Lettre ouverte au chef de l’Etat Paul Biya
Lettre ouverte au chef de l’Etat Paul Biya
- Mercredi, 24 Août 2011 11:05
- Paskal
Abel Eyinga. Cette lettre n’était pas destinée à
être publiée. Mais Ebolowa étant devenu décidément la cité des rumeurs,
celles qui s’accumulent en ce moment autour de cette correspondance sont
si énormes et si grossièrement erronées que je me trouve dans
l’obligation, pour arrêter le massacre, de mettre à la disposition des
personnes de bonne foi, ce document authentique, irréfutable.
Monsieur le président,
Je vous écris aujourd’hui monsieur le président parce que je suis
profondément choqué et blessé par ce qui m’arrive ici à Ebolowa du fait
d’un fonctionnaire qui, en choisissant d’ignorer la loi, m’a dépossédé
d’un terrain que j’avais légalement acquis.
Il m’est insupportable de me retrouver malgré moi dans cette position
et il n’y’a qu’à vous, monsieur le président et premier magistrat de ce
pays, que je peux m’ouvrir à ce sujet en toute confiance, sachant qu’il
est en votre pouvoir de remédier à ce genre de situation. J’avais en
effet acquis un terrain à Ekômbité, au bord du lac municipal d’Ebolowa,
terrain enregistré au de Zamo Rhode Thérèse. L’an dernier, vers
juillet/août, mes voisins d’Ekômbité m’apprennent que des individus
parlant au nom de la communauté urbaine d’Ebolowa y sont passés et
qu’ils ont même déposé leur matériel, le président de la communauté
urbaine ayant jeté son dévolu sur mon terrain pour construire je ne sais
quoi à des fins d’embellissement de la ville pour le comice
agropastoral de 2011. J’ai laissé passer deux jours sans rien
entreprendre, croyant qu’un signe ou une quelconque information
viendrait de l’hôtel de ville. Mais rien n’est venu. Zamo s’est alors
chargée de se rendre à la communauté urbaine pour rencontrer le patron
des lieux afin de connaître ses intensions. Peine perdue : aucun contact
n’a pu s’établir avec ce monsieur au bout de trois jours de démarches
intenses. Une autre tentative de contact, orientée cette fois vers le
cousin Yenjôk de Nkô’ôvôs le plus proche de Zo’o Olouman s’est terminée
tout aussi lamentablement. C’est alors que je me suis tourné vers Fame
Ndongo pour solliciter ses bons offices. Le ministre a accepté d’en
toucher un mot à l’intéressé. Mais celui-ci, semble-t-il, est resté sans
réaction. L’huissier dépêché auprès du délégué du gouvernement n’a pas
eu plus de succès, celui-ci ignorant superbement la « sommation
interpellatrice et d’arrêter les travaux » à lui délivrée par
l’auxiliaire de justice.
Et pendant ce temps, le saccage de ma propriété continuait de plus
belle : les fondations de la construction commencée en vertu d’un permis
de bâtir régulièrement obtenu étaient complètement pulvérisées. Les
sept variétés de plantes médicinales acquises à prix d’or au Gabon, et
que j’avais mises à l’essai sur cette parcelle de terre que je croyais
être devenue mienne ont été arrachées, coupées en morceaux et brûlées.
Je passe sur les autres exactions : un vrai travail de vendables. Et
tout cela, en pleine ville d’Ebolowa, devant des centaines et des
milliers de regards qui peuvent ainsi voir réduire à néant les efforts
d’un citoyen parfaitement dans son bon droit. Devant ce spectacle, il
m’arrive de me demander dans quel pays sommes-nous, surtout ici à
Ebolowa. Monsieur le président, c’est seulement vers la fin du mois de
mars que j’ai appris, par la rumeur, que ce qui m’arrive depuis bientôt
huit mois, était une expropriation pour cause d’utilité publique. Aucune
notification officielle ne m’a jusqu’ici été faite à ce sujet. Je n’ai
pas entendu parler de l’arrêté de déclaration d’utilité publique du
ministre des domaines que la loi du 4 juillet 1985 réglementant le
régime de l’expropriation pour cause d’utilité publique au Cameroun
place au tout début de cette opération. Zo’o Olouman a dit à l’huissier
que lui, le fonctionnaire, avait fait une « déclaration d’utilité
publique » alors qu’il n’a pas qualité pour en faire une. Mais même de
cette déclaration sans valeur du délégué du gouvernement, je n’ai jamais
entendu parler, pas même par la rumeur, Ebolowa étant la cité des
rumeurs. Je dois vous dire, monsieur le président, que beaucoup d’autres
compatriotes souffrent de la manière dont les expropriations se sont
abattues sur nous ici à Ebolowa. Nombre de ces victimes impuissantes se
sont regroupées au sein d’un collectif pour défendre ensemble leurs
droits. Je fais partie de ce collectif qui ne conteste pas le droit,
pour les pouvoirs publics, de procéder aux expropriations pour cause
d’utilité publique, celles-ci se réalisant dans les conditions de
publicité, de concertation de transparence et de prise en compte des
intérêts et des droits des uns et des autres que définit en toute clarté
la loi du 4 juillet 1985 qui fixe la procédure des expropriations pour
cause d’utilité publique au Cameroun. Ce sont ces conditions
sécurisantes, protectrices des citoyens et respectueuses des droits de
l’homme qui ont été foulées aux pieds ici. Notre collectif n’entend pas
faire les frais de cette forfaiture. Monsieur le président, je ne peux
ne pas crier mon indignation et ma colère devant le spectacle des
camerounais qui s’abritent derrière des titres administratifs, comme au
temps de la torture. C’est une torture que de laisser sans abri des
familles entières après avoir réduit en miettes, au nom de l’utilité
publique, les murs et les toits qui leur tenaient lieu de logement. De
quelle utilité publique peut-il s’agir, lorsqu’on commence par réduire à
l’état de morts-vivants des camerounais vivants qui, au surplus,
possédaient quelque chose. C’est seulement maintenant que nous apprenons
qu’à la demande du délégué du gouvernement, le préfet de la mvila est
en train de mettre sur pied une commission chargée, entre autres choses,
de l’identification des propriétaires des droits mis en cause. Cette
connivence entre l’hôtel de ville et le préfet n’est prévue nulle part
dans la loi de 1985. Ainsi, on a commencé par saccager des terrains,
casser des maisons sans se préoccuper d’en connaître les propriétaires.
Une façon de faire diamétralement opposée à ce que dit la loi.
Et c’est seulement dans un deuxième temps, après qu’on a tout cassé,
que l’on envisage de recoller les morceaux en se livrant à une
identification hasardeuse des personnes et des biens. Et lorsque, dans
cet imbroglio, le préfet Galim vient déclarer à qui veut l’entendre, «
qu’à chaque opération d’expropriation, les détenteurs des titres
fonciers sont intimement associés pour être indemnisés, conformément à
la réglementation, » on se demande s’il parle bien des expropriations
d’Ebolowa qui se sont déroulées dans l’opacité la plus totale et qui
n’ont provoqué que frustrations, grincements de dents et même des haines
attentatoires à la paix sociale. Pour ce qui est de l’embellissement de
la ville pour le comice, j’ignore combien de résidents d’Ebolowa
pourraient vous certifier monsieur le président, que cet embellissement a
commencé du côté d’Ekômbité cinq mois après l’événement. Quelques bancs
publics…..peints en blanc ont été installés sur mon terrain, dans la
boue. Et sur le terrain qui jouxte le mien, un pavillon vient d’être
construit en un temps record. On dit que c’est un restaurant, et la
rumeur ajoute que son propriétaire est un simple particulier. Monsieur
le président, ce que je demande est simple. D’abord que l’on me rende
mon terrain, dans l’état où il était l’an dernier avant l’intrusion de
la communauté urbaine, une indemnisation appropriée s’imposant pour tout
ce qui ne peut plus être reconstitué. Ensuite que de substantiels
dommages et intérêts me soient alloués en réparation, d’une part de la
diffamation dont j’ai été victime de la part du député Zam qui, en
prenant fait et cause pour le délégué du gouvernement, m’a traité
publiquement d’agitateur politique, propos répercutés à l’échelle
nationale et internationale par la presse. Le comice a été un grand
moment, célébré comme tel non seulement à Ebolowa et dans toute la
région du sud, mais dans sur l’ensemble du territoire national. Il ne
faut pas que les errements de quelques-uns viennent en ternir l’éclat.
Vous seul, monsieur le président, pouvez aujourd’hui faire en sorte que
tout se termine finalement en beauté pour tout le monde. En m’excusant
d’avoir retenu si longtemps votre attention sur une affaire personnelle,
je vous prie d’agréer, monsieur le président de la république,
l’expression de ma respectueuse considération.
*Homme politique