Lettre ouverte au Cardinal Christian Tumi Osons réinventer notre avenir !
Lettre ouverte au Cardinal Christian Tumi
Osons réinventer notre avenir !
Votre Eminence,
C’est avec grand espoir que je me suis décidé aujourd’hui à vous
adresser cette correspondance. En effet votre Eminence, bien que
contraint à l’exil comme de nombreux jeunes de ma génération, je suis
avec beaucoup d’attention l’actualité de mon pays le Cameroun.
C’est ainsi que j’ai pu vivre en direct la panique suscitée au sein du
pouvoir Rdpc par le rapport produit par le Comité catholique contre la
faim et pour le développement (Ccfd) qui accuse le président du
Cameroun M. Paul Biya de « Haute trahison » (c’est ma qualification des
faits qui sont reprochés au Président. Car détourner l’argent du peuple
pour financer une secte n’est autre chose que de la Haute Trahison).
Jusqu’ici j’observais, tétanisé, ce que certains ont qualifié de « bal de caméléons et des ventriloques » du parti au pouvoir.
Si je me suis décidé à vous écrire, votre éminence, c’est après avoir
lu une interview d’un certain M. Jean Baptiste Ayissi Ntsama qui se
présente comme président du parti des démocrates authentiques du
Cameroun (Dac). Parti qui serait membre de la majorité présidentielle.
D’abord j’ai cru que ce n’est qu’un simple appel de pied au président
Biya pour avoir « sa part de gâteau » comme c’est de coutume dans le
paysage socio-politique du Cameroun.
Mais en me réveillant ce matin deux faits ont suscité ma curiosité :
1- Pour la première fois de l’histoire la Chambre d’enregistrement
qu’est l’Assemblée nationale s’est rebellée contre une injonction venue
d’Etoudi.
2- Le principal concerné par cette rébellion, M. Dieudonne Ambassa
Zang, aurait pris la poudre d’escampette (lire le journal Mutations du
17 juillet 2009 : Opération épervier : Dieudonné Ambassa Zang porté
disparu).
Ces deux faits témoignent de la dangerosité de la situation
socio-politique au Cameroun. C’est alors que je me suis lancé dans une
deuxième lecture de l’interview de M. Jean Baptiste Ayissi Ntsama qui
affirme pêle-mêle que : « Quelqu’un d’autre [que Paul Biya] aura
beaucoup de mal [ à diriger le Cameroun], étant donné que ces gens, qui
sont les hauts cadres du régime, s’ils prennent le pouvoir, ce sera une
catastrophe. Ce ne sont pas des hommes politiques. C’est le chef de
l’Etat qui les a pris pour qu’ils l’aident à gouverner. Ils sont trop
pressés. Ce n’est pas parce qu’on est milliardaire qu’on peut gérer un
pays. Ce n’est pas vrai ! »
« Ce sont des gens qui ont ramassé l’argent du Cameroun et l’ont
expatrié. Ils sont plus dangereux dans ce sens que, comme ils sont déjà
très riches, ils ne peuvent plus accepter que quelqu’un d’autre les
commande. Ils estiment que ce sont eux qui doivent être à la tête de ce
pays. C’est pour cela que leur présence, à mon avis, est très
dangereuse. Ils sont riches et ils veulent former une caste, ce qu’on
appelle la ploutocratie. C’est un régime de riches, très puissants.
S’ils arrivent à leurs fins, ça va être une catastrophe. »
« Du G11 bien sûr ! Nous vivons ses actes au quotidien. Le plus
difficile c’est qu’on ne sait pas combien ils sont dans les
institutions. Quand leurs meneurs étaient en poste, ils murissaient des
projets dangereux et nous, on les prenait pour des militants du Rdpc.
C’est une réalité, et au sein du Rdpc. Il est dans le ventre du Rdpc.
Je crois que le chef de l’Etat lui-même n’est plus en sécurité. Ils
posent des actes terribles ? Qui sont-ils ? On ne connaît pas. Qui sont
ses dirigeants ? On ne les connaît pas. On suppose que c’est un tel ou
un tel autre. C’est très dangereux. Il y a des actes qui sont posés,
les journaux écrivent et personne ne réagit. On ne comprend pas. Je
crois que le chef de l’Etat doit réagir. »
Le Renouveau accouche d’un monstre invisible
Votre Eminence, pour de nombreux camerounais, l’opération dite Epervier
n’est rien d’autre qu’une opération d’ « épuration politique ». Il y a
quelques années, une autre invention dite de lutte contre le grand
banditisme à travers ce qu’on a appelé le « Commandement Opérationnel »
s’était révélé être un vaste complot d’assassinat extra judiciaire ou
de trop nombreux innocents furent victimes. Il avait alors fallu qu’en
bon berger du peuple que vous êtes, que vous affrontiez les assassins
cachés au sein du système pour qu’un terme soit mis à ces massacres.
A la lecture de l’actualité au Cameroun, il apparaît plus que jamais
que le régime du président Biya a accouché d’un monstre invisible qui
menace ses propres géniteurs. En donnant les pouvoirs illimités à un
homme, les députés croyaient se mettre en « sécurité » à tous points de
vue. En laissant ses ministres et autres hauts fonctionnaires voler
avec une avidité indescriptible l’argent du peuple, le président
croyait « sécuriser » son pouvoir à vie. Mais voila que ce système de
prédation et de corruption a nulle autre pareille menace non seulement
ses géniteurs mais risque de précipiter le Cameroun dans une guerre de
clans qui pourrait déboucher sur une guerre civile.
En décidant de jeter en prison ses complices d’hier devenus ses
potentiels successeurs, le président a ouvert la boite à pandores.
Tous les signes sont là pour montrer que la guerre pour la conquête ou
la conservation du pouvoir fait rage au sein du Rdpc. Le président
réputé être un homme calme montre des signes de fébrilité. Non
seulement il change la constitution mais il tient au passage à
s’assurer une immunité. En procédant au remaniement ministériel pour
taire le bruit autour du rapport du Comité catholique contre la faim et
pour le développement, le président montre qu’il est un homme aux abois
qui a désormais peur même de son ombre. De l’autre côté, à travers le
mémorandum du grand Centre, les gens d’en face ont donné un signal fort
d’avertissement…
En refusant de lever l’immunité de l’ex-ministre Ambassa Zang devenu
député, les députés pensent pouvoir se protéger eux-mêmes du monstre
qu’ils ont contribué à créer. Malheureusement comme dans les films
d’horreur, il est trop tard, le monstre étant devenu incontrôlable.
Tout le monde y compris le président lui-même se pose la question de
savoir : « Qui sera la prochaine victime ? ».
Le peuple camerounais a besoin de son Moïse !
Votre Eminence, comme vous pouvez le constater, le Cameroun plus que
jamais est devenu une bombe à retardement qui peut exploser à tout
moment. Lorsque les deux camps qui s’affrontent au cœur du pouvoir vont
passer à la phase d’affrontement armée, il sera trop tard pour sauver
le pays. Et comme le dit l’adage : « Quand les éléphants se battent, ce
sont les herbes qui pâtissent » !
Votre Eminence, il va falloir tout faire pour éviter ce grand malheur à
notre pays. Au moment où je tape ces mots sur mon clavier d’ordinateur,
la télévision annonce la célébration ce week-end à New York par les
plus grandes stars du showbiz américain de la journée dédiée à Nelson
Mandela. Cette annonce est accompagnée d’un reportage qui montre cet
homme légendaire qui profite de sa paisible retraite pour entretenir
les jeunes venus des quatre coins du monde pour préparer la célébration
de son 91ème anniversaire !
En regardant ces images, je suis soudain pris de pitié pour notre
président qui se bat comme un beau diable pour soit conserver le
pouvoir à vie ou alors se prémunir contre toute poursuite au cas où par
extraordinaire il venait par le perdre. Cette attitude témoigne à
suffisance d’un parcours lamentablement raté !
Et je me pose la question de savoir comment un homme qui avait autant
de pouvoir - donc rien ne pouvait empêcher de réaliser tout ce qu’il
voulait de bien pour son peuple - ait réussi l’exploit de produire un
piètre résultat en 27 ans au point d’avoir peur de son ombre
aujourd’hui ? Comment, quand on a la chance de faire l’histoire comme
Nelson Mandela, on décide délibérément d’en écrire les pages les plus
tristes ? Pourquoi avec une moyenne d’un remaniement ministériel par
an, le président n’a jamais pu trouver des hommes pour traduire en acte
son projet politique consigné dans « Pour le libéralisme communautaire
» ?
J’étais encore là à me demander le pourquoi du comment quand mon alerte
google sur l’actualité camerounaise me signale que le nouvel entraîneur
français des Lions Indomptables a été nommé sur la demande des hommes
politiques français. La demande ayant été directement adressée à Paul
Biya lors de la récente visite du Premier ministre français au
Cameroun. Et du coup je me suis souvenu de cette déclaration de
Celestin Bedzigui au journal Le Messager : « Et bien que comparaison ne
soit pas raison, la similitude entre les deux systèmes de pouvoir Bongo
— Biya, l’influence exercée par la France et le lien d’allégeance-
soumission qui la détermine, sont, logiquement et politiquement, de
nature à produire les mêmes effets ». Et M. Bedzigui de conclure : « On
peut dès lors transposer en reprenant l’observation faite plus haut
pour le Gabon et entrevoir sans différence majeure qu’il est à craindre
qu’au moment ou inéluctablement le président actuel quittera le
pouvoir, quelle que soit la forme que cela revêtira, ’’ les handicaps
dont le pays hérite (ra) de lui, à savoir le faible développement
économique endogène, l’insuffisance des infrastructures, la
défiguration de la gouvernance publique et républicaine, le dévoiement
des règles démocratiques au profit de l’exacerbation de la culture du
népotisme’’ constitueront autant de menaces sérieuses à la cohésion
interne et la paix civile dans notre pays, toute éventualité que nous
nous devons d’éviter. »
Votre Eminence, en mettant tous ces éléments ensemble, nous avons tous
les ingrédients de notre sous-développement. D’un côté, on a les
courtisans prêts à tout, y compris à mettre le pays à feu et à sang
pour conserver leur privilège, et de l’autre, la nébuleuse Françafrique
qui oblige nos chefs d’Etats à agir comme des marionnettes pour
sauvegarder leur intérêts. Sinon comment comprendre qu’un chef d’Etat
préfère financer une secte au moment où son pays patauge dans une crise
économique sévère ? Comment comprendre que ce même chef d’état décide
de s’attaquer à ce qui reste de consolation au peuple camerounais en
imposant un entraîneur non pour compétence, mais simplement pour faire
plaisir à ses maîtres français?
Dans son récent discours prononcé à Accra au Ghana, Barack Obama, le
président américain a lancé cet appel : “Vous pouvez vaincre la
maladie, mettre fin aux conflits, changer fondamentalement les choses.
Vous pouvez faire ça. Oui, vous le pouvez. Mais cela n’est possible que
si, vous tous, vous assumez la responsabilité de votre avenir. Cela ne
sera pas facile. Cela réclamera du temps et des efforts. Il y aura des
épreuves et des déconvenues. Mais je peux vous promettre ceci:
l’Amérique sera à vos côtés, à chaque étape, en tant que partenaire, en
tant qu’amie”.
Réconcilier tout le peuple, tout le peuple !
Votre Eminence, aujourd’hui, plus que jamais, nous avons la chance de
changer notre avenir. Le président est prisonnier du système qu’il a
lui-même mis en place. Ses courtisans sont aux abois de peur d’être
soudainement happés par « l’Epervier » qui plane. Le peuple impuissant,
résigné comme un agneau qu’on amène à l’abattoir, assiste à la danse
macabre d’un système monstrueux qui s’apprête à lui donner le coup de
grâce !
Votre Eminence, en bon berger qui s’apprête à prendre une retraite bien
méritée comme Nelson Mandela, Sédar Senghor, Alpha Oumar Konare,…
allez-vous laisser ainsi sacrifier votre troupeau sans agir ? Si vous
n’êtes pas notre Messie, alors trouvez-nous le Moïse qui sauvera notre
peuple de ce monstre qui le dévore depuis si longtemps. Comme le
témoigne la forte mobilisation lors de la récente marche de
protestation que vous avez organisée à Douala, vous êtes le seul qui
peut sortir le Cameroun de cet impasse. Il ne s’agit ni de vous
présenter à une éventuelle élection présidentielle (j’ai toujours été
d’accord avec vous lorsque vous avez à maintes reprises rejetté ce
genre d’appel), ni diriger une quelconque rébellion populaire.
Il s’agit tout simplement d’utiliser votre charisme pour réconcilier
tout le peuple avec lui-même. Ceci peut paraître naïf pour qui connaît
la façon de penser de ceux que le Père Ludovic Lado dans sa lettre
ouverte adressée à Paul Biya qualifie de « thuriféraires ». Mais je
suis convaincu que vous pouvez « libérer ces âmes possédées par le
démon du pouvoir ». Car voyez-vous toutes ces « âmes perdues » une fois
qu’elles se retrouvent dans l’enfer de Kondengui ou à New-Bell,
découvrent subitement la foi en Dieu !
Votre Eminence, je suis convaincu que tous ces cadres qui croulent
aujourd’hui en prison ne sont que les victimes d’un système qui ne leur
laissaient pas trop le choix. Je ne pense pas que « jeter [ainsi] dans
la gueule d’une opinion affamée et assoiffée de sang de nouvelles
victimes de l’opération Epervier » - comme l’écrit l’éditorialiste de
Mutations – soit bénéfique pour le peuple. Il me paraît évident que la
récupération des fonds détournés est de loin plus bénéfique ! Mieux
encore, une repentance de ces victimes de ce système serait un bon
signe pour un nouveau départ !
Aussi votre Eminence, en vous écrivant cette note aujourd’hui, je
souhaite que vous initiez des contacts avec toutes les forces vives
sans exception (y compris le Rdpc) pour jeter les bases d’un dialogue
qui s’ouvrirait sur une sorte de « Forum vérité et réconciliation ».
Vous pouvez rencontrer le président Biya, pour le rassurer que s’il
prend sa retraite en restituant au peuple ce qui lui a été volé, il ne
risque rien après son départ. Il pourra peut –être vous écouter. Vous
pouvez rencontrer les politiciens français et leur expliquer que leurs
intérêts seront saufs s’ils laissent le Cameroun se développer. Car un
Cameroun développé serait plus utile et plus sûr pour l’économie et les
investissements français. Vous mieux que quiconque connaissez des
Camerounais honnêtes pouvant vous aider dans cette tache. Il suffit de
leur faire appel et ils viendront sans hésiter. Si je me fie aux
reportages des journalistes, vous avez réuni autour de vous lors de la
récente marche contre la ratification du protocole de Maputo, des
Camerounais et Camerounaises de toutes les régions, de tous les âges,
de tous les partis politiques et surtout de toutes les religions. Il
n’y a que le Cardinal Tumi pour réussir ce genre de mobilisation au
Cameroun aujourd’hui. Alors pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? A mon
humble avis, avec un peuple réconcilié, nous pourrions nous doter
d’institutions fortes qui, parce que émanation du peuple, reflétera sa
volonté et ses choix dans son fonctionnement au quotidien ! Ceci semble
bien utopique. Mais que perd-t-on à essayer ? Roosevelt ne disait-il
pas que dans la vie la chose qui est pire que l’échec c’est de ne même
pas essayer du tout ! Et puis ne dit-on pas que la volonté déplace les
montagnes ! Une initiative qui inspire confiance aux Camerounais
trouvera, j’en suis certain, une adhésion spontanée et massive et non
celle qu’on achète à coup de million au Canada, en France,… et qui à la
fin divise toujours les Camerounais! Cette fois-la, au lieu que
l’argent vienne des caisses noires de la corruption, c’est le peuple
qui cotisera pour construire son avenir ! Osons réinventer notre avenir
!
Votre éminence, je terminerai cette lettre que j’ai voulue ouverte,
afin de sensibiliser tous les patriotes bonnes volontés qui appuieront
cette démarche par cette prescription de l’évangéliste Mathieu au
chapitre 7, verset 7 de son livre : « Demandez, et vous trouverez ;
frappez, l’on vous ouvrira… ». Par ma lettre, j’ai frappé à la porte de
l’espoir…Votre porte, Eminence !