Le limogeage du père jésuite Ludovic LADO de son poste de vice-doyen de la faculté des sciences de gestion de l’Université Catholique d’Afrique Centrale et son affectation punitive à Dabou en Côte d’Ivoire, pays en guerre et où règne une grande insécurité, ont donné lieu à une passe d’armes très médiatisée entre les milieux intégristes bamilékés d’une part et de l’autre, les intégristes anti-bamilékés dont un bon nombre se recrute dans la hiérarchie des églises chrétiennes et les exécutifs de certains partis politiques.
L’utilisation que l’un et l’autre camp de tribalistes et crypto-tribalistes ont fait du limogeage du père LADO, donne une claire image des relations incestueuses et clientélistes que l’épiscopat kamerunais et certains intellectuels autoproclamés, représentants de tel ou tel de nos peuples, entretiennent avec le pouvoir néocolonial et la bourgeoisie de notre pays.
Depuis cette lointaine époque et jusqu’à nos jours, l’épiscopat kamerunais s’est souvent distingué par des prises de position en soutien à la politique gouvernementale. Le sentiment est fort, chez nombre de Kamerunais, que les évêques kamerunais sont conservateurs, englués dans la recherche des honneurs et des biens et complices, pour la quasi-totalité d’entre eux, de la politique gouvernementale. Au lieu d’être les défenseurs des pauvres, des faibles et des marginalisés, l’épiscopat kamerunais a plutôt choisi de servir César.
C’est donc ce soutien « indéfectible » au prince qui amène certains prêtres à se révolter et à rappeler aux évêques leur mission première. Le Père Ludovic LADO, à la suite du Père MVENG, célèbre jésuite comme lui, à la suite de l’Abbé Jean Marc ELA et d’autres, a donc rompu le silence et interpellé les évêques à propos de leur silence complice sur la gestion du pays. Ce sont notamment ses prises de position et ses initiatives de sensibilisation sur le Code Electoral, qui ont signé son arrêt de mort. Le problème, réel ou non, des quotas à l’UCAC a juste servi de prétexte au régime pour ordonner à Mgr TONYE BAKOT de licencier le Père LADO ! La fuite, bien orchestrée, du rapport adressé à Mgr TONYE BAKOT, est très probablement partie du Cabinet Civil. Comme on peut donc le constater, ce n’est pas la tribu du Père LADO qui a motivé son limogeage. MVENG, Jean Marc ELA, MBASSI, n’étaient pas bamiléké. Ils ont pourtant subi pire. Les cris d’orfraie que pousse une centaine intelligentsia bamiléké et qui sont abondamment relayés dans la presse donnent à penser que le Père LADO est persécuté en raison de son origine ethnique. Ce faisant, cette intelligentsia sert paradoxalement les intérêts du régime. Pour le pouvoir, c’est du pain béni : transformer un limogeage politique en conflit tribal, quelle belle affaire. Mais l’intelligentsia bamiléké est-elle si naïve ? En se faisant volontairement piéger, elle donne des gages à la bourgeoisie bamiléké. Le message est clair : nous défendons vos intérêts en donnant de la voix dans les débats qui ont cours sur tout ce qui touche à l’élite de notre région, semble dire l’intelligentsia. Cette dernière joue les défenseurs dans le match que se livrent les différentes bourgeoisies de notre pays pour le contrôle des richesses et du pouvoir politique. Ces combats entre intégristes et tribalistes bamiléké d’une part et intégristes et tribalistes anti-bamiléké d’autre part, dont la finalité est le marchandage des parts du gâteau politique et économique national, a certainement un intérêt pour les classes économiques et politiques qui dirigent le pays ; il n’intéresse le peuple kamerunais que dans la mesure où on essaie de l’instrumentaliser alors que dans le fond, 90% de notre peuple partage les mêmes conditions de vie, c’est-à-dire la pauvreté, le désespoir, la marginalisation et l’injustice. Et c’est parce que le Père LADO a entrepris de défendre les damnés du Kamerun qu’il a été limogé.