Des fleurs et des larmes pour Féfé !
L'ancien international camerounais décédé le 10 juin 2013 des suites de maladie, sera conduit à sa dernière demeure demain samedi 13 juillet 2013 à Nkol-Kossé par Monatélé où l'ensemble de la communauté footballistique entend lui rendre un dernier hommage. A la grande surprise de tous, ce héros qui a porté haut les couleurs du pays, sera inhumé sans jouir, ne fusse qu'à titre posthume, de la reconnaissance de l'Etat.
Françoise Mfédé est inconsolable. Soutenue par deux femmes au physique imposant, elle tente désespérément de courir vers le cercueil dans lequel repose désormais son époux. Lequel est conduit lentement vers le corbillard garé à l'entrée de la morgue. « Tu pars où Féfé. Tu me laisses à qui ? », Lâche la pauvre veuve, la voix entrecoupée de sanglots. Vêtue d'un uniforme en bazin, foulard noué et sandales aux pieds, elle suscite de la compassion chez tous ceux qui sont venus ce matin assister à la mise en bière de Louis-Paul Mfédé. En guise de réconfort, certains tentent de trouver des mots justes pour calmer la jeune femme.
« Supporte seulement mama, c'est comme ça la vie. Dieu a donné et il a repris sa créature. Serre le cœur », réconforte des membres de la famille eux aussi en larmes. L'ambiance est lourde et l'émotion à son comble à la morgue de l'hôpital général de Yaoundé. Anciens footballeurs de l'épopée 1990, amis et connaissances, parents et autres jeunes footballeurs que le disparu a encadrés pendant son passage à la tête de l'encadrement technique de certains clubs d'élite du Cameroun. C'est la tristesse sur tous les visages. Malgré la prière funéraire que vient de dire le prêtre célébrant.
Une douleur compréhensible puisque celui qu'on pleure n'était pas qu'un père de famille, c'était un footballeur hors du commun qui a fait trembler le monde du football pendant l'Italia world Cup en 1990 à travers ce génie qu'il incarnait balle au pied. Pour Martin Ndtoungou Mpilé, Féfé avait aussi une force de caractère capable de bousculer les montagnes. Le coach adjoint des Lions indomptables garde justement de lui le souvenir de ce fameux Mondial 90 pendant lequel « Mfédé a montré qu'il est non seulement un joueur de classe exceptionnelle mais aussi doté d'une force psychologique contagieuse qui suffisait à réarmer le moral de ses coéquipiers pendant les moments de découragement».
Un souvenir que partage Engelbert Mbarga avec qui le disparu a évolué depuis la Coupe Top 1978, en passant par le Canon de Yaoundé jusqu'aux Lions juniors avec lesquels ils ont participé au Mondial de la catégorie en Australie. Comment rester indifférent devant ce talent insolent qui caractérisait l'ancien joueur du Stade Rennais (France) ? « C'est l'un des derniers joueurs camerounais du championnat d'élite à faire lever les foules au stade Omnisport Ahmadou Ahidjo de Yaoundé. Féfé est de ces génies qui ne courent pas les rues. Sur le stade, il donnait l'impression qu'il s'amuse plus qu'il ne jouait ; et c'est cette élégance dans le jeu qui faisait de lui un joueur de classe exceptionnelle», confie l'entraîneur sélectionneur des Lions juniors.
Martyrs
Mfédé qui a écrit les plus belles pages du sport au Cameroun n'est-il pas en train de connaître le même sort que Ruben un Nyobè Ernest Ouandie, Ossende Afana, Abel Kingue, Félix Roland Moumié et d'autres qui ont payé de leurs vies en combattant les forces d'occupation pour libérer notre pays et notre peuple des impérialistes et des envahisseurs ? Qu'importe ! Eugène Ekéké, lui, garde de son ancien coéquipier, l'image d'un footballeur d'un talent rare et d'un guerrier qui savait motiver ses coéquipiers lorsqu'il fallait les conduire à la victoire. « Il a éclaboussé le Mondial 90 de sa classe et sa technique remarquables. Avec son pied gauche magique, il a contribué à nous qualifier pour ce quart de finale historique », se rappelle-t-il.
Thomas Libih rend hommage à la star, au modèle et au rassembleur qu'il a été, mais regrette que le vieux Lion soit mort dans la dèche comme un chien en errance, abandonné par les pouvoirs publics et la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) au moment où celui-ci avait le plus besoin de leur aide pour se faire opérer. L'ancien international camerounais constate pour le déplorer que « nous ne sommes stars que lorsque nous sommes en activité. On vous encense, vous déifie et vous donne tous les honneurs. Une fois que nous ne sommes plus en activité, on vous méprise, vous ignore et vous esquive comme de moins que rien », argue-t-il. C'est bien cela le Cameroun. Après la morgue, la dépouille a pris la direction de la Cathédrale Notre Dame-des-victoires avant la grande veillée au quartier Etetak. Demain samedi, Louis Paul Mfédé retrouvera la terre de ses ancêtres à Nkol-Kossé par Monatélé dans le département de la Lékié. Adieu l'artiste !