Lions Indomptables: Le dossard 9 à l’épreuve de l’article 9

YAOUNDE - 03 SEPT. 2012
© Marlyse Sibafo | La Nouvelle

Cette rencontre en tête-à-tête au domicile de Marafa Hamidou Yaya a chaque fois été évoquée ces derniers temps tout le long du procès de l'affaire Albatros.


Mebe Ngo'o, Marafa, Fotso
Photo: © Archives


Cette rencontre en tête-à-tête au domicile de Marafa Hamidou Yaya a chaque fois été évoquée ces derniers temps tout le long du procès de l'affaire Albatros. Soit par les médias, soit par Hubert Otélé Essomba. A l'époque, Edgard Alain Mebe Ngo'o, Délégué Général à la Sûreté Nationale (Dgsn), était celui-là même qui était chargé d'interpeller les «éperviables» actuellement incarcérés à la prison centrale de Kondengui et au Sed. On a toujours présenté cette réunion insolite comme celle qui a permis aux 3 personnalités de plomber l'affaire Albatros. Et pourtant cette rencontre a eu d'autres contours. Décryptage.

Tout serait parti d'une simple invitation de Marafa Hamidou Yaya, à l'époque ministre d'Etat chargé de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, amicalement adressée à son collègue Edgard Alain Mebe Ngo'o, délégué général à la Sûreté nationale. Les 2 assistent au palais de l'Unité, le 20 mai 2008, à la grande réception que le couple présidentiel a coutume d'offrir chaque année au soir de la célébration de la fête nationale. L’opération Epervier vient de faire de grosses prises. Jean-Marie Atangana Mebara, Urbain Olanguena Awono et les autres viennent de passer à la trappe. Des rumeurs effarées et confuses sur la suite de l'opération Epervier enflent dans tous les milieux politiques et diplomatiques de Yaoundé. Ce d'autant plus qu'on apprend que les passeports de Yves Michel Fotso et de Baba Hamadou Danpoulo ont été retirés. D'ailleurs il en est ainsi, ou presque, depuis le début de l'opération Epervier dès que commence à enfler la rumeur sur une éventuelle interpellation d'une personnalité, se pose cette angoissante et avilissante question : qui sera la prochaine victime? Mais un seul instant, Edgard Alain Mebe Ngo'o qui accepte de se rendre chez Marafa Hamidou Yaya ne se doute pas que l'objet de l'invitation de son collègue ministre d'Etat a trait à l'opération sensible qu'il a la charge de coordonner au niveau de la police judiciaire. Pourtant, l'idée du ministre d'Etat est de mettre face à face Edgard Alain Mebe Ngo'o et Yves Michel Fotso. Le Dgsn l'ignore totalement. Bien que d'habitude attentionné et prévoyant, il n'aura pas vu le coup venir...

Arrivé à la résidence de Marafa au quartier Melen, à quelques encablures du secrétariat d'Etat à la Défense, l'accueil qui lui est fait est plus que celui que l'on réserve à un ennemi juré qu'a un invité de marque. D'abord, selon des témoins dont les langues ont commencé à se délier aujourd’hui, tout était curieux, suspect, ambigu et si obscur que l'on se posait la question de savoir ce qu'était allé chercher Edgard Alain Mebe Ngo'o ce jour-là à la résidence de Marafa Hamidou Yaya. Ces témoins prétendent en effet que dans une chambre contiguë, se trouvaient aux aguets de nombreux marabouts que le ministre d'Etat avait fait venir quelques 3 jours auparavant d'un pays de l'Afrique de l'Ouest.

Munis de multiples amulettes, gris-gris et autres fétiches censés assurer le succès de l'envoûtement de Edgard Alain Mebe Ngo'o, ces marabouts avaient pour mission de le prendre mystiquement en otage dans l'optique de contrôler ses décisions. Les mêmes personnes précisent que le lendemain de la rencontre du lac, ils avaient eu recours quelque part à Obala aux rituels de sacrifice des bœufs et des poulets, un préalable qui assurait le succès automatique des incantations planifiées. L'on indique ainsi que l'ancien Minatd, malgré les apparences, ne pouvaient rien décider ni faire sans avoir préalablement consulté ces féticheurs. Bercé par l'illusion de ces pouvoirs mystiques, Marafa Hamidou Yaya ne pouvait accueillir son hôte qu'avec une fierté intérieure à peine contenue et cette assurance faussement spontanée qui accompagne les revirements politiciens. L'œil réprobateur et l'index pointé, il va aussitôt demander à Edgard Alain Mebe Ngo'o de remettre le passeport à Yves Michel Fotso et de laisser ce dernier, jeune promoteur économique brillant et internationalement reconnu, de vaquer tranquillement à ses multiples occupations à travers de nombreux pays dans le monde.


Fameux Sms

En demandant à son poulain de les rejoindre au salon principal, il va continuer à argumenter pour se faire convaincant. Il grimaçait et parlait à cet effet comme s'il voulait éviter les questions de son vis-à-vis. La raison ne tenait pas du moindre secret Marafa Hamidou Yaya ne voulait pas que l'affaire pour laquelle son ami et complice était sur le point d'être interpellé, prospère.

Aujourd'hui on sait pourquoi. Entre les 2, il flottait dans leurs regards comme un consensus à l'égard de cette décision. Si Edgard Alain Mebe Ngo'o semble aujourd'hui convaincu que Marafa a toujours entretenu avec la vérité des rapports fluctuants, c'est depuis ce jour-là. Comment pouvait-il l'inviter pour prendre un verre, et le piéger de la sorte sans sourciller? De façon quasi instinctive, il va se lever en manifestant bruyamment sa désapprobation, comme tétanisé par ce qu'il venait de vivre. En tentant de le retenir, le maitre des lieux va jouer un ultime va-tout, même s'il sait d'avance qu'il n'a plus grand-chose à attendre de cet homme d'une trempe peu commune. De son côté, Yves Michel Fotso qui, jusque-là manifestait très peu de désir a croiser le regard de Edgard Alain Mebe Ngo'o, va subitement arrêter de scruter le plafond richement décoré du cossu salon du ministre d'Etat. Va donc se suivre une montée d'adrénaline qui va le mettre dans tous ses états. Des vertes et des pas mûres sont aussitôt débitées avec frénésie à l'adresse du Dgsn. Il est visiblement amer. Et il le fait savoir en menaçant de tout balancer pour ne pas mourir seul.

Gabriel Koa Songo, un député de la Lekié, un habitué des lieux intimes de Marafa Hamidou Yaya, qui suit la scène à partir de la cuisine, émet des rires Bras, obséquieux et dégoulinants de vulgarité en voyant comment est traité de tous les noms d'oiseau le très craint Dgsn qui vient de faire arreter Jean-Marie Atangana, Polycarpe Abah Abah et Urbain Olanguena Awono. Il est d'ailleurs le premier à raconter la scène insurmontable à ses proches en petits comités.

L'effet recherché est double: fragiliser l'opération Epervier en imputant d'étranges collusions à Mebe Ngo'o pour laisser entendre qu'il n'a pas toujours été si vertueux qu'il veut bien le paraître. Et surtout régler des comptes à une personne qui n'a pas voulu se laisser prendre au jeu malsain de la coterie. Alors pour se venger, ambitieux, vindicatifs, manœuvriers et cyniques, les membres de la coterie entreprennent de surcroît de faire la course aux révélations, en maquillant les faits comme on maquille les photos. Les boules puantes valsent, avec leur effet délétère. Les accusations abondent, même si les certitudes font paradoxalement défaut. On lui impute d'étranges revenus pour démontrer qu'il est le premier prévaricateur de la fortune publique. Dans l'ombre, quelques faucons, parfois ceux avec qui il partage la même sphère géographique, face à la volée de bois vert, incitent même le chef de l'Etat à punir le «Brutus» impertinent et impétueux. Certaines sources confient aujourd'hui que l'ancien Adg de la Camair a passé, après le flop de la résidence du lac, des mois à menacer par personnes interposées Edgard Alain Mebe Ngo'o. D'où ces fameux Sms qu'on découvre dans son téléphone portable du type «iphone», après les fouilles du 2 et du 8 décembre 2010 à la prison centrale de Kondengui. En faisant feu de tout bois pour accréditer la thèse selon laquelle Mebe Ngo'o, à l'époque Dcc, avait participé au processus actuellement controversé de l'acquisition de l'aéronef présidentiel, Yves Michel Fotso tente le dernier baroud d'honneur.


Devinettes

Une certaine presse, sans le savoir, va même se faire une spécialité de rapporter toutes ces manœuvres. Ceci après avoir été instrumentalisée par Julius Njawe, fils du célèbre journaliste, promoteur du quotidien Le Messager, qui grâce à l'entremise d'Achille Zogo Andéla, lui aussi incarcéré à la prison centrale de Kondengui, sera celui qui aura été le plus en pointe dans la manœuvre. La preuve? Cet email que lui adresse Yves Michel Fotso a partir de sa cellule de la prison: «Julio urgent! Pour exploitation dans: La Météo. Devinettes : A/les petites combines de M.N.A.E (Ndlr. Mebe Ngo'o Alain Edgard). Question : 1- combien a coûté les frais de logistiques (taxes aéroportuaires, carburant, cartering, etc...) de l'avion présidentiel lors de son voyage en Asie (Genève, Hong-Kong, Pékin, Shanghai; Tokyo) en 2003? 2- qui a payé avec sa carte de crédit personnelle ces frais évalués à plusieurs centaines de milliers de dollars américains? 3- à ce jour a-t-il été remboursé? 4- qui a gardé la mallette de dollars et d'euros qui devaient payer ces frais? Réponse : posez ces questions au directeur du Cabinet civil. (Dcc) de cette époque-là champion des biens mal acquis ou alors à Monsieur Yves Michel Fotso. S'ils ne vous répondent pas, nous vous promettons de le faire a leur place dans un de nos prochains numéros».

Dans le même email, il demande à son envoyé spécial de saisir votre journal dans ces termes : «Julio pour exploitation. La Nouvelle Presse. Devinettes : 1-. qui a empoché les 700 000 000 (sept cent millions) des droits de franchise pour avions hors zone décaissés en 2004 par la Snh pour l'atterrissage à Shangaï des 3 avions Boeing cargo transportant le matériel électoral de l'élection d'octobre 2004, alors que l'Etat chinois par le biais de son ambassade à Yaoundé avait déjà accordé l'exonération de cette somme? 2- a-t-on restitué cette somme à la Snh comme cela aurait du se faire? Réponse : posez la question au directeur du Cabinet civil de l'époque, spécialiste des biens mal acquis ou alors à l'ambassade de Chine à Yaoundé. S'ils ne vous répondent pas, nous vous promettons de le faire a leur place dans un de nos prochains numéros».

Cette initiative de Yves Michel Fotso de manipuler La Météo et La Nouvelle Presse à travers Julius Njawe, je fils de Pius Njawé (paix à son âme !), ressemble à une très mauvaise plaisanterie. Mais elle démontre à souhait comment il fonctionne depuis qu'après l'échec cuisant de la résidence du lac, la coterie a décidé de monter au créneau. C'est-a-dire taper là où ça peut faire mal au régime, quitte à inventer carrément des scandales. Depuis, de l'eau a pourtant coulé sous les ponts: Yves Michel Fotso si prolixe en révélations inédites et en confidences rageuses, se mure étrangement dans un silence concernant Edgard Alain Mebe Ngo'o. Pendant que tout le monde attend que l'ancien Adg de la Camair que ce procès public de l'affaire de l'acquisition du Bb jet 2 présidentiel tourne au grand déballage et jette le discrédit sur l'actuel ministre de la Défense.

Ceux qui connaissent bien les dossiers de la République ne sont pas surpris par l'attitude actuelle du duo Marafa - Fotso. Parce que leur stratégie de défense est bâtie sur la mise en scène populiste et le chantage politicien permanent, on ne pouvait pas s'attendre à autre chose. De même qu'ils ne sont pas surpris par l'aplomb légendaire de Mebe Ngo'o qui, malgré le mauvais vent des boulets ahurissants, est imperturbablement demeuré fidèle à sa ligne: ne se concentrer, en tant que ouvrier du président de la République, aux seules missions à lui assignées par celui qui, du Cabinet civil hier au ministère de la Défense aujourd'hui, sait pourquoi il le nomme à chaque poste. Outre que son profil ne fait pas forcément l'unanimité, mais l'on ne parait pas convaincu du bien-fondé du jeu de chaises musicales orchestré par Yves Michel Fotso et Marafa Hamidou Yaya pour tenter de diaboliser le Mindef. Beaucoup se souviennent en haut lieu de tous les nombreux subterfuges déployés à l'époque par Marafa pour éloigner le Dcc de ce dossier d'acquisition d'un avion présidentiel. Même ses pires détracteurs le reconnaissent d'ailleurs: Même ses pires détracteurs le reconnaissent d'ailleurs : si le chef de l'Etat lui avait confié la gestion de ce dossier, l'avion serait-la aujourd'hui.



03/09/2012
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