Libye : les Occidentaux n'ont jamais milité pour la liberté des peuples tiers
michelcollon.com
Ils proclament vouloir protéger les populations civiles, mais le but de cette invasion est bel et bien ailleurs.
Conscients
de la reprise par les forces gouvernementales libyennes des villes
occupées par la rébellion, les Occidentaux ont décidé d'entrer en
action. Ils proclament vouloir protéger les populations civiles, mais
tout le monde sait que le but de cette invasion est bel et bien
ailleurs.
Les « soldats de la paix » de
l'Occident accompagnés de quelques ravitailleurs arabo-musulmans de
pacotilles et de décor sont sur le pied de guerre. Ils iront en Libye
détruire l'aviation et le matériel militaire, mais le gouvernement
fantoche et obséquieux à venir doit acquérir de nouveaux matériels de
guerre. Les « soldats de la paix » iront détruire les
infrastructures dont s'est dotée la Libye au prix d'énormes sacrifices,
mais les préfets locaux à venir devront en reconstruire. Et qui sont
ceux qui vont avoir les contrats pour la prétendue reconstruction ? Les
multinationales des pays envahisseurs. Comme en Irak et comme partout
ailleurs. Ainsi, le profit sera double voire triple : détruire ce qu'on
avait vendu, faire payer le reste de la facture si tout n'avait pas été
réglé par l'ancien régime et reconstruire ce qu'on avait détruit. C'est
aussi cela les affaires !
La coutume a été parfaitement respectée
une fois encore. Quand il s'agit de leurs intérêts, les Occidentaux
savent taire leurs divergences internes. L'accord est toujours global
même si hypocritement certains pays sont plus hésitants. C'est le cas de
l'Allemagne aujourd'hui. Les autres laissent faire. Ceux-là, ce sont la
Russie, la Chine, l'Inde et le Brésil. Peut-être que les termes du
partage ne leur sont pas suffisamment favorables. Car, il faut bien
reconnaître qu'il s'agit de se partager un pays à conquérir. Ce matin et
toute cette journée, toute la classe politico-médiatique de l'occident
belliciste est à l'unisson : la vote au conseil de sécurité autorisant « toutes actions pour protéger les populations civiles »
en Libye est une victoire. Plus de gauche, plus de droite. Les quelques
illuminés qui vendent encore aux naïfs tiers-mondistes le rêve
internationaliste sont silencieux. En fait, tous célèbrent cette
victoire car, eux tous se disent contre la dictature et le massacre
opéré par Kadhafi.
Ce « massacre des populations civiles »
par Kadhafi est, à maintes reprises, démenti par des images fournies
par leurs propres télévisions, leurs propres médias de propagande. Ce
fameux massacre, on a beau le chercher, on a beau essayer de convaincre
la planète qu'il a lieu, ceux qui ont les yeux ouverts ne le voient pas.
Malgré cela, Alain Juppé (photo), sur un cheval blanc, paré de
l'éternel discours sacrificiel soutenant les vraies intentions
occidentales, lui le voleur condamné par la justice de son pays, s'est
présenté devant ses pairs du conseil de sécurité de l'ONU (l'une des
armes de la boîte à outils des Occidentaux) le jeudi 17 mars 2011 pour
demander une action urgente afin de ne pas laisser le massacre
continuer.
Lorsqu'on ne trouve toujours pas le bon prétexte, on avance la
nécessité d'abattre le régime libyen en vue de préserver les révolutions
en Tunisie et en Egypte. Car, estime t-on, Kadhafi est dangereux et sa
capacité de nuisance est illimitée. L'instant rappelait celui du
discours de Collin Powell à la veille de l'invasion toute aussi
humanitaire de l'Irak par Bush et ses sous-fifres pour démasquer les
armes de destruction massive dans les puits de pétrole irakiens. Pire,
Alain Juppé, le voleur, a parlé dans sa déclaration de combat de la
morale, de la démocratie et de la liberté contre les forces de la
répression. L'utilisation de ces mots par ce monsieur qui avait été
condamné – avec clémence, il faut bien le dire – pour avoir tourné le
dos à la morale et en pareille circonstance revient à les profaner. Mais
au fond, la profanation, n'est-ce pas ce sur quoi est fondée la
puissance de l'Occident qui, enivré du sang des peuples qu'il a soumis
depuis six siècles, fait parler le canon là où son plan de « conquête pacifique » échoue ?
Tout
ce qu'on peut dire en ce moment où l'attaque de la Libye a commencé,
c'est regretter que Kadhafi ait utilisé l'argent du peuple Libyen pour
financer la campagne de Sarkozy, que son fils ait offert 1.500.000
livres sterling à l'université d'Oxford, que lui et ses enfants aient
certainement offert d'autres millions de dollars à des gens pour qui
l'argent n'a pas d'odeur. Ceci est une bêtise. Car, il n'y a pas d'autre
mot pour qualifier le fait d'offrir de l'argent à ceux qui vous
méprisent. C'est également le moment pour les Kadhafi d'apprécier le
rôle de police qu'ils ont joué dans l'endiguement violent de
l'immigration vers l'Occident. Qu'ils jugent par eux-mêmes ceux qu'ils
considéraient jusqu'à une époque récente, comme leurs amis à qui ils
achetaient des armes. Les relations de l'Occident avec le monde
extérieur notamment ce qui est appelé le Sud sont faites justement de
trois étapes : la lèche au moment de chèques et de bonnes affaires, le
lâchage au moment où il est découvert plus docile, et le lynchage à
l'heure où le serviteur d'hier engage la résistance. Puisse cet épisode
permettre aux tyrans encore en fonction et serviteurs plats des intérêts
occidentaux au détriment de ceux de leur peuple, d'imaginer le sort qui
leur est réservé.
A l'heure de la crise du capitalisme, pourquoi
se priver de ressources supplémentaires ? Le discours humanitaire a
toujours habillé les réelles intentions de l'Occident. Les razzias
négrières transatlantiques n'étaient-elles pas après tout un moyen de
conduire les païens nègres de l'enfer africain au paradis des colonies ?
N'est-ce pas une guerre juste qu'on a mené contre le tyran Saddam
Hussein ? Pourquoi se priverait-on de celle contre Kadhafi ? Elle est
juste et humanitaire car le peuple libyen a le devoir de goûter au fruit
de la liberté et de la démocratie importé au bout des chars.
Mais,
on peut faire confiance à l'histoire. Si elle se répète très souvent
pour les forts qui conjuguent la ruse et la violence pour parvenir à
leurs fins, elle est également répétitive pour les peuples qui finissent
toujours par se révolter contre les envahisseurs. Ces libérateurs qui
ne libèrent rien si ce n'est le passage pour accélérer le pillage des
richesses de l'espace libéré.
On a beau tenter aujourd'hui de
montrer la joie des Libyens en faveur de cette invasion. Les Libyens
d'aujourd'hui qui, soi-disant, accueillent les bras ouverts l'invasion
et qui hissent le drapeau français sur le toit de leurs maisons se
transformeront demain en combattants pour la liberté et contre
l'occupation. La mémoire collective reprend toujours le dessus. Comme ce
fût le cas pour d'autres pays dits libérés par les mêmes hyènes qui
continuent leur chasse en meute. Il ne peut en être autrement, puisque
cette agression militaire dite action humanitaire n'est pas pour la
liberté des Libyens.
La liberté des libyens, on s'en fout en Occident. Les Occidentaux
n'ont jamais milité pour la liberté des peuples tiers. Il suffit de
relire l'Histoire pour en être persuadé. L'Occident adepte de
l'individualisme multidimensionnel, ne peut travailler pour les autres.
Il ne peut libérer aucun peuple malgré tous les sophismes qu'il
développe pour envelopper sa vraie philosophie. Les peuples ne sont pas
son affaire. Ce qui le concerne, ce sont ses intérêts tout azimuts au
nom desquels il soutient ici des tyrannies obéissantes, là il se
déchaîne contre des dictatures récalcitrantes et désobéissantes, ou là
encore il est contre les démocraties désireuses d'autonomie contre
lesquelles il monte des rébellions.
En définitive, si le peuple
libyen désapprouve massivement Kadhafi, il revient à lui et rien qu'à
lui seul de le renvoyer du pouvoir. Vouloir faire passer le secours et
l'appui à un groupe d'homme-liges pour la protection à une population
civile massacrée est inacceptable. Chaque peuple dispose de la capacité
et des outils pour vaincre les dirigeants qu'il ne veut plus. Cela prend
le temps qu'il faut, cela coûte ce qu'il doit coûter mais le peuple
finit toujours par triompher. Que ce soit ici ou là-bas.
Non aux guerres de rapines et d'agression !