Louis Bapès Bapès : Officier de police…scolaire
Face à Boko Haram, l’ordonnance de rentrée du Minesec donne à réfléchir.
31 mai 2013. En début d’après-midi, Louis Bapès Bapès, encore à la tête du ministère des Enseignements secondaires, est interpellé et mis sous mandat de détention préventive à la prison centrale de Yaoundé-Kondengui. Fait inédit au Cameroun. Le lendemain, manifestement sur instruction du président de la République, il est relaxé. Il organise à son domicile du quartier Etoa-Meki à Yaoundé, une grande fête. Un peu comme pour narguer ceux qui ont alors, par son interpellation, vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Les 24h passées dans les geôles de cette prison l’ont vieilli de 15 ans, même si, à son entrée, il n’avait plus la fraîcheur physique de ses 20 ans.
Il ne s’en est plus jamais remis d’ailleurs. Mais, clopinant sur une canne en bois d’ébène, Louis Bapès Bapès a traîné, pendant des heures, sa frêle silhouette à l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen les 29 et 30 juillet derniers, à l’occasion de la visite, au Cameroun, du président nouvellement élu de la République fédérale du Nigeria, Muhammadu Buhari. On le verra certainement encore lundi prochain, faisant le tour de quelques établissements d’enseignement secondaire, non sans donner au passage la « leçon inaugurale » à l’occasion de la rentrée scolaire, devant les objectifs des caméras de télévisions qu’il aura pris le soin d’inviter pour la couverture médiatique de ses descentes sur le terrain.
Le Cameroun est engagé, depuis plus d’un an, dans une guerre contre la secte terroriste Boko Haram. Laquelle tend à s’enliser, à côté des assauts répétés des rebelles centrafricains à l’Est. Et, en pareille circonstance, c’est tout le monde qui cherche à montrer quelque chose à son niveau. Le ministre des Enseignements secondaires, lui, a choisi la période de rentrée scolaire pour faire des prescriptions.
Dans une lettre circulaire en date du 24 août dernier, il prescrit aux responsables des établissements scolaires situés dans les zones frontalières du Cameroun, la création dans chaque établissement d’un comité de vigilance sous l’encadrement du conseil d’établissement et de l’association des parents d’élèves et enseignants (Apee), le renforcement de la collaboration avec les autorités administratives, traditionnelles et religieuses, ainsi que les forces de maintien de l’ordre et les autres partenaires à l’éducation. Le Minesec pousse d’autant plus loin son inventivité qu’il instaure désormais, entre autres, « la réduction des voies d’accès [dans les établissements scolaires, ndlr] et la fouille systématique à l’entrée, la réduction des périodes creuses, afin d’éviter les cas de flâneries des apprenants dans les enceintes scolaires ».
Police scolaire
A priori, les mesures du patron des Enseignements secondaires (qui n’ont d’égale que la langue de bois de sa collègue de l’Education de base sur le sujet- confère Cameroon tribune du 27 août 2015) sont salutaires. Mais, de quels moyens dispose-t-il pour les rendre opérationnelles ? Une police scolaire efficace dans l’ensemble des établissements situés le long d’une frontière comme celle que partage le Cameroun, le Nigeria et le Tchad, ça suppose des moyens humains, financiers et logistiques colossaux. Où ira-t-il trouver en quantité et en qualité suffisantes, des « gros bras » pour aller protéger les élèves aux frontières, contre les égorgeurs et kamikazes de Boko Haram ? L’officier de police scolaire Bapès voudrait-il reconvertir les parents et les désœuvrés des villages frontaliers à la garde des élèves ? Auquel cas, il faudra que la ligne affectée à la sécurité dans le budget du Minesec (si elle existe), soit assez conséquente. Au fait, le Minesec cossu aurait-il constaté, depuis son bureau de Yaoundé, des insuffisances dans le dispositif sécuritaire autour des établissements scolaires situés dans les localités concernées par la guerre, au point de se substituer de cette façon-là aux préfets et aux sous-préfets, garants directs de la sécurité des personnes et des biens à l’échelle de leurs circonscriptions administratives respectives ?
Cet ancien élève du très célèbre collège Libermann à Douala avait certainement mieux à faire en cette période. Un tour au lycée bilingue de Bafia ou au lycée de Ngog-Mapubi (pour ne citer que ces exemples) afin de savoir pourquoi il n’y a pas assez de tables-bancs et de salles de classes dans cet établissement aurait été un coup politico-médiatique beaucoup plus important qu’une circulaire sur les mesures de sécurité. Cet établissement secondaire public est logé, comme des milliers d’autres à travers le Cameroun, à mauvaise enseigne. Cette réalité pose le problème de la fantaisie qui entoure la création, chaque année, de nouveaux établissements, qu’on n’accompagne pas toujours d’un corps enseignant, des salles de cours, d’ateliers et laboratoires suffisants. Avec bien évidemment toutes les conséquences que cela entraîne sur la formation.