Lutte contre la corruption: Paul Biya perfectionne la machine

Yaoundé, 21 mai 2013
© André Michel Bayiha | La Nouvelle

Avec la mise en place des appareils de contrôle, d'investigation, de dénonciation et de répression, Paul Biya qui ne veut pas se laisser distraire, a véritablement fait de la corruption son ennemi juré.

Pendant que l'attention de tous les Camerounais est focalisée sur la liste des 30 sénateurs de Paul Biya devant compléter la liste des 70 qui viennent d'être nouvellement élus à la Haute Chambre de notre Parlement, le Président de la République, dans sa technique habituelle de spécialiste de l'inattendu, crée un corps spécial de police devant travailler main dans la main avec le Tribunal Criminel Spécial, créé il y a quelques temps. Diversion? Distraction? Divagation? Acharnement contre individus? Envie d'en découdre avec les vieilles méthodes d'enquête de gendarmerie et de police? Le moins qu'on puisse dire en tout cas, est que le questionnement des observateurs avertis au sujet de cette nouvelle trouvaille du Nnom Ngui a fait le tour de l'imagination et laisse perplexe à plus d'un titre. Si pour certains spécialistes de la critique, le nouveau décret de Paul Biya est un désaveu de Jean Baptiste Bokam et de Martin Mbarga Nguélé, pour le premier Camerounais, il semble que l'essentiel se trouve dans l'avenir du Cameroun doté des instruments propres à l'assainissement de l'appareil administratif. L'opposition camerounaise en majorité et plusieurs autres regards noirs de la politique du Renouveau ont, il y a quelques années, présenté la CONAC comme une nouvelle pompe à sous pour les affidés de Paul Biya. Cependant, une fois la traque version CONAC lancée, les dénonciations des actes de corruption, sous la houlette du regretté Paul Tessa, ont levé plusieurs lièvres, même dans le camp de ceux qui pensaient n'avoir rien à se reprocher. Les acteurs de la critique d'hier, ont fini par comprendre aujourd'hui que si la CONAC n'existait pas, il fallait tout faire pour la créer.

De même, lorsque le Président de la République a mis en place l'Agence Nationale d'Investigation Financière (ANIF), des voix se sont élevées pour fustiger la méthode Biya, accusée d'être porteuse de beaucoup de surcharge structurelle. Mais lorsque les personnes impliquées dans les transactions financières et bancaires peu orthodoxes se sont vues dépistées, l'opinion a compris quelle était la nécessité de la création d'un tel appareil. Selon une source digne de foi, plusieurs prévaricateurs, à cause de l'ANIF, ont cessé de planquer des milliards dans les banques; certains ont plutôt opté pour la technique du coffre-fort à domicile. Les nombreux vols de fortes sommes d'argent perpétrés dans certains domiciles en disent long sur ce comportement qui voudrait se dérober du regard de l'ANIF. Ainsi, que ce soit la Chambre des Comptes ou encore récemment, le Tribunal Criminel Spécial auquel on vient d'adjoindre un corps spécial des Officiers de Police Judiciaire, point besoin d'utiliser des jumelles pour savoir que l'homme du 6 novembre a profondément envie d'en finir avec la gangrène de la corruption ou tout au moins laisser après son départ, un appareil fiable dans la réduction de la marge de manœuvre du virus de cette maladie invétérée au Cameroun.


Souci d'efficacité

On sait depuis le passé que le Contrôle Supérieur de l'Etat est spécialisé dans la supervision générale de la gestion par l'Etat des moyens à sa disposition. S’il est communément admis que cette institution a toutes les prérogatives nécessaires pour traquer les écarts de comportement des administrateurs publiques, pourquoi autant de créations de la part de Paul Biya allant dans le même sens? En réalité, tout se passe comme dans un film western où l'acteur principal a tout le mal du monde à attraper le chef-bandit, car ce dernier à plus d'un tour dans son sac. Tout au long du film, il est clair que plus le chef-bandit est rusé, plus il faut de l'intelligence à l'acteur principal pour réduire sa capacité de nuisance. Plusieurs analystes s'accordent aujourd'hui pour attribuer à Paul Biya le rôle d'acteur principal dans la lutte contre la corruption et quoiqu'on pense, l'homme ne se cache pour dire qu'il en fait une grosse préoccupation. «La lutte contre la corruption va se poursuivre, en s'intensifiant», dit-il lors du 3ème congrès extraordinaire du RDPC en 2011. Bien que l'utilisation du participe présent «s'intensifiant» soit quelque emphatique, il reste révélateur d'un souci de montrer que la nécessité de passer à l'étape supérieure s'impose dans le combat contre le vol de la fortune de publique. 2 raisons principales vont sous-tendre cette intensification.

D'une part, il faut reconnaître que l'argent détourné constitue à n'en point douter une masse importante voire inquiétante pour notre économie, au point où plusieurs structures ont fermé les portes et ont envoyé au chômage plusieurs Camerounais. D'autre part, il faut également souligner le plus grand pourcentage des détournements «musclés» tourne autour des hautes personnalités de la République, devenues des véritables chefs-bandits ayant une parfaite maîtrise de l'appareil étatique. Il s'agit pour la plupart du temps des hommes et femmes intellectuellement bien constitués, ayant appris à un très haut niveau le fonctionnement du budget voté chaque année, Ils savent exactement où puiser sans se faire repérer ou sans laisser des traces, constituant ainsi pour l'acteur principal une proie difficile à attraper ou à simplement incriminer. «Nul ne pourra se prévaloir d'être au-dessus des lois», poursuivra Paul Biya dans son discours, pour laisser apparaître en filigrane la mise en cause de ceux qui se sont toujours considérés comme intouchables malgré les frasques qui les suivent assidûment.

De part leur expérience, leur carrure politique et leur statut social, il est devenu difficile de les prendre à contre-pied. On se souvient pour le cas de Urbain Olanguena, ex-Ministre de la Santé, incarcéré, que les sommes à lui imputées sont allées en s'amincissant tout simplement à cause de l'amateurisme des inspecteurs d'Etat qui n'ont pas pu défaire les nœuds amorcés par le haut commis de l'Etat. Autrement dit, le constat du détournement est là, mais les preuves font défaut. Or, la justice travaille essentiellement avec les démonstrations logiques avant toute incrimination.

On comprend dès lors l'effort constant et soutenu de Paul Biya à rechercher la meilleure méthode pour être au parfum des manigances du «chef-bandit». C'est en cela qu'il est logique de penser que le nouveau corps spécial auprès du TCS a toutes les raisons d'exister. Il n'y a aucun choix à faire de nos jours, c'est la seule issue pour assainir l'appareil administratif si on tient à aller au rendez-vous de l'émergence en passant les Grandes Réalisations.


22/05/2013
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