L’urgence de revaloriser les diplômes requis pour l’accès à des fonctions et à des formations au Cameroun
La qualité des ressources humaines est une donnée essentielle, voire apodictique pour le développement d’un pays. Ce développement n’est justement pas à entrevoir sous le prisme de la métaphore d’un enfant qui nait et qui doit grandir par la magie de la providence et de la grâce divine. Il s’agit d’une planification ! D’une planification qu’on souhaiterait indicative et qui tient compte de l’environnement international. La planification suppose donc un certain arrimage aux normes exogènes sans renoncement aux réalités socio-anthropologiques locales.
Nos Etats en Afrique restent à tort les principaux employeurs. Les formations sont très inadéquates et peu conséquentes pour une vision économique axée sur la dynamisation des PME et des PMI, grandes pourvoyeuses d’emploi. Cependant, ce que nous n’arrivons toujours pas à intégrer, c’est que chaque agent de l’Etat est un acteur économique. Ce n’est pas une lapalissade que de le dire, car cela nous échappe tout le temps, sinon comment expliquer qu’après plusieurs décennies, aucune réforme n’ait été menée dans la revalorisation des niveaux et minima requis dans l’accès aux différentes formations dans nos grandes écoles ? Que valent aujourd’hui les diplômes camerounais dans nos administrations ? À quoi servent, de nos jours, les diplômes comme le Brevet d’études du premier cycle (BEPC) ou même le Baccalauréat ? Le Cameroun compte une bonne huitaine d’universités dites d’Etat et de nombreuses institutions de formations universitaires qui prolifèrent encore et encore, et qui produisent des milliers de diplômés, mieux, des chômeurs diplômés. Le gouvernement camerounais dépense beaucoup d’argent du contribuable pour former des gens qu'il a la certitude de ne jamais employer ou même de faciliter leur insertion dans le secteur privé.
Les experts du ministère de l’enseignement supérieur annoncent un chiffre de près de 600 000 étudiants d’ici 2020. Nous arrive-t-il de nous poser la question de savoir comment on intègrerait socio-économiquement tout ce monde ? Que faisons-nous réellement pour des milliers de licenciés, master ou DEA qui arpentent les couloirs des marchés alors qu’on peut devenir par ailleurs « inspecteur de police » avec le BEPC et aller justement humilier, dans lesdits marchés, ces Camerounais sortis des universités, qui ne demandent qu’à vivre, pendant que leurs bourreaux vivent sans y penser. On aime à dire parfois avec raison, que la majorité des formations dont les minima requis relèvent de la compétence des diplômes de l’enseignement secondaire, ont pour préposés des gens bien au delà de ces niveaux. N’est-ce donc pas un motif nécessaire et suffisant pour engager des réformes et remettre chaque formation à son juste niveau ? Le déséquilibre régional qu’on aime à évoquer pour justifier le blocage est-il encore vraiment d’actualité ?
La problématique de résorption du chômage, dans un environnement aussi complexe, ne réside pas exclusivement dans le recrutement tout azimut de tous évidemment. Mais, dans l’assurance et la correspondance des valeurs dans l’ensemble de postes et fonctions requis. La recherche du bien-être collectif, en faisant osciller démocratie de masse et démocratie plébiscitaire, peut conduire la puissance publique à la mal gouvernance et faire d’elle, un mauvais gestionnaire. Cependant, en présence d’un secteur privé quasi inexistant, tout Etat qui croit à un devenir et qui pense sa modernisation par le truchement de visions claires et partagées par la majorité, fait contre mauvaise politique, justice sociale au moins. C’est bien de cela qu’il s’agit. A chacun selon son niveau. Sinon, on donne l’impression que la compétence n’est plus obligatoire. Il est bien possible, en l’état actuel, d’organiser les sélections en respectant les équilibre sociologiques.
L’approche pédagogique de l’ « inspecteur de police » que nous assumons dans cette réflexion est révélatrice de deux choses : la sensibilité de la profession et surtout des réalités d’une société où la fonction et les avantages qu’elle procure (l’article 2) a pris le pas sur l’amour du travail bien fait et le sens du devoir. Loin de nous de stigmatiser cette noble profession qui ne nous sert que d’exemple en réalité. Pour devenir inspecteur de police au Cameroun, il faut avoir obtenu au moins un brevet d’études du premier cycle ou l’équivalent, contre le même diplôme en France que nous aimons à citer en exemple, pour être un simple agent de police municipale. Pour devenir inspecteur de police en France (ce qu’on appelle aujourd’hui lieutenant de police), il faut avoir obtenu au moins un BAC plus trois années de formation supérieure et un master II pour les commissaires.
Le travail oh combien exaltant de l’inspecteur de police que nous voyons dans les films américains est un ampèremètre social qui permet d’indiquer la puissance éthique et morale de la société américaine qui a confié sa sécurité à une profession bien outillée. Nous ne disons pas que les nôtres ne le seront jamais. Cette réflexion à pour but d’attirer l’attention du décideur sur le fait que la vraie valeur d’une profession réside plus dans la qualité des hommes et des femmes, plutôt que dans les différents prestiges qu’elle procure. Chaque fois qu’un agent de l’Etat a le complexe de la formation, il cesse d’être efficace, car il est plus soucieux de combler un vide ou même de s’en contenter plutôt que de travailler réellement.
Lorsqu’à un concours de niveau BEPC, les candidats ont majoritairement au moins le BAC, voire des masters et des DEA, cela veut dire que le diplôme en question n’a plus droit de cité pour ladite formation. C’est le dévaloriser tout simplement. En élevant, par exemple, les niveaux de formation des gardiens de la paix au BAC des I.P. à la licence, des O.P. au master et les commissaires au Doctorat, en l’état actuel du nombre de diplômés de l’enseignement supérieur dans l’ensemble des régions du Cameroun, on ne court aucun risque d’entamer les recettes issues des frais de concours (puisque c’est aussi ça le débat), au contraire on revalorise les diplômes, la formations et même la profession.
Quand on veut assainir les mœurs autour des finances publiques dans un pays sérieux, il devient difficile d’imaginer qu’à l’issue d’une formation de niveau 3e, quelle qu’elle soit, quelque soit le niveau réel des préposés, qu’on puisse mener avec succès une enquête économique de haut niveau. Les formations inférieures, ouvertes aux personnes de niveau supérieur, sont des moments de grands complexes. Ils trouvent tout évident en effet parce qu’ils n’ont en réalité aucune limite à repousser. A quoi sert véritablement la formation dans ce cas ? La preuve, c’est que la moyenne générale à Mutengene est souvent autour de 17 de moyenne, sans qu’on n’en mesure l’impact réel sur la protection des personnes et des biens. Quand on a le sentiment de valoir mieux que ce qu’on est ou se qu’on fait, on a tendance à s’ériger autour de soi-même des barrières incompatibles au progrès.
Par ailleurs, ceux qui auraient uniquement le BEPC, toujours dans cet exemple (pour rester dans la métaphore de l’I.P.), sont des éternels frustrés qui ne rêvent que d’une chose, devenir officier de police par tous les moyens. Les facultés de droit de l’ensemble de nos universités d’Etat, notamment les filières capacités (CAPA) où s’entrechoquent tricherie et trafique d’influence, sont le grand théâtre de ce que nous décrions à travers cette tribune. Le profil des candidats y est très indicateur de l’inertie décriée et du niveau réel de certains pans entiers de notre administration. Ce n’est pas le renforcement des capacités des agents qui est ici questionnable, mais plutôt le cafouillage qui y règne, grand témoin de la course aux prestiges que confèrent les avancements et autres reclassements. Le « raccourci capacitaire » est aussi la conséquence du mode de sélection à la base et dénote de la faiblesse des réformes dans la formation pour le renforcement des capacités des agents de l’Etat.
A quoi sert réellement une telle formation quand on a un LMD qui fonctionne ? Est-ce vraiment penser le développement d’un pays que d’entretenir la brouille cognitive pendant que des personnes bien formées arpentent les couloirs des marchés jouant les sauveteurs ? Lapiro de Banga, d’heureuse mémoire, aimait à dire que le chemin de Ngoa Ekellé n’est pas essentiellement celui du sauveteur qui n’a même pas besoin d’une quelconque proposition du personne, mais de 5 ans d’espérance.
L’Etat qui choisit de biaiser les mécanismes de sélection de ses agents, s’engage dans une triple perte financière. Il a dépensé beaucoup de son argent pour former des gents dont il a la conviction de ne jamais s’en servir. Le temps passé à l’université représente aussi des années d’expérience en moins sur les étals des marchés et sur des motos taxis. Il perd surtout en efficacité parce qu’il nivelle les formations de son personnel par le bas.
Le nivellement par le bas, souvent voulu et même entretenu au sommet de la pyramide, est un grand tort fait à l’économie. Le déséquilibre régional mis à l’index pour normaliser l’échec est injustifié. Car si on a pu trouver 3000 licenciés ressortissants du Grand-Nord pour la seule école normale de Maroua, cela signifie, par ricochet, que chaque région peut et doit pouvoir présenter les candidats dans toutes les formations et à tous les niveaux. Quand on a fait le constat de l’échec subi ou assumé de notre incapacité à relancer notre économie par l’investissement, ayons au moins la décence de choisir des hommes et des femmes qui peuvent par leur compétence rationaliser la dépense au service de tous et de chacun. Messanga Nyamding avait bien raison de dire qu’il est souhaitable, de donner 100 000 mille francs de salaire à ces jeunes titulaires de maitrises ou de masters, plutôt qu’à des personnes au niveau intellectuel flou, comme c'est malheureusement le cas dans nos administrations et nos grandes entreprises.