Lettre ouverte à Nicolas Sarkozy, président de la République française
Aux cadavres jetés ce manteau de paroles…” (Louis Aragon)
Monsieur,
Entendez-vous,
Monsieur Sarkozy – je devrais dire Monsieur le Président, mais vous
n’êtes plus à mes yeux digne de ce titre, encore que, aveuglé par la
bêtise et l’ignorance, j’aie pu une fois, une fois de trop, et puisse
Dieu me le pardonner, voter pour vous –; entendez-vous, Monsieur
Sarkozy, le gargouillis du sang dans la bouche de ceux qui aujourd’hui,
par centaines, par milliers, sont égorgés sur vos ordres, aux quatre
coins de ce qui fut le “paradis” de l’Afrique de l’Ouest, par une armée
de bandits – grossie aujourd’hui du flot de tous les droits communs
hâtivement libérés par vos“rebelles”, au fur et à mesure de leur
progression dans les localités placées sous le signe de leur – votre ! –
criminel arbitraire; droits communs également sortis des prisons de
Ouagadougou par la volonté de votre“créature” au Burkina voisin, Blaise
Compaoré; tout ce beau monde puissamment armé par vos soins, avec la
complicité active d’une Onuci par vous corrompue et dévoyée, au mépris
de toutes les règles du droit international et ivoirien ?
Jusqu'
à quand croyez-vous pouvoir aveugler le peuple de France sur les
dessous inavouables de vos sales menées africaines, sur les dessous de
ces sales menées africaines qui ont, je vous le concède, commencé bien
avant que vous occupiez ce fauteuil maculé du sang de la France
coloniale et postcoloniale, et cela sans interruption depuis la guerre,
quel qu’en ait été l’occupant, droite et gauche confondues dans la même
abjection ? Jusques à quand pensez-vous pouvoir cacher à tous la gravité
de ce cancer du mensonge et de l’injustice dont les métastases rongent
et gangrènent la vie et l’âme de notre nation ?
Priez, priez vous-même pour que cet aveuglement se dissipe au plus
vite, avant que le pays tout entier doive payer d’un prix trop élevé
pour s’en remettre les conséquences de votre méchanceté, et de celle de
vos sbires d’ici ou d’ailleurs, le prix du sang de toutes les victimes
innocentes sacrifiées sur l’autel des intérêts vampiriques d’une France
moribonde en mal d’argent frais. La France, je le crois, guérira, mais à
la condition d’être d’abord guérie de vous comme de l’emprise de cette
pieuvre étatique aux ramifications trivialement mercantiles, dont vous
êtes aujourd’hui, à votre tour, à la fois le jouet et l’animateur :
animateur sans âme – à propos, vous attendra-elle encore longtemps au
vestiaire ? –, et donc nécessairement habité, manipulé par ce qui n’est
pas lui.
Quoi qu’il en soit, vous êtes aujourd’hui, avec vos
confères d’une scène internationale sur laquelle on ne sait plus qui
manipule qui; vous êtes aujourd’hui mon ennemi, comme vous l’êtes de
Mouammar Kadhafi ou deLaurent Gbagbo, deux dirigeants inspirés qui n’ont
jamais cherché à paraître ce qu’ils n’étaient pas, en se drapant comme
vous dans le manteau d’une dignité morale parfaitement hypocrite. Leur
seul crime, à tous deux, est d’avoir osé vous tenir tête, à vous, à
votre arrogance de caporal au service d’un Occident plus que jamais
déterminé à asservir les peuples relevant de sa dernière chasse gardée,
l’Afrique, et ce par le truchement de marchés honteux. L’attentat de
Lockerbie ? Même les preuves de l’implication de la Libye dans ce crime
ne sont toujours pas établies, quoi qu’on en dise. Et je ne vois pas en
quoi les dirigeants du Bahreïn, du Yémen ou de Syrie menacent moins
leurs populations que le régime libyen, qui, loin de tirer comme eux sur
des foules désarmées, a du faire face à une insurrection armée fomentée
et armée par vos soins !
Oui, vous êtes mon ennemi, l’Ennemi de
tous ceux qui consentent à ouvrir les yeux sur l’atroce réalité des
complots ourdis et des crimes perpétrés à leur insu et en leur nom, au
nom d’une République dont vous contribuer à souiller à tout jamais la
mémoire et l’honneur. Avec vous, la France, après s’être couverte d’une
gloire de pacotille avec ses “rafales” – qui les veut, mes avions, qui
les veut ? – et son savoir-faire guerrier, se retrouvera à court terme,
et comme toujours, couverte de ridicule, puis de honte. Il est vrai que
relayés à plaisir par vos services – secrets ou non –, et par la cohorte
de vos valets du gouvernement, de l’Assemblée, du Sénat, de
l’opposition, de l’intelligentsia parisienne, ainsi que de la presse
toutes tendances confondues, vos innombrables mensonges, en dépit de
leur caractère ignoble et monstrueux, semblent tellement bien digérés
par l’opinion que l’on peut à bon droit se demander si la démocratie
française est en meilleure santé que celle de Kim Jong Il !
Lorsque
vous vous regarder dans la glace, je vous souhaite, comme dans les
films d’épouvante, dont l’horreur n’a rien à envier à celle du chaos
dont vous êtes aujourd’hui le principal artisan, en Libye et en Côte
d’Ivoire, de vous voir soudain environné par le reflet glacé de ces
milliers de visages dont les regards se sont éteints, s’éteignent et
vont s’éteindre par votre faute : pour chacun d’eux, compte vous sera
demandé, comme à un petit Hitler en col blanc et aux velléités
humanitaires. Pour chaque forfaiture maquillée en vertu, compte vous
sera demandé, et compte triple: pour la perpétration du crime, pour sa
dissimulation – en l’imputant lâchement à d’autres –, et pour sa
négation assumée et réitérée jusqu’à la nausée.
Je vous ferai
grâce du procès que l’on pourrait vous intenter pour tous les cas avérés
de conflits d’intérêts dans lesquels vous et les vôtres vous êtes
trouvés impliqués : ces délits sont mineurs, au regard des meurtres de
masse qui vous rendent justiciable, plus que tout autre, de cette “Cour
pénale internationale” par vous promise à Kadhafi et à Gbagbo,
compétente pour qualifier et juger les crimes contre l’humanité. A moins
que cette cour, elle aussi, fasse partie de la vôtre ? Certes, vous
pouvez encore – mais c’est un mot dont vous avez affirmé avoir horreur,
je le comprends mieux aujourd’hui, vous pouvez encore vous repentir.
Mais en tout état de cause, la réparation des torts et des dommages
irréversibles par vous causés à la France et au monde nécessiteront un
temps de purgatoire beaucoup plus long que la permanence de votre trace
dans l’histoire.
Ma prière aujourd’hui, c'est que Laurent Gbagbo
et Mouammar Kadhafi vous survivent longtemps, ainsi qu’à ce système
dont vous et toutes vos confréries pourvoyeuses de cimetières peuplés de
beaux discours incarnez la perversion.
Respectueusement,
Un ancien pasteur de l'Église Réformée de France.