L’ingérence de la communauté internationale au Cameroun
L’ingérence de la communauté internationale au Cameroun
10 octobre 2011
Juliette Abandokwe
Les Camerounais ainsi que les Gendarmes-Justiciers du monde savent depuis très longtemps que l’élection présidentielle du 9 octobre 2011 serait truquée.
Depuis trois ans et demi au moins, des Camerounais courageux sont tabassés, emprisonnés et torturés, assassinés, que des communautés entières sont intimidées par les forces armées du président à temps partiel Paul Biya, simplement parce qu’ils dénoncent et protestent contre la fraude massive annoncée, et contre la reconduite après 29 ans de pouvoir, d’un président vieillissant et dorénavant incapable de maîtriser publiquement sa peur du peuple auquel il a déclaré la guerre.
La communauté internationale est loin d’être aveugle ou absente
Le Cameroun en entier est déjà vendu aux entreprises multinationales étrangères, notamment françaises. Au lieu que le Camerounais bénéficient socio-économiquement du produit de ces ventes, Paul Biya transforme depuis 29 ans ces bénéfices en fortune personnelle. Un des exemples les plus criards du non-bénéfice pour le citoyen camerounais moyen, constituant par conséquent une preuve de criminalité économique, est l’exploitation et le traitement du travailleur camerounais dans les plantations de palmiers à huile de SOCAPALM, contrôlé par le groupe Bolloré. Non seulement les conditions de travail sont inhumaines, proches de l’esclavage, mais l’étendue des crimes contre l’environnement et contre le cadre socio-économique du citoyen camerounais est aujourd’hui incommensurable.
Les entreprises françaises au Cameroun, sont très nombreuses, et leurs intérêts économiques sur le territoire national revêtent une importance primordiale pour le bon fonctionnement économique de la France. Le bien-être économique de l’Etat français n’est pas seulement important pour le peuple Français, mais aussi pour la stabilité de l’Union Européenne, dont bénéficie également les Etats-Unis notamment.
Selon Survie « La France reste le premier investisseur étranger au Cameroun avec une centaine de filiales employant quelque 30 000 personnes et plus de 200 entreprises appartenant à des ressortissants français dans tous les secteurs d’activité. (...) Les filiales françaises sont significativement présentes dans l’agriculture et l’agroalimentaire (Compagnie fruitière, groupe Vilgrain, groupe Castel, groupe Bolloré,..), le pétrole (Total, Perenco), les équipements électriques et informatiques – fourniture et installation – (Schneider, Va Tech, Cegelec, CFAO Technologies, Bull), le ciment (Lafarge), la distribution (CFAO), la logistique et les transports (Bolloré, Air France), la téléphonie mobile (Orange), les banques et les assurances (Société générale, Crédit lyonnais, Banques populaires, Axa, AGF, Gras Savoye), le BTP (Vinci, Bouygues, Razel, Scet) »
L’ingérence de la communauté internationale n’est pas forcément militaire
L’ingérence multiforme en Afrique de la communauté internationale, vogue entre le clinquant et assourdissant, ou le sournois et silencieux, on a le choix. Militaire et bruyante en Côte d’Ivoire et en Libye, économique et sournoise comme un boa constrictor qui s’enroule lentement autour de sa proie, au Cameroun ou ailleurs. Avec une ingérence militaire à deux vitesses, et des objectifs qui n’ont rien à voir avec la défense d’un peuple opprimé, nous expliquons aisément l’acharnement à gros frais contre un Laurent Gbagbo, au pouvoir en Côte d’Ivoire depuis 10 ans, et dont l’échec électoral est très douteux, et le cautionnement d’un Paul Biya au pouvoir depuis 29 ans, coupable de se cramponner au pouvoir dans la violence, par le biais de fraudes électorales systématiques et massives.
A travers la validation implicite annoncée de la pseudo victoire électorale de Paul Biya, sans pour autant réclamer une intervention militaire qui n’obtiendrait jamais l’aval d’un peuple camerounais préservé jusqu’ici des conflits armés sur son territoire, nous devons énergiquement interpeller la position de la communauté internationale au Cameroun et ailleurs. Le questionnement de la responsabilité de la France et de ses pairs, en tant que vecteur de crimes impunis contre les populations civiles, validant la répression de manifestations d’opposition, et cautionnant les fraudes électorales qui visent à garder un tyran vieillissant au pouvoir, parait aujourd’hui plus que jamais indispensable.
Le degré de maturité du peuple camerounais dans sa quête d’une vie décente, ainsi que sa capacité de s’organiser efficacement pour résister à la tyrannie et construire une opposition forte, est de toute évidence le souci premier de tous ceux qui veulent que le Cameroun change. Or, mis à part un problème de « mentalité » évoqué par beaucoup, la répression brutale et le climat de terreur cultivé dans la société camerounaise ne laisse que très peu d’espace et d’oxygène nécessaire pour la construction d’un tissu oppositionnel cohérent.
« Les entreprises françaises restent des acteurs prépondérants du soutien inconditionnel de la France, dont elles sont à la fois un des motifs et un moteur. » (Survie)
Que ceux qui refusent énergiquement et avec raison l’idée d’une ingérence militaire, refuse aussi l’ingérence économique et prédatrice dans le trésor national camerounais. Qu’ils exigent que ceux qui soutiennent Biya à l’extérieur arrêtent de le soutenir. La Suisse, si prompte à bloquer les comptes de dictateurs déchus, abrite pourtant Paul Biya au minimum neuf mois par année, bénéficie de sa fortune déposée et investie en terre helvétique, et encaisse par le biais de ses entreprises (logement, structures hospitalières, et écoles privées) des impôts et autres taxes sur les milliards que Paul Biya vole quotidiennement au peuple camerounais. La Suisse, par le biais des entreprises implantées sur son sol, doit donc être fermement questionnée sur ses activités de recel institutionnalisé. L’Etat français, par le biais de Bolloré, ami de Sarkozy, doit également être amené à se justifier devant un Tribunal pour les mêmes motifs.
Quand cette ingérence illégale sera fermement dénoncée, quand l’engagement de sanctions réussira à freiner l’impunité intolérable de ces crimes économiques, et quand les Camerounais auront obtenus que des efforts clairs soit faits par la communauté internationale pour respecter le droit du peuple camerounais, membre du concert des Nations, et que la fin d’une politique économique de recel soit initiée, nous verrons bien à quel rythme les citoyens camerounais réussiront eux-mêmes à faire progresser leur pays.
La répression et le déni de justice en moins, nous verrions à quelle vitesse le Cameroun, se développerait, malgré toutes les imperfections. Nul ne peut douter un instant qu’un nombre important des cinq millions de Camerounais exilés, sortis notamment pour leurs études, auront davantage l’envie de rentrer pour s’investir au pays. Aucun Camerounais ne vit en exil par plaisir, et innombrables sont ceux dont leur cœur saigne pour leur pays.
L’ingérence criminelle de la communauté internationale au Cameroun, combinée à un Paul Biya profondément antipatriote, criminel et prédateur, est une association mortellement toxique pour le peuple camerounais. Cette dynamique doit impérativement être cassée, afin de chercher à obtenir des rapports économiques de gagnant à gagnant, au nom d’un Cameroun qui a en vérité tous les moyens à disposition pour devenir un Etat prospère et fort sur l’échiquier économique africain et mondial.