« Je suis en train de négocier avec les grandes sociétés pour que les enfants du Cameroun qui sont à l’étranger soient privilégiés dans les recrutements parce qu’ils sont outillés dans tous les domaines »
Parti de Loum où il officie comme édile de la ville, le Président de l’ACADIDE et sa délégation sont tour à tour allés à Paris le 06 septembre 2011, à Bruxelles le 09 septembre 2011 et à La Haye le 10 septembre 2011. Cette initiative personnelle, novatrice et citoyenne qui consiste à faire un plaidoyer envers ses compatriotes de la diaspora pour qu’ils puissent véritablement s’impliquer dans le processus de développement économique du Cameroun, semble avoir rencontré l’adhésion de tous, si du moins on s’en tient à la présence massive des citoyens Camerounais lors de ces différentes rencontres. Après avoir séjourné pendant 26 ans à Paris, Louis Henri Ngantcha est un ancien de la diaspora qui a opté pour un retour définitif au pays natal. D’une humilité et d’un altruisme à nuls autres pareils envers ceux qu’il avait jadis laissés au village, ces derniers avaient décidé que c’est lui présidera désormais aux destinées de leur ville. C’est ainsi qu’il est élu Maire en 2007. Après cette réintégration somme toute réussie, il reprend le bâton du pèlerin en Europe pour sensibiliser ses compatriotes. Nous l’avons rencontré à La Haye.
Après votre tournée à Paris, Bruxelles et La Haye, quelles sont vos impressions ?
Je suis un Président très heureux. Je repars de la Hollande étant très satisfait à cause de la forte mobilisation à laquelle je ne m’attendais pas. Je remercie particulièrement Mme l’Ambassadrice du Cameroun au Pays-Bas pour l’accueil chaleureux qu’elle m’a réservé ainsi qu’à la délégation qui m’accompagnait. Son geste signifie qu’elle comprend et encourage notre action citoyenne. J’ai été très heureux de découvrir une Ambassadrice très ouverte et très proche de ses administrés. Les échanges ont été de haute qualité. Que ce soit à Paris, à Bruxelles ou au Pays-Bas, je me suis retrouvé en face d’une dynamique communauté camerounaise soucieuse du devenir de leur pays qui voudrait apporter sa contribution à l’émergence du Cameroun. Nous avons à l’étranger, des enfants outillés et compétents dans tous les secteurs d’activités et même dans les nouveaux secteurs innovants. Il ne faudrait pas que ceux-ci pensent qu’ils sont mis sur la touche. Si j’ai pris l’initiative de venir rencontrer mes compatriotes de la diaspora, c’est parce que je suis moi-même un fruit de la diaspora pour avoir passé 26 ans en France mais j’ai décidé de rentrer au Cameroun pour faire profiter aux miens l’expertise acquise à l’étranger. Aujourd’hui, je suis élu Maire de Loum et je vis les réalités sur le terrain. C’est vrai que tout ne baigne pas dans l’or au Cameroun mais c’est un pays qui est doté des potentialités énormes. Je crois que mes compatriotes ont bien assimilé mon message et ne ménageront aucun effort pour attraper vigoureusement la perche que je leur tends.
Samedi 25 juin 2011, vous teniez ce type de conférence à l’abbaye de Forest à Bruxelles et quelques temps après votre passage, le droit de vote a été accordé aux Camerounais de l’étranger. Comment avez-vous personnellement accueilli cette nouvelle mesure des pouvoirs publics camerounais ?
Je l’ai accueillie avec beaucoup de joie parce que j’ai personnellement plaidé pour que le droit de vote et la double nationalité soient accordés aux Camerounais de l’étranger. Aujourd’hui, ce droit de vote est une réalité et c’est un acquis pour la diaspora parce que le vote en démocratie, c’est l’instrument qui permet à un citoyen de s’exprimer. Le vote est également un moyen de pression qui permet qu’on se fasse entendre. Désormais chaque Camerounais de la diaspora peut écrire à n’importe quel grand candidat pour lui demander ses projets pour la diaspora et lui présenter les doléances de celle-ci. Le vote est donc très important en démocratie.
Ces Camerounais de la diaspora exigeaient aussi des pouvoirs publics, la double nationalité. Ils se sentent frustrés parce qu’ils ne peuvent pas voter en raison de la nouvelle nationalité acquise dans leurs différents pays d’accueil. A votre avis, qu’attendent les pouvoirs publics pour la leur accorder ?
J’ai entendu ces récriminations à Paris, à
Bruxelles et ici en Hollande. C’est vrai que dans les doléances, il y
avait le droit de vote, la double nationalité et les meilleurs cadres
pour les investissements. Nous avons eu le droit de vote et non la
double nationalité. Selon mes informations, La double nationalité n’a
pas été accordée pour deux raison. Primo, il était plus facile pour le
gouvernement d’accorder le droit de vote que la double nationalité. Le
droit de vote dépend directement de l’Etat mais la double nationalité
est complexe parce que le Cameroun a signé des accords avec toutes les
missions diplomatiques accréditées à Yaoundé qui savent que le Code de
nationalité camerounaise ne mentionne pas cette double nationalité.
Quand un citoyen prend une autre nationalité autre que celle du
Cameroun, il perd immédiatement la nationalité camerounaise et devient
citoyen de son nouveau pays d’accueil envers lequel il jouit de ses
droits et remplit ses devoirs. C’est scellé dans les registres de ces
pays étrangers et pour lever ce verrou et accorder la double nationalité
(car la responsabilité sur l’individu sera désormais partagée entre les
deux pays), il faut mettre les mécanismes diplomatiques en marche. Ce
n’était donc pas possible qu’on accordât cette double nationalité au
même moment que le droit de vote. Secundo, les Camerounais naturalisés
payent les droits de visa quand ils veulent se rendre au Cameroun et
lesquels font partie des recettes de l’Etat. Ces droits de visa sont
budgétisés et inscrits dans la loi de finance. En cours d’année
budgétaire, on ne saurait modifier une loi de finance pour se délester
de ces recettes sans avoir au préalable préparé les mesures
d’accompagnement. A mon sens, cette deuxième raison est subsidiaire. La
raison principale c’est que, les mécanismes diplomatiques, dans le cadre
des accords de partenariat, ne sont pas encore mis en branle pour que
les verrous soient levés.
Je dois également dire à nos frères et sœurs de la diaspora qui se
sentent frustrés parce qu’ils n’ont pas droit au vote, qu’ils
comprennent qu’on ne peut pas tout faire à la fois mais ça ce fera. La
double nationalité viendra en son temps. Il faut juste un peu de
patience.
Lors de vos différentes interventions, vous avez parlé de l’inorganisation de la diaspora et vous avez suggéré la création d’une plate-forme. Pouvez-vous être plus explicite ?
Quand je parle de l’inorganisation de la diaspora,
c’est une simple observation que j’ai pu faire. Parmi toutes les
diasporas, la nôtre est la plus inorganisée. Les autres dans le monde
entier ont une structure qui les fédère. Les Camerounais créent des
associations culturelles de leurs villages et régions respectifs mais il
n’ya nulle part une structure faîtière à laquelle, on peut s’adresser
et au nom de laquelle on peut intervenir. Pour être audible et crédible,
il faudrait que les diasporas créent ce genre de structures faîtières
et lesquelles seront sous-tendues par leurs différentes associations.
Ceci pour éviter les sons de cloches divergents.
On verra ainsi la naissance d’une super structure dans chaque pays et in
fine, elles pourraient s’associer pour monter des projets communs.
L’Etat qui régule le pays, ne peut pas négocier avec tous les
Camerounais pris individuellement mais avec des structures organisées.
Seule la création d’une plate forme, interlocutrice valable de l’Etat,
peut résoudre les problèmes de la diaspora liés aux droits de douane
surélevés, aux droits de visas, à la fiscalité qu’elle souhaite réduite
etc… C’est autour d’une table que ces négociations peuvent être bien
menées pour que chacun trouve son compte. Quand je parle de l’Etat, je
ne parle pas d’un parti politique. L’Etat qui est incontournable n’est
malheureusement pas un parti politique. La diaspora doit également
respecter les institutions de la République car on ne peut pas discuter
avec une personne si on conteste sa légitimité. Tout doit se passer dans
un cadre républicain. C’est le plaidoyer que je viens faire aux
Camerounais de la diaspora pour qu’elle crée une plate-forme qui n’aura
aucune coloration politique mais qui va œuvrer pour le bien-être des
Camerounais de l’étranger.
C’est votre plaidoyer certes, mais
quelles actions l’ACADIDE peut-elle mener pour amener les pouvoirs
publics à de meilleurs sentiments vis-à-vis de cette diaspora ?
Le fait que je vienne rencontrer mes compatriotes de la
diaspora pour discuter avec eux pendant des heures, cela prouve que je
pense du bien d’eux et je suis d’autant plus convaincu que les choses
vont bouger dans le bon sens quand je vois les gens au Cameroun
s’intéresser à nos actions. Tout ce que je fais en Europe est retransmis
dans nos chaînes de télévisions locales et les familles camerounaises
qui ont les leurs à l’étranger apprécient et encouragent nos
initiatives.
Ces familles sont contentes quand elles voient les enfants du pays
discuter pendant des heures sur l’avenir du Cameroun. Et c’est une autre
image qu’elles voient et non pas toujours celle qui est plus visible,
notamment celle qui invective, qui porte plainte au Président de la
République, qui casse et qui brûle, qui écrit aux organisations
internationales pour qu’elles ne financent pas les projets au Cameroun
etc … Je serai obligé de vous dire que la grande partie de la diaspora
est responsable et œuvre pour la prospérité du pays. Elle agit
efficacement mais discrètement.
Maintenant, quand je rentre au Cameroun, j’essaie de faire du lobbying
en envoyant des rapports à des endroits bien précis pour que les
doléances recueillies en Europe, soient prises en compte, ne serait ce
que partiellement. En plus du site internet que vais mettre en ligne et
qui donnera les informations justes du pays dont a besoin la diaspora,
je suis en train de négocier les contrats avec les grandes sociétés qui
opèrent au Cameroun pour qu’elles puissent embaucher 50% au moins des
Camerounais de la diaspora répondant aux critères de sélection. Je
souhaite que la primauté leur soit accordée parce qu’ils sont outillés
et respectés dans leurs pays d’accueils. Pourquoi ne serviraient-ils pas
leur pays d’origine si toutes les conditions sont réunies? Ce sera une
façon pour moi de créer l’emploi. Bien plus, pendant la campagne
électorale qui s’annonce, j’enverrai des protocoles d’interviews aux
grands candidats pour qu’ils donnent leur vision et présentent leurs
projets sur la diaspora qui participe au scrutin pour sa première fois.
Après nous ferons des propositions au Gouvernement.
C’est une candidature naturelle. Je suis de ceux qui ont milité pour qu’il accepte d’être candidat à l’élection présidentielle parce que j’estime il a encore à apporter au Cameroun. Il doit mener à bien tous les projets et les chantiers qu’il a ouverts. Il est objectivement à ce jour, le meilleur risque pour notre pays. Dans ce monde en grande mutations, plein de vautours et de requins, il faut à la barre de notre pays, un homme fort plein d’expérience comme lui. Un homme d’Etat qui sait où il va. Le pays n’a pas besoin d’amateurs mais d’un homme comme lui doté d’une expérience et d’un savoir-faire indiscutables. Le moment venu, il organisera la transition et passera la main à celui qu’il aura préparé pour le bien du pays et s’en ira pour profiter d’un repos bien mérité.
La diaspora participe pour la première fois à ce scrutin. Quelles leçons pourra t- elle en tirer à l’issue
de celui-ci ?
Au lendemain d’une élection, on doit faire une
évaluation en se posant les questions sur le nombre d’électeurs, le taux
de participation, le taux d’abstention, les suffrages valablement
exprimés par les candidats en course etc. Comme ce sera la première fois
pour la diaspora, évidemment tout ne sera pas parfait parce que rien
n’est parfait. Les manquements seront corrigés pour les prochaines
élections. C’est à l’issue de ce premier vote de la diaspora qu’on
évaluera tout ce qui a été fait mais pour l’instant, j’invite mes
compatriotes camerounais à remplir leur devoir citoyen en votant le
candidat de leur choix.