher. Les atermoiements de M. Camille Ekindi, légendaires au sein de la boîte, font craindre une dérive managériale. La restructuration de l'établissement exigée par la commission bancaire de l'Afrique centrale marque le pas, à cause entre autres de l'action des forces centrifuges. Huit ans après son démarrage.