Longévité. Ces « élus » qui battent le record de Paul Biya
Ils ont acquis un titre foncier sur certaines fonctions électives depuis les années 1970, au point où, ils battent à ce jour, le « messie » du 6 novembre 1982 sur le terrain de la longévité aux affaires.
Au moment où les milles et un clichés de la célébration des 30 ans au pouvoir du chef de l’Etat, Paul Biya, se bousculent dans les esprits et que l’on s’apprête à tirer définitivement les rideaux sur l’évènement, comment ne pas marquer un temps d’arrêt sur les questions de longévité, pour parler aussi de certains des « élus » qui sont aux affaires, à des postes électifs, tour à tour à l’Unc et au Rdpc. Pour avoir réussi à développer des stratégies de conservation du pouvoir inébranlables et insondables, ils sont devenus des « inamovibles » et mêmes des meubles du régime du Renouveau. Piliers d’un système qu’ils ont aidé à se façonner et à se radicaliser, morceau par morceau, comme de bons routiers, on les appelle des « irréductibles ».
Le président de l’Assemblée nationale, est l’une des têtes de proue du grand « club ». C’est à la législature de 1970 que le sémillant Cavaye Yegué fait sa première entrée à l’hémicycle. Il est présenté par la circonscription administrative du « Margui-Wandala » des cendres de laquelle, naîtront plus tard, deux départements : le Mayo-Tsanaga et le Mayo-Sava. Avec la transformation du Cameroun en un Etat unitaire en 1972, suivie de la dissolution de l’Assemblée nationale, le député Cavaye Yegué, a juste le temps de prendre un bol d’air au quartier. La même année, il se représente à la candidature législative et devient député. Il s’offre avec brio, le poste de questeur.
En 1988, à la suite d’un toilettage des textes au Rdpc, Cavaye Yegué, est contraint à des vacances législatives jusqu’en 1992. Avec la libéralisation des associations politiques, le Cameroun qui met le cap sur le pluralisme politique et la démocratie, voit le retour en force de l’enfant terrible du Mayo-Sava. Il est réélu et même propulsé à la fonction de président de l’Assemblée nationale. Depuis lors, il n’a de cesse d’accumuler les années au poste. Tout le monde passe, mais on aurait dit que le temps s’est arrêté pour lui. Cela fait près de 38 ans déjà que l’actuel Pan, officie comme locataire à l’hémicycle. Il n’entend pas céder « son » fauteuil à quelqu’un d’autre de sa circonscription administrative.
Un autre à qui, la fonction élective colle à la peau, et qui a la proximité en partage avec le Pan, c’est Abou Boukar. L’homme qui cumule les fonctions de président de section et de maire de la commune de Mora (d’abord sous le parti unique, Unc-Rdpc, puis sous le multipartisme) est maire depuis 1970. On l’appelle populairement Jacques Chirac, en référence à la longévité de l’ex-président de la République française et ancien maire de Paris. Jusqu’à ce que les textes de lois arrivent à imposer la séparation des deux fonctions de député et de magistrat municipal, l’honorable Abou Boukar a cumulé les fonctions de député-maire depuis 1975. C’est au forceps, qu’il a choisi de rester maire, après avoir même prêté serment à l’hémicycle et décidé de passer le témoin à son suppléant.
Sous la cendre, le feu
Lorsque référence est faite à cette longévité aux affaires, les courtisans et défenseurs des deux mammouths de la fonction élective dans la région de l’Extrême-Nord, citent en exemple, d’autres cas de figures, qui accumulent plusieurs années et qui sont des pays de forte démocratie comme la France.
Alain Juppé, l’indécrottable maire de la ville Bordeaux, l’inamovible Jacques Chirac, maire de Paris qui n’a quitté cette fonction que pour être président de la République, ou encore Ségolène Royale, présidente de la Région de Poitou-Charogne. Mais les exemples font-ils loi ; surtout lorsqu’on sait que les expériences d’ailleurs, sont portées par des élections véritablement démocratiques, libres et transparentes ?
Des échéances électorales où, les fraudes, le bourrage des urnes et les préliminaires ne se font pas au prix de cafouillages, de flou et de brouillard sur le collège électoral. Excepté le cas du maire de Mora, à qui on crédite une certaine générosité, une maîtrise du terrain politique, le Pan quant à lui, traîne avec lui, des griefs de conservation de la députation. Il a l’art du verrouillage du système ; il a aussi le seul contrôle des registres et du collège électoral. Mille fois en situation de disgrâce, Cavaye Yegué, a toujours su rebondir. Les primaires de 1997, 2002 et 2007, n’ont pas été des étapes tranquilles et faciles à gagner. Le mouvement populaire mené à grand renfort d’engagement politique par un adversaire de taille comme l’inspecteur des Finances, Touda Kla, en 2002, s’était abattu sur le Pan tel un ouragan.
Aidé par le secrétariat du comité central, avec la bénédiction du président national du Rdpc, il a conservé son fauteuil. Pour combien de temps encore restera-t-il aux affaires ? Le plus grand reproche que les fils du septentrion font à Paul Biya, c’est le maintien systématique, sans volonté de renouvèlement de la classe politique, des personnes qui lui ont été laissées en « héritage » ; lesquelles n’expriment pas l’envie de quitter les affaires.
« Dans les régions du Centre, Sud, Ouest, Est… Et partout ailleurs, on voit des mouvements en termes de renouvellement de la classe politique. Les choses bougent, sauf dans le septentrion » s’indigne un haut cadre du Rdpc. Comment ne pas lui donner raison, lorsqu’on sait que, outre les deux « élus » suscités, il y a d’autres inamovibles que sont : le vice-Premier ministre Amadou Ali, ministre chargé des Relations avec les assemblées et Ayang Luc, le président (propriétaire terrien) du Conseil économique et social. Des forces et pièces maîtresses du sérail. Aux affaires depuis le régime du président Ahidjo.
Souley ONOHIOLO