Livre : Quand la Lékié diabolise Ahmadou Ahidjo
Gilbert Tsala Ekani vient de publier un recueil de témoignages des fils de ce département sur les deux régimes qui se sont succédés au Cameroun.
« Paul Biya et la Lékié : D’amour et de Raison.» C’est le titre du dernier ouvrage que Gilbert Tsala Ekani vient de mettre sur le marché du livre. Dans la foulée de la célébration de l’an 30 du Renouveau, cet opus dont la préface porte l’estampille du ministre délégué à la présidence de la chargé du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe), Henri Eyebe Ayissi, est un recueil de témoignages des fils et filles du département de la Lékié, et même d’ailleurs, qui ont vécu sous le régime d’Ahmadou Ahidjo, d’abord, et ensuite sous celui de Paul Biya, qui préside aux destinées du Cameroun depuis le 06 novembre 1982, après la démission d’Ahidjo deux jours plus tôt.
Gilbert Tsala Ekani à voulu, à travers cette œuvre, expliquer ou rendre compte de l’idylle, depuis maintenant 30 ans, entre les peuples Eton, Manguissa, Batchenga, « si longtemps et injustement marginalisés, du fait de leur appartenance à la même ethnie que le tout premier Premier ministre camerounais, André Marie Mbida, et le « Père du Renouveau ».
Ces peuples « ont souffert d’une tare presque congénitale ». « On les disait ou on les croyait tous du Parti des démocrates camerounais. N’étaient-ils pas du département d’origine d’André Marie Mbida, véritable pestiféré dont le nom a longtemps été tabou », s’interroge le journaliste et désormais écrivain. Qu’est-ce qui aurait donc alors conduit à l’exclusion (ou presque) de ce département, l’un des plus grands de la région du Centre, non seulement des cercles du pouvoir sous Ahidjo, mais aussi de la plupart des programmes de développement mis sur pied par son régime ? « La faute, non le pêché capital, inexcusable de Mbida, c’est d’avoir été Premier ministre avant Ahidjo « le Père de la nation ».
Mon Dieu, quelle puissance de donner naissance à tout un pays ! Mbida a donc été pratiquement effacé de notre histoire. On l’a plongé dans les ténèbres, en tout cas on a bien tenté de le faire et lui-même est mort aveugle en 1980. Dans l’anonymat », se remémore Tsala Ekani, qui poursuit que « ses frères de la Lékié ont souvent été regardés de manière soupçonneuse voire carrément dédaigneuse ou hostile (…) On ne compte pas les rafles opérés ici et là enpays Eton, les fils de la Lékié écartés sans raison claire de la gestion des affaires du pays ».
Cependant, ces peuples « devaient chaque fois donner des gages, réaliser toujours plus pour tenter de faire oublier toutes les tares de l’humanité dont on les accablait. Peine perdue, les histoires cocasses, dévalorisantes ont fleuri sur ces gens. On les a fait fous, on a dit qu’ils confondaient parapluies et parachutes, qu’ils mangeaient du savon(…) Peut-être a-t-on voulu les traumatiser de manière à les obliger à « rester tranquilles » », suppute Tsala Ekani. Mais, « au final tout cci a forgé la volonté de fer des fils de la Lékié.
Purgatoire
C’est à n’en point douter cette volonté de fer
forgée par Ahidjo, ce blindage, qui ont captivé « l’homme du 06 novembre
» chez ce peuple, avec qui il s’est lié d’amitié. « Il s’est appuyé sur
de nombreux fils de la Lékié. Il a reconnu leurs compétences, leur
engagement. Et cela dure depuis 30 ans, va probablement encore durer »,
se targue l’auteur. Dans une partie de l’ouvrage, l’auteur veut
démontrer qu’il y a bel et bien eu retour d’ascenseur puisque, depuis le
début, la Lékié s’est muée en « soldat du Renouveau » selon ses propres
termes. Tsala Ekani tient surtout à faire une précision : « Sans haine.
Sans volonté de régler quelques comptes même si la tentation est forte.
Sans laxisme non plus. La peur ou, à tout le moins, le purgatoire
d’hier a cédé le pas à des espoirs réels. Le peuple de la Lékié ne
réclame pas de passe-droit. Il veut simplement être jugé avec équité, à
l’égal donc de tous les Camerounais ».