Loi des finances 2013: Les 8 imperfections du budget dévoilées - Selon Alain Bernard Mendouga, économiste, «le budget-programme est voué à l’échec»
DOUALA - 28 NOV. 2012
© Nadège Christelle BOWA | Le Messager
L’analyse du budget de l’année en cours par Dynamique citoyenne révèle de nombreux problèmes qui s’ils ne sont pas pris en compte lors du vote du budget-programme 2013, voue ce dernier à l’échec.
Prévisions macro-économiques un peu trop optimistes ; faible mobilisation des ressources internes ; propension à l’endettement, faible taux d’absorption des ressources extérieures ; faiblesse du budget d’investissement dans l’enveloppe globale ; les secteurs pro-pauvres, toujours parents pauvres du budget de l’Etat ; blocages et obstructions dans le processus de décentralisation; arrimage au forceps du Budget-programme. Ce sont là les problèmes identifiés à l’analyse du budget 2013 ainsi que celle de la loi de règlement 2010 par Dynamique Citoyenne, réseau de suivi indépendant des politiques publiques et des stratégies de coopération. Ses membres étaient face à la presse ce lundi 26 novembre 2012 à Yaoundé pour présenter les résultats de son analyse du budget 2013 dont l’objectif précise Jean-Marc Bikoko, point focal, « était de vérifier dans quelle mesure les politiques publiques croisent les ressources allouées, si celles-ci sont orientées vers la réduction des inégalités sociales et si elles visent la réduction de la pauvreté par la croissance et l’emploi ».
Au regard des résultats obtenus, le Cameroun semble encore très éloigné des objectifs suscités pour un « Cameroun émergent à l’horizon 2035 », slogan d’actualité en ce moment. Raisons ! Celles-ci ont été présentées au détail par l’économiste Alain-Bertrand Mendouga du Bureau technique d’expertise. S’agissant par exemple du problème lié à l’optimisme des prévisions macro-économiques : la circulaire du président de la République, annonce un taux de croissance de 6,7% pour 2013 alors que le Fmi table sur une croissance qui ne pourra jamais excéder 5%. Ce d’autant plus que les problèmes posés par le budget 2012 ne sont pas résolus notamment : la sous budgétisation des subventions des carburants ; l’accumulation de nouveaux arriérés en matière de dette intérieure ; passifs conditionnels des entreprises publiques et des banques en difficulté. Aussi risque-t-on, prévient l’expert, de voir se reproduire la situation de 2010 où le gouvernement s’est trouvé obligé de réviser le budget en cours de l’année (- 49 milliards dans les ressources) sans faire valider cette révision budgétaire par le parlement. Ce qui va poser un problème de crédibilité.
Maillon faible
Pour ce qui est de l’investissement dans le chapitre « dépenses », celui-ci observe l’analyste, demeure le maillon faible du budget camerounais. Une part trop insuffisante du budget lui est consacrée. Et, « il faut être prudent avec les taux mirobolants annoncés pour 2013. En effet, ce ne sera qu’un effet conjecturel dû au nécessaire report des projets sur l’année 2013 suite à l’imbroglio causé par le transfert au Minmap [ministère des marchés publics, ndlr] de l’intégralité des marchés publics alors qu’il n’était pas encore en mesure de fonctionner ». De même, le taux d’exécution du Bip demeure trop faible. En cause : les procédures de passation des marchés trop longues et trop complexes, la corruption, faible présence des entreprises nationales dans l’exécution du Bip…
Pour cet expert, au regard de ces résultats et des prévisions de 2013, « le budget-programme n’est pas en train de partir sur les bons rails ». Aussi, Dynamique Citoyenne attire l’attention des parlementaires sur ces différents points, afin que lors du vote du 2013, ils veillent à ce que les taux de croissance annoncés et constatés puissent effectivement servir à l’amélioration des conditions de vie des populations et non plus les intérêts des élites locales et ceux des non-nationaux. D’où sa présentation et soumission aux députés au moment où, ces derniers examinent en vue de son adoption, le projet de budget 2013, explique Christine Andela.
Nadège Christelle BOWA
Trois question à Alain Bernard Mendouga: «Le budget-programme ne va pas connaître le succès qu’on est en droit d’attendre de lui»
C’est l’avis de cet économiste qui évoque dans les colonnes de votre journal, les raisons de cette réflexion alors même que ledit budget est en examen à cette session de l’Assemblée nationale.
Quelles sont les raisons qui vous font penser qu’on s’achemine vers un échec dans la mise en œuvre du budget programme en 2013?
Diverses raisons donnent à penser véritablement que le budget programme ne va pas connaître le succès qu’on est en droit d’attendre de lui. Il y a d’abord le niveau de formation des acteurs que ce soit dans les administrations publiques, les collectivités territoriales décentralisées, les organismes sous tutelle et même le parlement. Il y a un faible niveau d’appropriation des mesures de ce budget-programme qui, pourtant doit commencer dès janvier 2013. Il y a également l’absence dans la mise en place du cadre institutionnel permettant un bon management de ce budget-programme. Donc, il y a différentes lois notamment la loi de programmation budgétaire… nous étions en séance de travail avec le ministère des finances, il y a une vingtaine de décrets qui ne sont pas encore signés notamment la loi donnant le calendrier de l’élaboration du processus budgétaire. C'est-à-dire l’arrêté, la circulaire, les pré-conférences et conférences budgétaires, les consultations des citoyens…Il y a un calendrier qui doit permettre à chaque citoyen, chaque organisation de savoir à quelle étape elle doit aller poser son problème, auprès de quelle institution elle doit poser son problème. Or jusqu’à présent dans l’élaboration du budget, les citoyens ne savent pas à quel moment il faut aller poser les problèmes.
Egalement, les organisations sous tutelle n’ont pas encore mis en place le cadre permettant de s’exprimer dans le budget-programme. Toutes les sociétés sous tutelle doivent faire parvenir les budgets sous la forme de budget programme à l’intérieur des budgets ministériels dont ils doivent être des démembrements ou des sous-programmes. Or jusqu’aujourd’hui, aucun organisme sous tutelle ne s’est arrimé, n’a envoyé son budget dans les ministères pour que ceux-ci soient pris en compte dans les programmations globales. Et c’est cette mesure qui permettrait d’avoir véritablement une mise en œuvre efficiente des budgets programmes.
Dans votre analyse du budget de 2012, vous estimez que les prévisions macro-économiques sur lesquelles le gouvernement se base pour établir le budget sont trop optimistes. Ce qui ne va pas sans conséquence. Qu’en est-il de 2013 dont le projet est soumis à l’examen et adoption des parlementaires ?
Il y a là aussi un optimisme béat de la part des autorités dans le budget 2013. Elles ont prévu un taux de croissance supérieur à 6% alors que le Cameroun n’a même pas fait 5% depuis l’atteinte du point d’achèvement comme si nous allions faire un bond de 4% à 6%. Contrairement aux prévisions des organisations internationales, il y a un maintien du baril de pétrole à 96 dollars. Ce qui est difficile pendant toute l’année et il y a également un plafonnement du dollar américain à 530F. Comme s’ils sont certains que les difficultés de la zone Euro allaient perdurer toute l’année. Parce que si la zone Euro se redresse dans l’année et que la valeur du dollar baisse, ça va jouer sur nos recettes. Ce qui fait qu’on ne pourra pas atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés en matière de collecte.
Vous évoquez aussi cette propension à l’endettement de l’Etat du Cameroun comme un problème…
En fait l’Etat ne prospecte pas beaucoup sur les mécanismes de financement innovant notamment les financements qui n’entraînent pas l’endettement. Soit le partenariat public-privé, le transfert de technologie, les ressources issues de la diaspora camerounaise qui pour le moment ne fait pas suffisamment confiance à l’Etat. Donc il y a en ce moment dans la gouvernance économique mondiale, un ensemble de mécanismes qui permettent d’accentuer l’investissement sans avoir recours à l’endettement. Ceux de ma génération connaissent les méfaits que le surendettement a amenés dans ce pays. On est en train de voir une partie de ce que cela donne dans certains pays européens à l’instar de la Grèce, du Portugal où les dépenses sociales, les salaires des fonctionnaires, les pensions retraite et autres charges ne peuvent plus être assurés par l’Etat. Donc c’est quelque chose qu’il faut absolument éviter.
Réalisé par N.C.B.
© Nadège Christelle BOWA | Le Messager
L’analyse du budget de l’année en cours par Dynamique citoyenne révèle de nombreux problèmes qui s’ils ne sont pas pris en compte lors du vote du budget-programme 2013, voue ce dernier à l’échec.
Prévisions macro-économiques un peu trop optimistes ; faible mobilisation des ressources internes ; propension à l’endettement, faible taux d’absorption des ressources extérieures ; faiblesse du budget d’investissement dans l’enveloppe globale ; les secteurs pro-pauvres, toujours parents pauvres du budget de l’Etat ; blocages et obstructions dans le processus de décentralisation; arrimage au forceps du Budget-programme. Ce sont là les problèmes identifiés à l’analyse du budget 2013 ainsi que celle de la loi de règlement 2010 par Dynamique Citoyenne, réseau de suivi indépendant des politiques publiques et des stratégies de coopération. Ses membres étaient face à la presse ce lundi 26 novembre 2012 à Yaoundé pour présenter les résultats de son analyse du budget 2013 dont l’objectif précise Jean-Marc Bikoko, point focal, « était de vérifier dans quelle mesure les politiques publiques croisent les ressources allouées, si celles-ci sont orientées vers la réduction des inégalités sociales et si elles visent la réduction de la pauvreté par la croissance et l’emploi ».
Au regard des résultats obtenus, le Cameroun semble encore très éloigné des objectifs suscités pour un « Cameroun émergent à l’horizon 2035 », slogan d’actualité en ce moment. Raisons ! Celles-ci ont été présentées au détail par l’économiste Alain-Bertrand Mendouga du Bureau technique d’expertise. S’agissant par exemple du problème lié à l’optimisme des prévisions macro-économiques : la circulaire du président de la République, annonce un taux de croissance de 6,7% pour 2013 alors que le Fmi table sur une croissance qui ne pourra jamais excéder 5%. Ce d’autant plus que les problèmes posés par le budget 2012 ne sont pas résolus notamment : la sous budgétisation des subventions des carburants ; l’accumulation de nouveaux arriérés en matière de dette intérieure ; passifs conditionnels des entreprises publiques et des banques en difficulté. Aussi risque-t-on, prévient l’expert, de voir se reproduire la situation de 2010 où le gouvernement s’est trouvé obligé de réviser le budget en cours de l’année (- 49 milliards dans les ressources) sans faire valider cette révision budgétaire par le parlement. Ce qui va poser un problème de crédibilité.
Maillon faible
Pour ce qui est de l’investissement dans le chapitre « dépenses », celui-ci observe l’analyste, demeure le maillon faible du budget camerounais. Une part trop insuffisante du budget lui est consacrée. Et, « il faut être prudent avec les taux mirobolants annoncés pour 2013. En effet, ce ne sera qu’un effet conjecturel dû au nécessaire report des projets sur l’année 2013 suite à l’imbroglio causé par le transfert au Minmap [ministère des marchés publics, ndlr] de l’intégralité des marchés publics alors qu’il n’était pas encore en mesure de fonctionner ». De même, le taux d’exécution du Bip demeure trop faible. En cause : les procédures de passation des marchés trop longues et trop complexes, la corruption, faible présence des entreprises nationales dans l’exécution du Bip…
Pour cet expert, au regard de ces résultats et des prévisions de 2013, « le budget-programme n’est pas en train de partir sur les bons rails ». Aussi, Dynamique Citoyenne attire l’attention des parlementaires sur ces différents points, afin que lors du vote du 2013, ils veillent à ce que les taux de croissance annoncés et constatés puissent effectivement servir à l’amélioration des conditions de vie des populations et non plus les intérêts des élites locales et ceux des non-nationaux. D’où sa présentation et soumission aux députés au moment où, ces derniers examinent en vue de son adoption, le projet de budget 2013, explique Christine Andela.
Nadège Christelle BOWA
Trois question à Alain Bernard Mendouga: «Le budget-programme ne va pas connaître le succès qu’on est en droit d’attendre de lui»
C’est l’avis de cet économiste qui évoque dans les colonnes de votre journal, les raisons de cette réflexion alors même que ledit budget est en examen à cette session de l’Assemblée nationale.
Quelles sont les raisons qui vous font penser qu’on s’achemine vers un échec dans la mise en œuvre du budget programme en 2013?
Diverses raisons donnent à penser véritablement que le budget programme ne va pas connaître le succès qu’on est en droit d’attendre de lui. Il y a d’abord le niveau de formation des acteurs que ce soit dans les administrations publiques, les collectivités territoriales décentralisées, les organismes sous tutelle et même le parlement. Il y a un faible niveau d’appropriation des mesures de ce budget-programme qui, pourtant doit commencer dès janvier 2013. Il y a également l’absence dans la mise en place du cadre institutionnel permettant un bon management de ce budget-programme. Donc, il y a différentes lois notamment la loi de programmation budgétaire… nous étions en séance de travail avec le ministère des finances, il y a une vingtaine de décrets qui ne sont pas encore signés notamment la loi donnant le calendrier de l’élaboration du processus budgétaire. C'est-à-dire l’arrêté, la circulaire, les pré-conférences et conférences budgétaires, les consultations des citoyens…Il y a un calendrier qui doit permettre à chaque citoyen, chaque organisation de savoir à quelle étape elle doit aller poser son problème, auprès de quelle institution elle doit poser son problème. Or jusqu’à présent dans l’élaboration du budget, les citoyens ne savent pas à quel moment il faut aller poser les problèmes.
Egalement, les organisations sous tutelle n’ont pas encore mis en place le cadre permettant de s’exprimer dans le budget-programme. Toutes les sociétés sous tutelle doivent faire parvenir les budgets sous la forme de budget programme à l’intérieur des budgets ministériels dont ils doivent être des démembrements ou des sous-programmes. Or jusqu’aujourd’hui, aucun organisme sous tutelle ne s’est arrimé, n’a envoyé son budget dans les ministères pour que ceux-ci soient pris en compte dans les programmations globales. Et c’est cette mesure qui permettrait d’avoir véritablement une mise en œuvre efficiente des budgets programmes.
Dans votre analyse du budget de 2012, vous estimez que les prévisions macro-économiques sur lesquelles le gouvernement se base pour établir le budget sont trop optimistes. Ce qui ne va pas sans conséquence. Qu’en est-il de 2013 dont le projet est soumis à l’examen et adoption des parlementaires ?
Il y a là aussi un optimisme béat de la part des autorités dans le budget 2013. Elles ont prévu un taux de croissance supérieur à 6% alors que le Cameroun n’a même pas fait 5% depuis l’atteinte du point d’achèvement comme si nous allions faire un bond de 4% à 6%. Contrairement aux prévisions des organisations internationales, il y a un maintien du baril de pétrole à 96 dollars. Ce qui est difficile pendant toute l’année et il y a également un plafonnement du dollar américain à 530F. Comme s’ils sont certains que les difficultés de la zone Euro allaient perdurer toute l’année. Parce que si la zone Euro se redresse dans l’année et que la valeur du dollar baisse, ça va jouer sur nos recettes. Ce qui fait qu’on ne pourra pas atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés en matière de collecte.
Vous évoquez aussi cette propension à l’endettement de l’Etat du Cameroun comme un problème…
En fait l’Etat ne prospecte pas beaucoup sur les mécanismes de financement innovant notamment les financements qui n’entraînent pas l’endettement. Soit le partenariat public-privé, le transfert de technologie, les ressources issues de la diaspora camerounaise qui pour le moment ne fait pas suffisamment confiance à l’Etat. Donc il y a en ce moment dans la gouvernance économique mondiale, un ensemble de mécanismes qui permettent d’accentuer l’investissement sans avoir recours à l’endettement. Ceux de ma génération connaissent les méfaits que le surendettement a amenés dans ce pays. On est en train de voir une partie de ce que cela donne dans certains pays européens à l’instar de la Grèce, du Portugal où les dépenses sociales, les salaires des fonctionnaires, les pensions retraite et autres charges ne peuvent plus être assurés par l’Etat. Donc c’est quelque chose qu’il faut absolument éviter.
Réalisé par N.C.B.