Mali : Les putschistes se dégonflent
Mali : Les putschistes se dégonflent
La colère et la risposte du commando de chefs d'Etat sont à la hauteur de l’affront subi : empêchés jeudi 29 mars dernier d’atterrir à l’aéroport international Bamako-Sénou, où des partisans de la junte qui a renversé Amadou Toumani Touré (ATT) une semaine plus tôt avaient occupé le tarmac, le président en exercice de la CEDEAO, l’Ivoirien Alassane Dramane Ouattara (ADO), et ses homologues burkinabè, Blaise Compaoré, béninois, Yayi Boni, nigérien, Mahamadou Issoufou, et libérien, Hellen Johnson Sirleaf, se sont repliés à Abidjan pour un sommet de crise. En fin de journée, ce n’est pas de la fumée blanche qui est sortie de la plateforme aéroportuaire abidjanaise, mais la menace de sanctions politiques, économiques et financières si le capitaine Amadou Haya Sanogo n’abdiquait pas dans les 72 heures.
C’est donc hier dimanche des Rameaux que l’ultimatum a expiré, mais les usurpateurs n’auront pas attendu le deadline pour donner des gages de bonne volonté : d’abord avec les excuses présentées aux «indésirables» par les nouveaux occupants du palais de Koulouba ; puis avec la délégation expédiée dare dare à Ouagadougou samedi matin pour échanger avec l’expert ès médiation de Kosyam avant que Djibril Bassolet, le ministre burkinabè des Affaires étrangères, ne se rende dans la soirée même à Bamako pour poursuivre les discussions. Résultat de ce chassé-croisé diplomatique, les nouveaux maîtres du pays se disent disposés à décamper dans les meilleurs délais.
En attendant qu’ils rendent effectivement gorge, on ne peut que se féliciter de cette disposition d’esprit. Les menaces de la CEDEAO auront donc produit l'effet escompté, montrer aux putschistes sa détermination à user de tous les moyens pour un retour rapide à une vie constitutionnelle normale. Il faut dire que l’organisation sous-régionale avait fait fort, et la batterie de mesures préconisée était pour le moins dissuasive, puisqu'étaient envisagés :
- la suspension du Mali de toutes les instances de la CEDEAO ;
- le rappel des ambassadeurs des Etats membres de la CEDEAO accrédités au Mali pour consultation ;
- l'interdiction aux membres du CNRDRE et à leurs associés de voyager dans l’espace de la CEDEAO ;
- la fermeture des frontières des Etats membres de la CEDEAO sauf pour les cas humanitaires ;
- le gel des avoirs des différents responsables du CNRDRE et de leurs associés dans les pays membres de la CEDEAO ;
- la fermeture au Mali de l’accès aux pays côtiers de la CEDEAO ;
- le gel des comptes du Mali à la BCEAO ;
- le non-approvisionnement des comptes de l’Etat malien dans les banques privées à partir de la BCEAO ;
- le gel des concours financiers à partir de la BOAD et de la BIDC.
C’est, on se rappelle, la même potion douloureuse qui avait été mutatis mutandis administrée, il y a un an, à Laurent Koudou Gbagbo, coupable de ne pas reconnaître sa défaite à la présidentielle face à ADO avant que les armes de Guillaume Soro, de la France et de l’ONUCI ne lui portent l’estocade finale. C’est dire si la stratégie de l’étouffement est on ne peut plus efficace et, surtout, plus rapide et facile à mettre en œuvre qu’une improbable intervention militaire. De ce fait, les imposteurs de Bamako n’auront pas attendu que la CEDEAO, qui, soit dit en passant, utilise en partie des instruments de l’UEMOA pour fermer le robinet, assèche le fleuve Djoliba avant de s’exécuter, cela, d’autant plus que certains partenaires au développement tels la France ou les Etats-Unis avaient commencé à geler tout ou partie de leur coopération. Pour autant, la réceptivité du capitaine Sanogo n’était pas acquise d’avance, car, acculé comme il l’était, il pouvait tout aussi bien se raidir dans un entêtement, certes suicidaire, mais qui aurait eu l’heur de flatter l’orgueil du militaire qui, habituellement, ne se rend pas à la première adversité. La sagesse, on devrait plutôt parler de lucidité, aura donc prévalu, et c’est tant mieux pour le Mali, dans la mesure où il y a plus urgent dans la situation actuelle, qui finit par donner le tournis.
Car pendant que les politiciens se chamaillent, les rebelles touarègues du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et les fous d’Allah d’Ansar Dine, qui veulent l'indépendance de la partie nord parce qu'ils se sentent à l'étroit dans le grand boubou malien, continuent d’avancer. Ils avaient dans tous les cas prévenu, il n'y aurait pas de trêve et ils profiteraient de ce flottement à la tête de l’Etat pour gagner du terrain, question sans doute de discuter le moment venu en position de force. Et des morceaux de territoire, ils en ont vraiment grignoté face à une armée régulière mal équipée, peu motivée et sans véritable commandement. Kidal, la grande métropole du nord est ainsi tombée, puis Gao, en attendant sans doute Tombouctou si rien n’est fait
On comprend donc que les putschistes, entrés par effraction dans l’histoire du Mali et qui le regrettent peut-être maintenant, cherchent une porte de sortie honorable pour se débarrasser de la patate chaude, de la même manière qu’ATT, qui avait déjà la tête ailleurs, trépignait d’impatience à refiler le boulet à son successeur. En appelant à l’aide internationale pour contrer les croquants du septentrion, c’est quelque part un aveu d’incapacité qu’ils confessent ; le comble pour des gens qui avaient instruit le procès en incompétence du mari de Lobo pour justifier son renversement.
Il faut maintenant croire qu’une fois ATT remis en selle ou la solution constitutionnelle de vacance du pouvoir enclenchée par le biais du président de l’Assemblée nationale, Diocounda Traoré, les redresseurs de tort de la sous-région et leurs alliés occidentaux iront jusqu’au bout de leur logique en aidant le Mali, de façon vigoureuse, à sortir de l'impasse et à recouvrer l’intégralité de son territoire. Après tout, s’ils peuvent, ainsi qu’ils le clament depuis une dizaine de jours, utiliser la force pour restaurer l’Etat de droit, ils peuvent tout aussi bien aider à repousser les assaillants, car c’est faute d’avoir soutenu leur homologue qu’ils sont tous aujourd’hui dans cette m…