Monsieur,
Premier magistrat de la ville, je me permets de vous interpeller à l’occasion de la journée internationale de l’eau. J’ai appris par les médias que l’incendie survenu à votre cabinet a été maîtrisé grâce à l’abondance de l’eau dont disposaient les sapeurs-pompiers, dont la célérité a permis de sauver l’Autel de ville.
Tout est là, Monsieur le délégué et cher frère. L’eau ! Il ne s’agit pas seulement de l’eau qui éteint le feu dans votre cabinet, mais aussi de l’autre, potable qui devrait étancher la soif de vos administrés. Vous le savez, la journée mondiale de l’eau vise à :
-Faire prendre conscience de la nécessité d’entretenir des écosystèmes sains et d’assurer le bien-être de l’humanité en relevant les défis croissants que pose la qualité de l’eau pour la gestion des ressources en eau.
-Accroître la visibilité du thème de la qualité de l’eau en encourageant les gouvernements, les organisations, les communautés et les individus dans le monde entier à s’engager sur ce thème, en participant à des activités telles que la prévention de la pollution, le nettoyage des cours d’eau et des lacs, et leur restauration. Dans le cas d’espèce, je ne vous apprends rien, Monsieur le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine. Douala que vous et moi avons connu dans les années 60, était un paradis. Il y avait des lieux de repères : la gare de Douala, le marché de la Bessèkè, le pont du Wouri ; les douches municipales ; la plage de Bonanjo ; la cathédrale ; le centenaire, le collège Alfred Saker, etc. Souvenez-vous, cher camarade. Nous allions à pied à ‘l’école principale ‘, savourant la qualité de l’air, nous arrêtant devant les innombrables bornes-fontaines pour boire une eau de qualité. Parfois, en rupture de banc, nous allions nous promener à la claire fontaine, aux douches municipales. Au fil de l’eau, carpes et brochets se faisaient admirer, en toute sécurité. Et parfois, nous prenions une douche, tout joyeux de batifoler dans l’onde si claire. ..
Ce Douala féerique a existé.
Il a été chanté par Gérard Djoumbissié : “ pour être heureux, il faut aller à Douala ”, insistait-il. Il a été chanté par Francis Bebey : “ Duala o mulema ”. N’est ce pas bénédiction monsieur le délégué, que témoin d’hier, vous soyez acteur d’aujourd’hui ? Délégué, vos administrés ont mal à leur eau. Ils ont mal à la peau de vivre dans un environnement insalubre. Le curage des drains et des caniveaux n'est pas effectué régulièrement et aucun réseau spécifique n'est prévu pour l'évacuation des eaux usées. La population n'est pas sensibilisée aux questions de l’environnement. Le réseau d'adduction collective demeure sans entretien. Voilà de quoi souffrent vos administrés : “ Coût trop élevé, qualité médiocre, accès difficile: l’eau est un problème pour trois quarts de la population de votre communauté qui n’a pas accès individuellement à l’eau potable. Moins de 40% des ménages sont raccordés au réseau, selon le dernier rapport (2007) de l’Institut national de la statistique camerounaise ”.
Pourtant l’eau ne manque pas à Douala. La preuve, on a circonscrit l’incendie de votre secrétariat sans coup férir. Fleuves et rivières, nappes phréatiques, saison des pluies. Douala est gâté par l’eau. Mais où trouver l’eau potable en l’absence de bornes-fontaines publiques ? Etre abonné au réseau Cde revient trop cher. La majorité de la population achète l’eau chez un voisin qui dispose déjà d’un compteur. Celui-ci, vend son eau plus chère qu’il ne l’achète. Un bidon de 10 litres d’eau potable coute 15 francs cfa. Et personne ne peut jurer de la potabilité de cette eau qui se ballade de robinet en bidon. De plus, les canalisations vétustes ont rouillé.
Vous me direz, monsieur le délégué, que la distribution de l’eau est du ressort national. Mais, voyez-vous, vos administrés se moquent pas mal de cette réglementation obsolète qui les expose à toutes les maladies hydriques que vous connaissez pour être un médecin. L’absence d’eau potable peut s’assimiler au désordre urbain dont vous êtes le chantre. Luttez contre l’un et l’autre. La décentralisation, c’est aussi prendre en compte la communauté dont vous avez la charge, par des idées novatrices et citoyennes, pour tout dire, communautaires. Vos administrés n’ont pas besoin d’une autorisation de Yaoundé pour boire de l’eau potable.
La preuve ? Les sociétés brassicoles offrent gracieusement l’eau du forage aux populations. Dans les quartiers, la prolifération des forages est devenu un juteux commerce et les propriétaires font dans la distribution privée, avec tous les problèmes sanitaires que cela comporte : maux de ventre, amibes, choléra, dysenterie, etc. monsieur le délégué, Douala vous regarde. Et les combats que vous avez déjà menés montrent que vous avez le dos large. Donnez-nous à boire…de l’eau potable !