Lettre ouverte au peuple camerounais: Voici pourquoi Marafa doit continuer à parler
DOUALA - 30 MAI 2012
© Jean François CHANNON | Le Messager
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aux premières lettres croustillantes de Marafa, le peuple a encore soif
de connaitre et comprendre des choses. Notamment, comment son pétrole
et les autres ressources ont été gérés depuis 30 ans par le régime de
yaoundé, et précisément le temps où l’ancien Sgpr était le président du
conseil d’administration de la grosse nébuleuse Société nationale des
hydrocarbures.
L’incarcération de l’ancien ministre
d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la
décentralisation au secrétariat d’Etat à la défense vise-t-elle à le
faire taire définitivement ? Possible. Pourtant, on sent monter chez le
petit peuple le besoin de comprendre encore bien des choses qui se
tramaient là haut du temps où il était aux affaires et dans les bonnes
grâces de Paul Biya.
Il faut plaindre d’avance les tenants du pouvoir au Cameroun. Car il leur sera désormais assez difficile de convaincre l’opinion nationale et internationale que l’interpellation, puis l’incarcération de Marafa Hamidou Yaya, ne le sont pas à la suite d’un ordre personnel de Paul Biya, président de la République du Cameroun, dont on dit qu’il voulait absolument en découdre avec un ancien collaborateur direct, qui s’était entre temps fortement émancipé politiquement, comme cela se susurre depuis un temps dans les arcanes du landerneau politique camerounais. Dans l’édition du Messager du Mardi 29 mai 2012, il a été relevé des curiosités qui enveloppent la procédure qui a conduit à la mise aux arrêts de l’ancien Minatd, et qui prouvent, avec très peu de doutes, que la genèse de cette affaire pourrait effectivement être politique. Marafa Hamidou YayaL’un des enjeux de cette affaire « Marafa » est que l’ancien ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République, n’était pas n’importe qui dans le sérail politique camerounais. Jusqu’au moment où il est embastillé du côté du secrétariat d’Etat à la défense (Sed), il reste membre du bureau politique du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), le parti (encore) au pouvoir. Et de ce fait, non seulement il peut avoir été, assurément, un des grands confidents politiques du président, mais aussi, qu’il détient avec lui des grands secrets de la République et du biyaïsme. Trois SGPR dans le rouleau Il y a à peu près 15 ans de cela, le Pr Titus Edzoa, avait eu la témérité de croire qu’il pouvait s’émanciper politiquement au point de briguer le fauteuil présidentiel. L’ancien secrétaire général de la présidence de la République avait alors démissionné avec fracas du gouvernement, puis, avait annoncé dans la foulée sa candidature à l’élection présidentielle d’octobre 1997. Très vite, les faucons du régime s’étaient concertés (cf affaire des écoutes téléphoniques), et avait impitoyablement déroulé le fameux rouleau compresseur qui continue d’étouffer le Pr Titus Edzoa aujourd’hui. Mais l’ancien Sgpr, ancien confident du prince, avait choisi de se taire. Ni au Tribunal de grande instance du Mfoundi qui en une nuit de débats, lui avait filé (en l’absence de ses avocats) une condamnation de 15 ans d’emprisonnement ferme, ni à la Cour d’appel où cette peine avait d’ailleurs été confirmée. Le Pr Titus n’avait pas ainsi cru bon de sortir des vérités sur le fonctionnement du système Biya. Et depuis, le rouleau compresseur ne cesse de l’écraser, avec la plus grosse et instinctive des brutalités. Même traitement en tout cas pour Jean Marie Atangana Mebara, lui aussi ancien secrétaire général de la présidence de la République. Entré en disgrâce et arrêté pour une affaire dont il continue de clamer son innocence, Atangana Mebara dans un témoignage poignant, contenu dans son livre « Lettres d’ailleurs », s’échine à faire comprendre à l’opinion publique nationale et internationale que ses ennuis judicaires n’ont de fondements que politiques. Mais ce qu’il n’a pas pu faire jusque là, c’est de dire comment un ancien collaborateur du chef de l’Etat peut ainsi tomber en disgrâce au point se faire envoyer en prison après un simple haussement de la tête du prince. Mieux, le peuple, le petit peuple attendait de lui, ne serait-ce que pour la mémoire collective, une description à la limite sommaire, du mode de fonctionnement du système qui a cruellement raison de lui aujourd’hui. Il n’en a rien été pour l’instant. Peut-être que ce sera le cas dans un avenir proche ou lointain ? Le peuple veut comprendre Marafa Hamidou Yaya, lui aussi ancien Sgpr, et désormais en plein dans l’appareil répressif du système en place. L’ancien homme fort du Rdpc à Garoua semble avoir adopté une attitude différente de ses deux prédécesseurs au prestigieux poste de secrétaire général de la présidence de la République. Il y a quelques mois, alors que les rumeurs sur sa prochaine arrestation devenaient plus probables, une source du Messager, proche de l’entourage de l’ex-Minatd affirmait « qu’il est serein et attend avec patience et assurance le moment où il sera arrêté. Je vous assure, tel que je l’ai vu, il ne se laissera pas faire ». Et notre interlocuteur de poursuivre : « Je vous assure que vous allez apprendre des choses, et des choses graves qui risquent bien d’ébranler le régime ». En fait, nous n’avons pas été étonnés de voir l’attitude de Marafa Hamidou Yaya quelques jours seulement après sa mise aux arrêts. D’abord une première lettre ouverte au président de la République avec des révélations croustillantes sur le mode de fonctionnement de Paul Biya. Puis une deuxième lettre ouverte, toujours au président de la République, avec d’autres révélations toutes aussi grivoises. Et ensuite, une troisième lettre ouverte, cette fois adressée au peuple camerounais, pour donner sa version de faits sur l’affaire de l’achat d’un avion pour les déplacements du chef de l’Etat qui pourrait lui être reproché. Avouons que beaucoup au sein de ce petit peuple, ont appris des choses assez graves sur la marche de « l’Etat biyaïste » en pareille occasion ; des choses qui jusque-là n’ont pas été démenties aussi bien par certaines hautes personnalités qui ont été mises en causes, ou alors par les hautes autorités de l’Etat. En réalité nous sommes là dans un processus (qu’on peut à juste titre qualifier d’heureux) de démystification de Paul Biya et de son système. Mongo Beti nous avait tous prévenus dans une de ses interviews dans la presse locale, qu’en fait « ce qui existe au Cameroun ? C’est Paul Biya et Paul Biya seul. Il tient dans ses bras un gros bâton, prêt à frapper tout ce qui ose bouger, et nous fait tous ainsi déféquer dans nos frocs ». En toute sincérité, y a-t-il lieu d’étouffer des révélations sur un homme et son système, qui règnent sur un pays et des millions de citoyens depuis près de 30 ans, sans créer la moindre possibilité des conditions crédibles d’alternance politique ? « Il ne faut pas jouer avec le Cameroun » disait Paul Biya himself. Suite aux premières lettres croustillantes de Marafa, le peuple a encore soif de connaitre et comprendre des choses. Notamment, comment son pétrole et les autres ressources ont été gérés depuis 30 ans par le régime de yaoundé, et précisément le temps où l’ancien Sgpr était le président du conseil d’administration de la grosse nébuleuse Société nationale des hydrocarbures. Et pour cela, l’ex-ministre d’Etat Marafa Hamidou Yaya, s’il veut vraiment être crédible, et se racheter aux yeux de ce petit peuple, doit pouvoir couragement continuer, partout où il se trouvera... à parler. |
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