Libye: « propagande, spéculations, mensonges, contre-vérités »
Libye: « propagande, spéculations, mensonges, contre-vérités »
Depuis le
début du conflit libyen, « propagande, spéculations, mensonges,
contre-vérités » envahissent la toile et les médias. Face à la
désinformation et pour défendre les droits du peuple libyen, un groupe
de citoyens inquiets s’est rendu en Libye afin de prendre conscience
des véritables enjeux de ce conflit et pour découvrir la réalité sur le
terrain.
Depuis le début du conflit libyen, « propagande, spéculations, mensonges, contre-vérités » envahissent la toile et les médias. Face à la désinformation et pour défendre les droits du peuple libyen, un groupe de citoyens inquiets s’est rendu en Libye afin de prendre conscience des véritables enjeux de ce conflit et pour découvrir la réalité sur le terrain. Parmi ces observateurs, Nadera Benstiti, citoyenne engagée, raconte dans cette interview exclusive, ce qu’elle a vu en Libye. Partie de Paris le 28 juillet et rentrée le 8 août dernier, elle évoque ses craintes de voir la Libye devenir un pays colonisé par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) dont elle pointe du doigt les véritables intentions. Entretien.
Pourquoi et dans quel cadre êtes-vous parti en Libye ?
C’est dans un cadre informel. Je me suis rendue là-bas en tant que simple citoyenne française et en tant qu’observatrice. On a appelé cette mission « Observateur pour la paix en Libye ». On est parti pour voir ce qui se passait réellement en Libye. Au sein de notre délégation, il y avait un avocat tunisien qui lui avait fait partie de la première délégation qui a rassemblé un collectif d’avocats qui avait décidé de partir à Tripoli pour voir ce qui se passait réellement là-bas. J’ai été invitée par cet avocat que je connais bien et qui habite à Tataouine. Il a lui-même subi des exactions de la part des rebelles du Conseil National de Transition (CNT) qui lui ont brulé sa maison. Sur place, on a rencontré un certain nombre de personnes, notamment l’avocat de « Al Jamahiriya Islamia » - (forme de gouvernement appliquée par le régime de Mouammar Kadhafi en Libye depuis le 2 mars 1977. La Jamahiriya est officiellement une forme de démocratie directe avec comme bases une idéologie de type socialiste et les valeurs de l’islam), - Maitre Marcel Ceccaldi. C’est lui qui est désigné en tant qu’avocat de l’Etat libyen. Il est amené à porter plainte pour préjudices et pour crimes contre l’humanité
Quelle est la réalité sur le terrain ?
Sur le terrain, on s’est aperçu que l’OTAN ne ciblait pas des cibles militaires mais ciblait des bateaux de pêcheurs, des usines de denrées alimentaires, des marchés pour provoquer des pénuries alimentaires et ainsi apeurer la population afin qu’elle se retourne contre son leader. Là-bas, de nombreuses familles ont été bombardées. Un père de famille a perdu sa femme et ses trois enfants.
On est arrivé le 28 juillet, le jour où la première tête du Conseil National de Transition (CNT), Abdel Fatah Younès venait d’être assassiné. Il s’avère que c’est celui qui est à la tête du Conseil militaire de Tripoli, Abdelhakim Belhadj, proche d’Al Qaïda, qui l’a assassiné. Pour moi, cette histoire de CNT n’est pas nette. A l’Hôtel Corinthia, où on a très bien été accueillis, on assistait aux conférences de presse organisées par le conseiller du ministre des affaires étrangères et du porte parole de la Libye, Moussa Ibrahim, qui actuellement se cache par peur de se faire arrêter. Ils avaient pris l’habitude de faire des conférences de presse pour expliquer ce qui se passait réellement sur le terrain. En effet, des enquêtes étaient effectuées par le biais d’avocats et d’associations civiles qui voulaient connaitre la réalité. Par exemple, les gens ne comprenaient pas pourquoi l’OTAN les bombardait.
Ce sont clairement des avions de l’OTAN que vous avez identifiés ?
Oui ! On les voyait clairement dans le ciel. La journée on les entendait et il y en avait beaucoup. Et le soir à partir de minuit et demi, une heure du matin, ils débutaient les bombardements. A Bab-Al-Azizia, on a rencontré pleins de Samidounes, ce sont des gens qui viennent de toute l’Afrique : des Algériens, des Nigérians, des Soudanais. Ils ont planté leurs tentes et on leur a demandé pourquoi ils ne faisaient rien d’autres. Ils nous ont dit qu’ils étaient venus soutenir le leader. Cela se voyait que ce n’était pas le leader qui leur demandait d’être là, mais qu’ils étaient venus de leur plein gré malgré le fait qu’ils se faisaient bombarder tous les soirs. Bab-Al-Azizia, avant sa prise, a été bombardée plus de 64 fois.
De nombreuses polémiques sont nées après la diffusion d’images par les médias occidentaux autour de la prise de Tripoli. Qu’en pensez-vous ?
Ce qu’on a montré sur les chaines de télévision française était faux, surtout autour de la prise de Tripoli. Le premier soir où ils nous ont montré la prise de Tripoli, ils avaient appelé les rebelles à sortir. Ce n’était simplement qu’une mise en scène devant les caméras. C’était une fausse prise de la ville. La ville de Tripoli vivait tranquillement, le seul hic c’est qu’il y avait les bombardements de l’OTAN qui terrorisait la population. Une population que l’on a rencontrée et qui nous a affirmé qu’elle était derrière son leader. On sentait que ces Libyens étaient libres de leur choix.
Selon vous, l’OTAN a-t-elle une stratégie ? Si oui, laquelle ?
L’OTAN veut faire croire que Kadhafi est en train d’assassiner son peuple, ce qui est faux. Ils ont armé des rebelles qu’ils ont sortis de prison. Ces milices rebelles sont pour la plupart des jeunes désœuvrés sous l’emprise de l’alcool et de la drogue et ayant reçu de l’argent pour rejoindre ces milices. Ce sont bien sûr des anti-Khadafi parce qu’ils ont été mis en prison pour X ou Y raisons. C’est vrai qu’en Libye, l’alcool et la drogue sont interdits. Si vous vous faisiez attraper avec de l’alcool ou de la drogue, c’était comme si vous faisiez de la contrebande, et peut être qu’il les mettait en prison pour ça. Ces rebelles sont en réalité des renégats, ce ne sont pas des révolutionnaires. Ce ne sont pas des gens qui veulent mettre en place une révolution pour changer le régime ou le système économique de la Libye. De nombreux récits de militaires, et de rescapés témoignent des atrocités des actes commis par ces rebelles dans certaines villes : viols, égorgements, massacres, tortures.
L’OTAN a de réels intérêts. En intervenant en Libye sous le pseudo-prétexte d’une guerre humanitaire, l’OTAN espère avoir la main mise sur une zone géopolitique intéressante car la Libye est frontalière avec un certain nombre de pays. Et puis, il y a bien sûr le pétrole. Puis je me pose toujours cette question : pourquoi la France, l’Angleterre, les USA ainsi que les rebelles ont-ils rejeté le plan de paix proposé par l’Union Africaine ? Son contenu est pourtant pleinement démocratique et son application permettrait une vraie protection des civils. Kadhafi avait d’ailleurs accepté ce plan. Les propositions de l’UA n’étaient autres qu’un cessez-le-feu immédiat, l’envoi d’observateurs internationaux pour vérifier que le cessez-le-feu est respecté ; la création d’un gouvernement de transition comprenant des membres du CNT et du gouvernement actuel ; la mise en place de réformes démocratiques ; la tenue d’élections pour que le peuple puisse choisir ses dirigeants. Pourquoi donc les pays de l’OTAN ont-ils refusé de s’engager sur la voie de la négociation ? Pourquoi les médias occidentaux ne nous informent-ils pas du contenu réel des propositions de l’Union Africaine ? De quoi s’interroger sur les buts véritables de cette guerre ?
Le CNT n’a aucune légitimité. Comment a-t-il été légitimé ? C’est grâce à l’armement que les occidentaux leur ont donné. Ils ont été aidés par les bombardements. Il est prouvé que les membres du CNT avaient demandé de l’argent, des armes, des tanks anti-missiles en échange de 35% du pétrole libyen. Chose que Kadhafi n’aurait jamais faite. Il y a une chose qu’on ne peut pas retirer à Kadhafi, c’est son partage. Le partage des ressources pétrolières et je l’ai vu de mes propres yeux. Le pays était en construction permanente et ce depuis 22 ans. Ils ont fait croire que Kadhafi était quelqu’un qui roulait sur l’or et ne pensait pas à son peuple. Ça c’est plutôt Moubarak ou encore Ben Ali. Alors qu’en Libye, l’argent du pétrole était très bien reversé. Il construisait par exemple, des immeubles essentiellement pour les pauvres.
Faut-il craindre selon vous un Irak n°2, c’est-à-dire une invasion comme celle qu’a subie l’Irak ?
Il faut comprendre une chose : à l’heure d’aujourd’hui, l’OTAN ne quittera plus jamais la Libye. Comme en Afghanistan, comme en Irak, il y aura toujours une armée d’occupation. Quand on était là-bas, il n’y avait pas d’état de siège. Nous, le matin on allait au marché ou à la place verte, il n’y avait pas de chars, rien de tout ce qu’on voudrait nous faire croire. Ce qui vient de se passer en Lybie, c’est un nouveau 11 septembre. Je l’appelle le World Trade Center libyen. Tout le monde a été endormi. Pourquoi l’OTAN n’a pas accepté les négociations que l’Union Africaine avait proposées ? Je pense que l’on a affaire à une guerre coloniale. Comme pour le 11 septembre on a fait croire aux gens qu’on pouvait envahir l’Afghanistan et encore plus, tuer Saddam Hussein en Irak, en prétendant qu’il avait des armes de destructions massives. Mais dans l’inconscient des gens, Saddam Hussein était responsable des attentats du 11 septembre. C’est de la propagande et c’est une arme de la guerre.
L’ancienne garde rapprochée de Kadhafi, qui avait la particularité d’être féminine, l’accuse d’avoir utilisé le viol comme arme de guerre...
C’est faux. Ce sont les rebelles qui ont utilisé le viol. J’ai rencontré des soldats et des gens qui venaient de la frontière égyptienne, ils venaient rallier l’armée loyaliste parce ce que ces gens-là voyaient ce qui se passait. Ce sont les rebelles qui entraient dans les maisons pour violer et demandaient au père de famille de donner leurs filles. Ce sont des avocats internes à la Libye qui ont fait des enquêtes pour savoir vraiment ce qui se passait à Benghazi.
La nounou des petits-enfants de Kadhafi accuse tout de même la famille de l’avoir torturée ...
C’est de la propagande pour diaboliser la famille Kadhafi. On ne peut pas autoriser une coalition qui est la plus armée au monde qui représente à, la fois les USA, l’Angleterre, la France pour aller sauver une femme qui aurait soit disant été brulée et torturée par un des fils de la famille Kadhafi. C’est peut être vrai c’est peut être faux, je n’en sais rien. A l’heure d’aujourd’hui on ne peut plus croire ce qui est dit à la TV. Je n’ai plus confiance en les médias. Quand on était là bas, il y avait le journaliste Thierry Meyssan du Réseau Voltaire, présent à l’hôtel Rixos avec son ami Julien Teil, ils ont fait un réel boulot de journalistes. Ils sont restés neutres. Ils n’avaient pas envie de répéter tout ce que toutes les chaines de TV ont dit. Je ne peux être qu’outrée après avoir été, après avoir vu et ensuite après avoir regardé aux infos comment les médias manipulaient les images. On y voit toujours des vieux et des jeunes avec des fusils et dire « Allah Akbar ». Or, ce ne sont rien d’autres que des renégats.
Selon vous, les libyens n’ont rien à reprocher à Kadhafi ?
Les Libyens vivaient bien dans l’ensemble. Je ne dis pas qu’ils n’avaient pas envie de changement. Peut-être qu’ils avaient envie d’un peu plus de liberté. Quand je dis liberté c’est-à-dire qu’il est vrai, qu’ils n’ont pas internet. Ils ne l’utilisent pas car internet est assez censuré chez eux. Peut-être aussi qu’ils auraient aimé avoir un peu plus de chaines de télévision. Mais les Libyens n’étaient pas là à dire que Kadhafi était un dictateur.
On ne peut donc pas parler de révolution ?
Ce n’est pas une révolution. C’est une intervention des pays étrangers qui se sont aidés des soulèvements du peuple tunisien et du peuple égyptien pour faire croire à une révolution libyenne et que bien sûr, le dictateur Kadhafi aurait réprimé cette révolution par les armes. Chose que Ben Ali avait commencé à faire et qui s’est avérée être une erreur fatale. Lorsque Ben Ali a commencé à tirer sur son peuple, on a tout de suite compris que c’était un dictateur, chose que Kadhafi n’a pas faite. Un colonel, rencontré dans le centre-ville de Tripoli et qui a souhaité rester anonyme, m’a dit que les soldats de l’armée loyaliste avaient les rebelles en ligne de mire, mais Kadhafi avait demandé à ce qu’on ne tire plus sur eux. Comme il avait vu que les occidentaux avaient utilisé ce prétexte pour envahir la Libye, il a demandé à l’armée loyaliste de seulement les attraper.
J’invite tout le monde à lire le Livre Vert de Kadhafi où il expose sa vision de la démocratie et de la politique. Il a installé un système social qui dépasse les démocraties européennes actuelles. C’est quand je suis partie là-bas que je m’en suis rendue compte. Il a instauré une démocratie participative. Il forçait les gens à s’intéresser à la vie politique afin qu’ils se responsabilisent. La seule chose qu’on peut lui reprocher c’est que ça fait plus de 40 ans qu’il est au pouvoir. Les gens pensent qu’en faisant partir Kadhafi, les choses vont changer. Au contraire, toute la Libye va s’affaiblir. Il y a actuellement une guérilla et des check-points un peu partout. Ils sont en train de créer une résistance, c’est-à-dire que les loyalistes ne vont pas lâcher l’affaire et la guérilla risque de durer au moins un an.
Le journaliste Julien Teil a un projet de film sur ce conflit libyen ? Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Julien Teil a ramené des images qu’il est en train de monter sous forme de documentaire. Il a même des images d’archives sur ce qu’était la Libye avant le conflit. Je ne sais pas ce que son travail va donner mais j’aimerais bien que son film voit le jour. Il a plus ou moins besoin de fonds pour que son film sorte. Ce film s’appellera « Guerre humanitaire ».
Propos recueilles par Henda Bouhalli
Publié sur Med'in Marseille et La Voix de la Libye / mondialisation.ca
Depuis le début du conflit libyen, « propagande, spéculations, mensonges, contre-vérités » envahissent la toile et les médias. Face à la désinformation et pour défendre les droits du peuple libyen, un groupe de citoyens inquiets s’est rendu en Libye afin de prendre conscience des véritables enjeux de ce conflit et pour découvrir la réalité sur le terrain. Parmi ces observateurs, Nadera Benstiti, citoyenne engagée, raconte dans cette interview exclusive, ce qu’elle a vu en Libye. Partie de Paris le 28 juillet et rentrée le 8 août dernier, elle évoque ses craintes de voir la Libye devenir un pays colonisé par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) dont elle pointe du doigt les véritables intentions. Entretien.
Pourquoi et dans quel cadre êtes-vous parti en Libye ?
C’est dans un cadre informel. Je me suis rendue là-bas en tant que simple citoyenne française et en tant qu’observatrice. On a appelé cette mission « Observateur pour la paix en Libye ». On est parti pour voir ce qui se passait réellement en Libye. Au sein de notre délégation, il y avait un avocat tunisien qui lui avait fait partie de la première délégation qui a rassemblé un collectif d’avocats qui avait décidé de partir à Tripoli pour voir ce qui se passait réellement là-bas. J’ai été invitée par cet avocat que je connais bien et qui habite à Tataouine. Il a lui-même subi des exactions de la part des rebelles du Conseil National de Transition (CNT) qui lui ont brulé sa maison. Sur place, on a rencontré un certain nombre de personnes, notamment l’avocat de « Al Jamahiriya Islamia » - (forme de gouvernement appliquée par le régime de Mouammar Kadhafi en Libye depuis le 2 mars 1977. La Jamahiriya est officiellement une forme de démocratie directe avec comme bases une idéologie de type socialiste et les valeurs de l’islam), - Maitre Marcel Ceccaldi. C’est lui qui est désigné en tant qu’avocat de l’Etat libyen. Il est amené à porter plainte pour préjudices et pour crimes contre l’humanité
Quelle est la réalité sur le terrain ?
Sur le terrain, on s’est aperçu que l’OTAN ne ciblait pas des cibles militaires mais ciblait des bateaux de pêcheurs, des usines de denrées alimentaires, des marchés pour provoquer des pénuries alimentaires et ainsi apeurer la population afin qu’elle se retourne contre son leader. Là-bas, de nombreuses familles ont été bombardées. Un père de famille a perdu sa femme et ses trois enfants.
On est arrivé le 28 juillet, le jour où la première tête du Conseil National de Transition (CNT), Abdel Fatah Younès venait d’être assassiné. Il s’avère que c’est celui qui est à la tête du Conseil militaire de Tripoli, Abdelhakim Belhadj, proche d’Al Qaïda, qui l’a assassiné. Pour moi, cette histoire de CNT n’est pas nette. A l’Hôtel Corinthia, où on a très bien été accueillis, on assistait aux conférences de presse organisées par le conseiller du ministre des affaires étrangères et du porte parole de la Libye, Moussa Ibrahim, qui actuellement se cache par peur de se faire arrêter. Ils avaient pris l’habitude de faire des conférences de presse pour expliquer ce qui se passait réellement sur le terrain. En effet, des enquêtes étaient effectuées par le biais d’avocats et d’associations civiles qui voulaient connaitre la réalité. Par exemple, les gens ne comprenaient pas pourquoi l’OTAN les bombardait.
Ce sont clairement des avions de l’OTAN que vous avez identifiés ?
Oui ! On les voyait clairement dans le ciel. La journée on les entendait et il y en avait beaucoup. Et le soir à partir de minuit et demi, une heure du matin, ils débutaient les bombardements. A Bab-Al-Azizia, on a rencontré pleins de Samidounes, ce sont des gens qui viennent de toute l’Afrique : des Algériens, des Nigérians, des Soudanais. Ils ont planté leurs tentes et on leur a demandé pourquoi ils ne faisaient rien d’autres. Ils nous ont dit qu’ils étaient venus soutenir le leader. Cela se voyait que ce n’était pas le leader qui leur demandait d’être là, mais qu’ils étaient venus de leur plein gré malgré le fait qu’ils se faisaient bombarder tous les soirs. Bab-Al-Azizia, avant sa prise, a été bombardée plus de 64 fois.
De nombreuses polémiques sont nées après la diffusion d’images par les médias occidentaux autour de la prise de Tripoli. Qu’en pensez-vous ?
Ce qu’on a montré sur les chaines de télévision française était faux, surtout autour de la prise de Tripoli. Le premier soir où ils nous ont montré la prise de Tripoli, ils avaient appelé les rebelles à sortir. Ce n’était simplement qu’une mise en scène devant les caméras. C’était une fausse prise de la ville. La ville de Tripoli vivait tranquillement, le seul hic c’est qu’il y avait les bombardements de l’OTAN qui terrorisait la population. Une population que l’on a rencontrée et qui nous a affirmé qu’elle était derrière son leader. On sentait que ces Libyens étaient libres de leur choix.
Selon vous, l’OTAN a-t-elle une stratégie ? Si oui, laquelle ?
L’OTAN veut faire croire que Kadhafi est en train d’assassiner son peuple, ce qui est faux. Ils ont armé des rebelles qu’ils ont sortis de prison. Ces milices rebelles sont pour la plupart des jeunes désœuvrés sous l’emprise de l’alcool et de la drogue et ayant reçu de l’argent pour rejoindre ces milices. Ce sont bien sûr des anti-Khadafi parce qu’ils ont été mis en prison pour X ou Y raisons. C’est vrai qu’en Libye, l’alcool et la drogue sont interdits. Si vous vous faisiez attraper avec de l’alcool ou de la drogue, c’était comme si vous faisiez de la contrebande, et peut être qu’il les mettait en prison pour ça. Ces rebelles sont en réalité des renégats, ce ne sont pas des révolutionnaires. Ce ne sont pas des gens qui veulent mettre en place une révolution pour changer le régime ou le système économique de la Libye. De nombreux récits de militaires, et de rescapés témoignent des atrocités des actes commis par ces rebelles dans certaines villes : viols, égorgements, massacres, tortures.
L’OTAN a de réels intérêts. En intervenant en Libye sous le pseudo-prétexte d’une guerre humanitaire, l’OTAN espère avoir la main mise sur une zone géopolitique intéressante car la Libye est frontalière avec un certain nombre de pays. Et puis, il y a bien sûr le pétrole. Puis je me pose toujours cette question : pourquoi la France, l’Angleterre, les USA ainsi que les rebelles ont-ils rejeté le plan de paix proposé par l’Union Africaine ? Son contenu est pourtant pleinement démocratique et son application permettrait une vraie protection des civils. Kadhafi avait d’ailleurs accepté ce plan. Les propositions de l’UA n’étaient autres qu’un cessez-le-feu immédiat, l’envoi d’observateurs internationaux pour vérifier que le cessez-le-feu est respecté ; la création d’un gouvernement de transition comprenant des membres du CNT et du gouvernement actuel ; la mise en place de réformes démocratiques ; la tenue d’élections pour que le peuple puisse choisir ses dirigeants. Pourquoi donc les pays de l’OTAN ont-ils refusé de s’engager sur la voie de la négociation ? Pourquoi les médias occidentaux ne nous informent-ils pas du contenu réel des propositions de l’Union Africaine ? De quoi s’interroger sur les buts véritables de cette guerre ?
Le CNT n’a aucune légitimité. Comment a-t-il été légitimé ? C’est grâce à l’armement que les occidentaux leur ont donné. Ils ont été aidés par les bombardements. Il est prouvé que les membres du CNT avaient demandé de l’argent, des armes, des tanks anti-missiles en échange de 35% du pétrole libyen. Chose que Kadhafi n’aurait jamais faite. Il y a une chose qu’on ne peut pas retirer à Kadhafi, c’est son partage. Le partage des ressources pétrolières et je l’ai vu de mes propres yeux. Le pays était en construction permanente et ce depuis 22 ans. Ils ont fait croire que Kadhafi était quelqu’un qui roulait sur l’or et ne pensait pas à son peuple. Ça c’est plutôt Moubarak ou encore Ben Ali. Alors qu’en Libye, l’argent du pétrole était très bien reversé. Il construisait par exemple, des immeubles essentiellement pour les pauvres.
Faut-il craindre selon vous un Irak n°2, c’est-à-dire une invasion comme celle qu’a subie l’Irak ?
Il faut comprendre une chose : à l’heure d’aujourd’hui, l’OTAN ne quittera plus jamais la Libye. Comme en Afghanistan, comme en Irak, il y aura toujours une armée d’occupation. Quand on était là-bas, il n’y avait pas d’état de siège. Nous, le matin on allait au marché ou à la place verte, il n’y avait pas de chars, rien de tout ce qu’on voudrait nous faire croire. Ce qui vient de se passer en Lybie, c’est un nouveau 11 septembre. Je l’appelle le World Trade Center libyen. Tout le monde a été endormi. Pourquoi l’OTAN n’a pas accepté les négociations que l’Union Africaine avait proposées ? Je pense que l’on a affaire à une guerre coloniale. Comme pour le 11 septembre on a fait croire aux gens qu’on pouvait envahir l’Afghanistan et encore plus, tuer Saddam Hussein en Irak, en prétendant qu’il avait des armes de destructions massives. Mais dans l’inconscient des gens, Saddam Hussein était responsable des attentats du 11 septembre. C’est de la propagande et c’est une arme de la guerre.
L’ancienne garde rapprochée de Kadhafi, qui avait la particularité d’être féminine, l’accuse d’avoir utilisé le viol comme arme de guerre...
C’est faux. Ce sont les rebelles qui ont utilisé le viol. J’ai rencontré des soldats et des gens qui venaient de la frontière égyptienne, ils venaient rallier l’armée loyaliste parce ce que ces gens-là voyaient ce qui se passait. Ce sont les rebelles qui entraient dans les maisons pour violer et demandaient au père de famille de donner leurs filles. Ce sont des avocats internes à la Libye qui ont fait des enquêtes pour savoir vraiment ce qui se passait à Benghazi.
La nounou des petits-enfants de Kadhafi accuse tout de même la famille de l’avoir torturée ...
C’est de la propagande pour diaboliser la famille Kadhafi. On ne peut pas autoriser une coalition qui est la plus armée au monde qui représente à, la fois les USA, l’Angleterre, la France pour aller sauver une femme qui aurait soit disant été brulée et torturée par un des fils de la famille Kadhafi. C’est peut être vrai c’est peut être faux, je n’en sais rien. A l’heure d’aujourd’hui on ne peut plus croire ce qui est dit à la TV. Je n’ai plus confiance en les médias. Quand on était là bas, il y avait le journaliste Thierry Meyssan du Réseau Voltaire, présent à l’hôtel Rixos avec son ami Julien Teil, ils ont fait un réel boulot de journalistes. Ils sont restés neutres. Ils n’avaient pas envie de répéter tout ce que toutes les chaines de TV ont dit. Je ne peux être qu’outrée après avoir été, après avoir vu et ensuite après avoir regardé aux infos comment les médias manipulaient les images. On y voit toujours des vieux et des jeunes avec des fusils et dire « Allah Akbar ». Or, ce ne sont rien d’autres que des renégats.
Selon vous, les libyens n’ont rien à reprocher à Kadhafi ?
Les Libyens vivaient bien dans l’ensemble. Je ne dis pas qu’ils n’avaient pas envie de changement. Peut-être qu’ils avaient envie d’un peu plus de liberté. Quand je dis liberté c’est-à-dire qu’il est vrai, qu’ils n’ont pas internet. Ils ne l’utilisent pas car internet est assez censuré chez eux. Peut-être aussi qu’ils auraient aimé avoir un peu plus de chaines de télévision. Mais les Libyens n’étaient pas là à dire que Kadhafi était un dictateur.
On ne peut donc pas parler de révolution ?
Ce n’est pas une révolution. C’est une intervention des pays étrangers qui se sont aidés des soulèvements du peuple tunisien et du peuple égyptien pour faire croire à une révolution libyenne et que bien sûr, le dictateur Kadhafi aurait réprimé cette révolution par les armes. Chose que Ben Ali avait commencé à faire et qui s’est avérée être une erreur fatale. Lorsque Ben Ali a commencé à tirer sur son peuple, on a tout de suite compris que c’était un dictateur, chose que Kadhafi n’a pas faite. Un colonel, rencontré dans le centre-ville de Tripoli et qui a souhaité rester anonyme, m’a dit que les soldats de l’armée loyaliste avaient les rebelles en ligne de mire, mais Kadhafi avait demandé à ce qu’on ne tire plus sur eux. Comme il avait vu que les occidentaux avaient utilisé ce prétexte pour envahir la Libye, il a demandé à l’armée loyaliste de seulement les attraper.
J’invite tout le monde à lire le Livre Vert de Kadhafi où il expose sa vision de la démocratie et de la politique. Il a installé un système social qui dépasse les démocraties européennes actuelles. C’est quand je suis partie là-bas que je m’en suis rendue compte. Il a instauré une démocratie participative. Il forçait les gens à s’intéresser à la vie politique afin qu’ils se responsabilisent. La seule chose qu’on peut lui reprocher c’est que ça fait plus de 40 ans qu’il est au pouvoir. Les gens pensent qu’en faisant partir Kadhafi, les choses vont changer. Au contraire, toute la Libye va s’affaiblir. Il y a actuellement une guérilla et des check-points un peu partout. Ils sont en train de créer une résistance, c’est-à-dire que les loyalistes ne vont pas lâcher l’affaire et la guérilla risque de durer au moins un an.
Le journaliste Julien Teil a un projet de film sur ce conflit libyen ? Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Julien Teil a ramené des images qu’il est en train de monter sous forme de documentaire. Il a même des images d’archives sur ce qu’était la Libye avant le conflit. Je ne sais pas ce que son travail va donner mais j’aimerais bien que son film voit le jour. Il a plus ou moins besoin de fonds pour que son film sorte. Ce film s’appellera « Guerre humanitaire ».
Propos recueilles par Henda Bouhalli
Publié sur Med'in Marseille et La Voix de la Libye / mondialisation.ca