Au moment où les premières recommandations de la commission Motaze sont mises en œuvre, « Repères » vous dévoile quelques pans de ce document de refondation du football camerounais.C’est un rapport d’enquête qui ne connaitra pas le discret destin de ces devanciers. Les premières réactions du Président de la République aux conclusions de la commission Louis Paul Motaze commencent à filtrer suite à la débâcle des Lions Indomptables à la coupe du Monde Brésil 2014. Faire partir l’entraineur allemand Volke Finke ? Paul Biya rétorque qu’on ne peut à la fois critiquer l’instabilité de l’encadrement technique des lions indomptables et y participer en démissionnant l’entraineur en poste. Ce commentaire présidentiel arrivé aux oreilles du Ministre des Sports, qui, en gardant Volke Finke, se prévaut de n’avoir fait que suivre la volonté de Paul Biya. Une autre source proche de l’équipe nationale mentionne le rôle de l’équipementier Puma dans le maintien du coach allemand. La Fecafoot aura été d’autant moins encline à contrarier ce sponsor majeur qu’une clause du contrat liant les deux parties oblige Puma à verser 500 millions à la Fédération si l’entraineur qu’il a choisi n’atteint pas ses objectifs.
Quoi qu’il en soit, depuis le 23 juillet, Paul Biya a reçu le rapport d’enquête qu’il avait commandé un mois plus tôt au Premier Ministre sur la participation des Lions Indomptables au Brésil 2014. Selon nos sources, il ne s’agit pas d’un simple dossier d’accusation des responsables de la débâcle, mais d’un travail de refondation totale du football camerounais auquel s’est livrée la commission présidée par le secrétaire General des services du premier ministre Louis Paul Motaze. Et les nominations enregistrées ces derniers jours au sein de l’équipe nationale sont les moindres des recommandations formulées à l’adresse du président Biya.
A preuve, cette semaine, une réflexion a été menée au ministère des sports avec les administrations et entreprises publiques et privées sur le thème de l’instauration d’un football véritablement professionnel. Aussi des sponsors ont-ils été associés à la concertation. Adoum Garoua n’a fait que mettre en pratique une mesure préconisée par le rapport d’enquête, qui peut devenir par ce ministre une feuille de route pour faire renaitre le football camerounais. Car selon les responsables sportifs, dans le rapport de la commission Motaze on trouve tout ce qui peut permettre un redécollage non seulement de nos championnats locaux, mais aussi une reconstruction des Lions Indomptables.
Pour parvenir à ce résultat qui semble faire l’unanimité, l’équipe d’enquête s’est appuyée sur une vingtaine de rapports rédigés par les différentes parties prenantes de la délégation du Cameroun au Brésil. Il y avait sur la table des enquêteurs, le rapport du Ministre Adoum Garoua, mais aussi ceux du capitaine Eto’o Fils, de la DGRE, du billeteur, de l’équipe médicale, de Volke Finke, du comité de normalisation, etc. En plus, des auditions ont été menées avec les auteurs des rapports et d’autres experts, comme le directeur de l’INJS ou le Dr Motaze, ancien médecin des Lions Indomptables. Une source à la présidence de la république ayant eu accès à ce rapport parle des témoignages concordants d’une corruption de l’équipe nationale, qui a monnayé des certificats médicaux complaisants. D’où les nombreux blessés dans la sélection camerounaise au Brésil. Une gestion au moins alambiquée des fonds mis à disposition apparait aussi des indiscrétions glanées, mais on ignore à quel niveau l’orthodoxie financière a été malmenée.
Visiblement, le volet déballage n’était pas la préoccupation
primordiale de la commission Motaze, dont les témoins du travail
mentionnant davantage les propositions que les sommations. Pour bien
indiquer que l’heure n’est plus à la gestion des urgences, le rapport a
suggéré deux horizons de compétition pour notre football : la Coupe du
monde 2018 et la CAN 2019 dont le Cameroun est candidat à
l’organisation. Ce choix induit que les CAN 2015 et 2017 ne sont
considérées que comme des échéances d’évaluation du niveau de
construction des Lions Indomptables. Les enquêteurs pensent que la
refondation tant souhaitée pourrait passer par des défaites, mais
restent persuadés qu’elles seront porteuses des victoires futures. A la
base, le rapport d’enquête a proposé une évolution des textes qui
régissent nos équipes nationales, notamment le decret du 31 Octobre 1972
qui organise les Lions Indomptables. Dans la foulée, la commission
Motaze a constaté que la double gestion de l’équipe nationale fanion par
le Ministère en charge des sports et la Fecafoot est source permanente
de conflits. Les témoignages ne s’accordent pas pour dire si le rapport
d’enquête propose que la gestion de cette équipe doive être entièrement
confiée à la Fecafoot. Mais on peut bien penser qu’une révision du
fameux decret de 1972 apportera plus de lisibilité sur les rayons de
compétences de l’une et l’autre partie.
La commission Motaze a aussi préconisé la mise en place de l’académie de
football promise par le Président Paul Biya à la jeunesse, mais aussi
l’instauration des passerelles entre les Fédérations scolaires et
universitaires et les fédérations civiles pour capter et suivre très tôt
les jeunes talents du football.
Au regard des indiscrétions glanées sur les constatations et les recommandations du rapport d’enquête, l’Etat semble enfin avoir compris que le développement du football est une mission de service public qui interpelle au premier point. Le rapport d’enquête suggère le financement du football par les multinationales et les entreprises nationales et par l’Etat par les subventions et les incitations fiscales. Une série de décisions sont en vue dans le sens d’une reconstruction en profondeur de l’équipe nationale et du football en général.