Limogeage populaire
En Afrique, où le nombre de présidents ayant quitté leur fauteuil de leur plein gré se compte sur les doigts d’une seule main. Même ceux régnant dans des pays où les mandats présidentiels sont limités constitution-nellement trouvent souvent un moyen de prolonger leur règne.
La colère de la rue a fini par avoir raison de Zine El Abidine Ben Ali. Sa cession "provisoire" du pouvoir à son Premier ministre le laisse penser, en tout cas. C'est à un véritable limogeage populaire du président que les Tunisiens ont procédé en déposant Ben Ali. Certes, la facture est salée au vu du nombre de victimes depuis le début du mouvement contestataire, mais le résultat est là : le président a fui le pays. Après cela, il est, certes, difficile d'imaginer un retour au palais de Carthage du président Ben Ali après cette révolte populaire sans précédent, mais ce leg temporaire du fauteuil présidentiel sent la manœuvre politicienne.
Cette manière de faire n'est-elle pas une nouvelle ruse de sa
part pour mieux rebondir par la suite après l'échec de nombreuses
concessions et décisions contenues dans son discours de jeudi soir, qui
n'ont pas eu d'effet sur la révolte populaire ? Peut-être espère-t-il
opérer un come-back une fois le calme et la sérénité revenus et la
révolte populaire essoufflée. Eu égard au flou qui entoure le passage du
témoin au Premier ministre Ghannouchi, il n'est pas absolument certain
que Ben Ali ait abdiqué définitivement devant la pression du peuple
tunisien, déterminé à aller jusqu'au bout de sa protesta sociale qui
n'avait pas tardé à se voir relayée par l'opposition politique.
L'histoire nous a appris que les chefs d'état, qui se sont enracinés au
pouvoir durant une ou plusieurs décennies, ne lâchent pas prise de
gaieté de cœur.
Les exemples ne manquent pas dans le tiers-monde, plus
précisément en Afrique, où le nombre de présidents ayant quitté leur
fauteuil de leur plein gré se compte sur les doigts d'une seule main.
Même ceux régnant dans des pays où les mandats présidentiels sont
limités constitutionnellement trouvent souvent un moyen de prolonger
leur règne, ne laissant à la population que la rue pour les déloger, ce
qui s'accompagne forcément de dégâts humains et matériels et des
séquelles. Désormais, il appartient à l'opposition tunisienne de
fructifier les acquis de cette victoire de l'insurrection populaire pour
démocratiser réellement ce pays, qui a été trop longtemps bâillonné et
ses citoyens privés de leurs droits et de leurs libertés.