L’interpellation de personnalités en vue, dans le cadre de la lutte contre les atteintes à la fortune publique, n’avait jamais autant fait couler encre et de salive que depuis le 16 avril dernier. Suite au placement en détention préventive de MM. Ephraim Inoni et Marafa Hamidou Yaya pour « détournement de deniers publics en coaction et complicité », les réactions les plus diverses ont fusé au sein de l’opinion publique. Moins que les chefs d’inculpation retenus contre ces deux anciens hauts responsables de la République, ce sont davantage leur stature et leurs précédentes positions dans les hautes sphères de la direction du pays qui semblent avoir le plus suscité l’émoi.
Il est sans doute tout à fait compréhensible que l’interpellation de pas moins qu’un ancien Premier ministre et un ex ministre d’Etat revête une intensité dramatique autrement plus prégnante qu’un banal fait divers. Pour autant, le fait que la machine judiciaire, implacable par essence, se remette en branle, devrait rappeler à tout un chacun le fameux proverbe latin : « Dura lex, sed lex ». « La loi est dure, mais c’est la loi » ; dans la mesure où les lois s’appliquent – ou sont censées s’appliquer – sans discrimination, même à tout citoyen jusque-là connu pour être honnête et méritant, mais tombé sous le coup de la loi. Le déclenchement de la procédure judiciaire devrait d’autant moins être influencé par le niveau des responsabilités antérieures des personnalités en cause qu’il intervient dans un contexte suffisamment connu.
L’autre aspect et non des moindres à considérer dans cette affaire, c’est que l’appareil judiciaire a le loisir de déployer son action dans un environnement clarifié. Un dispositif institutionnel de lutte contre la corruption bien structuré fonctionne, qui comprend notamment : la Chambre des Comptes de la Cour suprême qui juge de la régularité des comptes de l’administration publique et de ses démembrements ; la Commission nationale anti-corruption (CONAC) qui est passée de la phase pédagogique à une phase véritablement opérationnelle ; l’Agence nationale d’Investigation financière (ANIF) ; le Contrôle supérieur de l’Etat ; l’Agence de Régulation des Marchés publics (ARMP).
A l’action de ce dispositif institutionnel, il convient d’ajouter le rôle répressif des juridictions nationales traditionnelles. Last but not the least, une nouvelle juridiction à la compétence plus pointue a vu le jour. Il s’agit du Tribunal criminel spécial institué aux termes de la loi promulguée le 14 décembre 2011, dispositif de répression conçu pour être efficace et plus rapide dans les procédures concernant les affaires de détournement des deniers publics portant sur des montants d’au moins 50 millions de francs.