Lettre ouverte à Monsieur le Candidat à la Présidence de la République
Me Black Yondo (*). Monsieur Paul Biya, où en êtes-vous avec votre Première Grande Ambition : l’instauration au Cameroun d’un Etat de droit ?
Le monde est dangereux à vivre, non à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire’’.
Ces lignes empruntées à notre compatriote Valère Kuate feraient
volontiers cogiter les candidats au baccalauréat, tant elles
interpellent tout homme responsable et doué de raison. Pour l’heure,
elles devraient spécialement interpeller les camerounais que nous
sommes, nous appeler à l’action, nous qui avons délibérément choisi
d’abandonner tous nos droits au Prince qui nous gouverne, préférant nous
murer, par crainte sans doute de représailles, dans une indifférence et
un silence qui s’apparentent à la lâcheté.
Près de 30 ans plus tard en effet, l’homme qui plaçait sa prise de
pouvoir sous le signe de la rigueur et de la moralisation, au grand
espoir d’un peuple auquel l’indépendance du pays n’avait finalement
apporté que gémissements et grincements de dents, ne trouve aujourd’hui
rien d’autre à nous servir comme feuille de route que le combat contre
ceux qui ont abusé et abusent des fonds et moyens de l’Etat, et qui, à
l’entendre, devront à tous prix rendre gorge, les grandes ambitions
qu’il nourrit pour le Cameroun ne pouvant tolérer de tels écarts de
comportement. Encore faut-il raison garder.
Triste constat quand on se souvient qu’à l’accession de Monsieur Biya
au Pouvoir, si le Cameroun ne baignait pas dans l’opulence, il ne se
rangeait pas moins aux côtés des pays à revenus intermédiaires. Aucun
exégète ou analyste des révoltes des peuples ne peut soutenir que chez
nous, les conditions d’une révolte ne sont pas aujourd’hui réunies. Et
pourtant…
Quelle endurance à mettre au crédit de notre peuple!
Le Cameroun va mal. Le constat est général. Mais
combien de camerounais sont capables de faire le lien entre ce constat,
le déficit de certaines institutions, l’inféodation de l’appareil
judiciaire au régime et la gangrène de l’injustice sociale! Pour tout
remède, l’on nous envoie aux élections, dont la garantie de la
transparence et de la justice est loin d’être la préoccupation de ceux
qui nous forcent à y aller, tels les juifs hier vers les fours
crématoires. C’est, à la limite, de la provocation, quand on sait ce
qu’une élection mal acceptée par le peuple a coûté à la Côte d’Ivoire
voisine.
L’injustice est partout. Nombreux sont les camerounais qui vivent en
dessous du seuil de pauvreté. 6O% de la population active sont en quête
d’un emploi, au rang desquels de nombreux jeunes ; nos hôpitaux sont des
mouroirs faute des structures indispensables. Les buildings et autres
‘’gratte-ciel’’ que l’on voit pousser partout à Douala, Yaoundé et
ailleurs ne sont que du voile-face permettant à leurs propriétaires
d’utiliser de l’argent sale qu’ils ne peuvent plus planquer dans les
paradis fiscaux.
La loi du plus fort imposée par le libéralisme provoque la colère, le
désespoir et le repli sur soi. Mais l’histoire est là, implacable pour
rendre compte du passé. Las des privations en tous genres, malgré la
force de la répression, les peuples ont fini par relever la tête pour
dire non, ‘’trop c’est trop’’. Nous l’avons vu en Egypte, en Tunisie,
actuellement en Lybie, pour ne pas parler de la Côte d’Ivoire.
Bien que le Cameroun soit riche, aussi bien en ressources humaines que
naturelles, qui osera soutenir que le pouvoir d’achat des ménages
camerounais ne bat pas de l’aile ?
L’absence de règles d’une bonne gouvernance nourrit des inquiétudes et
des peurs légitimes ; la contestation est dans l’air, face à laquelle le
pouvoir continue avec cynisme et brutalité sa navigation à vue,
appliquant une politique aussi inefficace économiquement qu’injuste
socialement, et dangereuse pour notre avenir.
Monsieur Biya, vous êtes si haut placé que de petites gens comme nous
avons à peine le droit de nous adresser à Votre Honneur. Et pourtant,
c’est vous le destinataire premier de l’assertion de notre compatriote
Valère Kuate: ‘’Le monde est dangereux à vivre, non à cause de ceux qui
font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire.’’
Vous seul avez pouvoir de décision ; vous avez sur nous, vos
compatriotes, le droit de vie et de mort ; Vous nous faites mettre en
prison quand le cœur vous en dit. Le pouvoir judiciaire est devenu un
instrument de règlements de comptes et d’élimination de tout sujet qui
oserait tenter de faire de l’ombre à votre auguste majesté.
Votre système, celui que vous avez institué, veut que rien ne puisse se
faire qui ne soit l’expression de votre volonté, mais alors, pourquoi
faire perdre le temps à tout un peuple en lui faisant croire que la
décision lui appartient, comme il en est dans toute démocratie?
Vous voulez vous présenter à l’élection présidentielle pour un nouveau
mandat de 7 ans, mais sachant que vous n’avez pas pu faire grand-chose à
la tête du pays depuis 1982, par pudeur ou par décence, vous n’avez pas
le courage de vous déclarer spontanément candidat, forçant le peuple
affamé et l’apparatchick en quête de promotion à vous porter à la
candidature par appel aux éternelles motions de soutien, faisant ainsi
croire à vos partenaires de l’Occident qui seraient tentés de vous
dissuader de briguer un nouveau mandat que ce sont vos compatriotes qui
tiennent encore à vous voir vous représenter pour parachever l’œuvre que
vous avez ‘’ambitieusement’’ commencée dans l’intérêt du pays.
Quelle belle leçon de disponibilité vis-à-vis du peuple, à moins qu’il ne s’agisse que d’une simple illusion.
Tout a été dit par vos compatriotes pour vous inviter à déposer le
tablier ; Vous ne pouvez plus rien apporter au Cameroun que vous n’ayez
pu apporter en 30 ans. Comme dit l’adage,’’ il faut savoir quitter les
choses avant que celles-ci ne vous quittent’’. A bon entendeur, salut!
Malgré l’immense majorité d’un peuple lassé de vous voir à la tête du
pays, vous voilà à nouveau candidat, je devrais dire vous voilà à
nouveau élu, l’élection pour vous n’étant qu’une formalité, mais alors,
avez-vous pensé qu’à la tête du pays depuis tant d’années, au contraire
de vos adversaires à l’élection, vous devez des explications à votre
peuple, vous avez à vous faire pardonner pour des promesses non tenues,
pour l’inexécution du contrat qui vous lie, à savoir la mise en place
des institutions que vous avez voulues et que le peuple a adoptées : le
conseil constitutionnel, le sénat, les conseils régionaux et j’en passe.
Avez-vous à l’esprit que l’heure des élections est le moment où les
candidats caressent l’électeur ? Mais alors que faites-vous des lois
inappliquées, ou mal appliquées, par des magistrats qui ont vendu leur
conscience au diable, ne se souciant en rien de l’avancée que vous leur
avez faite en transformant l’autorité judiciaire en un véritable
pouvoir: le pouvoir judiciaire.
La confiance n’exclut pas le contrôle.
‘’Le monde est dangereux à vivre, non à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire.’’
Monsieur le Président BIYA, l’opération ‘’Epervier’’, décidée à juste
titre pour assainir la gestion des finances et de biens de l’Etat ne
saurait être une arme pour ‘’mettre à l’ombre’’ des compatriotes devenus
gênants ou indésirables. Ceux-ci sont des citoyens et à ce titre
méritent d’être traités en respect des règles élémentaires du droit.
Nous en sommes aujourd’hui loin, bien loin.
Rappelons, à l’occasion, quelques règles élémentaires de notre droit :
Aux termes de l’article 8 du code de procédure pénale :
1°) Toute personne suspectée d’avoir commis une infraction est présumée
innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au
cours d’un procès où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui
seront assurées
2°) La présomption d’innocence s’applique au suspect, l’inculpé, au prévenu et à l’accusé
Aux termes de l’article 221 du même Code
1°) La durée de la détention provisoire est fixée par le juge
d’instruction dans le mandat. Elle ne peut excéder six mois. Toutefois,
elle peut être prorogée par ordonnance motivée, au plus douze mois en
cas de crime et six mois en cas de délit»
2°) A l’expiration du délai de validité du mandat de détention
provisoire, le juge d’instruction doit, sous peine de poursuites
disciplinaires, ordonner immédiatement la mise en liberté de l’inculpé, à
moins qu’il ne soit détenu pour autre cause.
La détention préventive ne peut donc excéder le délai de dix huit mois au maximum aux termes de cet article 221.
Je dois ajouter pour être complet que l’article 262 al. 2 dispose que :
Lorsque l’inculpé détenu ou placé sous surveillance judiciaire est
renvoyé devant le Tribunal pour crime, l’ordonnance de renvoi ne met pas
fin à sa détention provisoire ou à la mesure de surveillance
judiciaire;
Mais ce texte, qui vient en contradiction avec l’article 221 qui
garantit le principe de liberté proclamé par notre loi fondamentale et
la déclaration universelle des droits de l’homme, invite le magistrat à
scruter la pensée du législateur pour faire une œuvre prétorienne,
créatrice du droit par le pouvoir d’interprétation que lui reconnaît la
loi, face à une situation ambiguë ou devant un vide juridique.
Le législateur a par ailleurs prévu dans l’article 21 du même code de
procédure pénale, hormis le cas de crime passible de peine de mort que
la personne arrêtée peut être remise en liberté si elle produit des
garanties.(caution, garants).
Malgré l’existence de ces textes qui montrent combien le législateur
tient à la sauvegarde des libertés individuelles, nombreux sont les
camerounais qui végètent en prison à cause des lenteurs entretenues de
procédure que le même législateur a pourtant voulu limiter en imposant
des délais.
La privation de liberté par la détention préventive est-elle ainsi
devenue une sanction de fait, un mode de brimade, d’humiliation et de
démonstration de force dans un Etat qui se veut de droit ?
Sinon, comment comprendre, Monsieur le Président BIYA, que nos maisons
d’arrêt soient encombrées par des accusés qui non seulement offrent des
garanties de représentation, mais dont la durée de détention privative a
dépassé les 18 mois maximum prévus par les textes?
Vous êtes-vous fait présenter, Monsieur le Président, le dossier de Me
Lydienne YEN EYOUM, Avocate au Barreau Cameroun, qui croupit depuis
bientôt 2ans dans les geôles de KONDENGUI sous le fallacieux prétexte
qu’elle fait l’objet d’une poursuite judiciaire pour crime de
détournement de deniers publics alors qu’elle n’a commis aucune
infraction ?
‘’Le monde est dangereux à vivre, non à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire.’’
Nous sommes de ceux qui vous apportent tout leur soutien dans la lutte
que vous menez, pour le plus grand bien du pays, contre la corruption et
pour ‘’l’opération épervier’’ qui l’accompagne. Mais cette lutte ne
doit pas servir de terrain à des règlements de comptes, arme
qu’utilisent sans ménagement ceux qui, en position de pouvoir,
supportent mal la concurrence.
Nous pensons qu’il est important dans cette démarche d’assainissement
que le droit soit scrupuleusement respecté et la dignité de l’homme
protégée, afin d’éviter des dérives qui feraient basculer le pays dans
des voies de fait qui l’éloignent de vos nobles préoccupations.
A ce titre, l’Etat doit être un exemple de la soumission au droit, aux
décisions de justice, gage du respect du sacro-saint principe de la
séparation des pouvoirs qui assure la sécurité des transactions et des
droits.
En principe, la personne mise en examen est présumée innocente tant
qu’elle n’a pas été jugée coupable par un tribunal et reste libre.
Aussi, le fait d’emprisonner un accusé pouvant être assimilé par
l’opinion à une déclaration de culpabilité, c’est avec beaucoup de
précautions et soins que l’on doit recourir à la détention préventive.
Que reproche-t-on à cette Avocate sans histoire ?
De s’être payée ses honoraires sur des fonds qu’elle a recouvrés pour le compte de son client l’Etat du Cameroun.
De quoi s’agit-il ?
Me Lydienne Yen Eyoum, Avocate au barreau du Cameroun, est constituée
par Monsieur Akame M’foumou, alors Ministre d’Etat en charge des
finances, pour assurer la défense des intérêts de l’Etat du Cameroun et
la liquidation de l’ex-Oncpb contre d’abord les Ets Gorzounian, ensuite
la Sgbc. Pour résumer, après plusieurs années de procédure, elle fait
condamner la Sgbc à payer à l’Etat du Cameroun la somme de
5.124.497.461,24 francs en principal, intérêts, frais et émoluments,
sous astreinte de 1O millions de francs par jour de retard. Cette somme
sera portée à près de 11 milliards de francs que la Sgbc devra payer à
l’Etat du Cameroun, cela grâce à son travail et ses bonnes diligences.
Pour échapper au paiement de ces sommes, la Sgbc engage des voies de
recours que lui reconnaît la loi, en même temps qu’elle met en mouvement
en marge de la Justice la batterie de ses relations. Ne parvenant pas à
s’entendre donner raison en justice, la SGBC approche le Ministre des
finances Akame M’foumou, lequel, par Me Mbiam, Avocat venu dans le
dossier comme un cheveu dans la soupe, transige sur le dos de Me Yen
Eyoum, Avocat officiellement constitué, et accepte pour solde de tous
comptes la somme de F.CFA 3.987.972.800, renonçant par là au surplus au
préjudice de l’Etat.
Pour la petite histoire, rappelons que pour ce passage éclair dans le
dossier et sans avoir posé le moindre acte de procédure, Me Mbiam
percevra la modique somme de 35O millions de F d’honoraires sans que
l’Opération ‘’Epervier’’ ne s’interroge ni sur l’importance du montant
de ces honoraires, 35O millions de FCFA pour moins d’une journée de
vacations, ni sur les raisons de l’abandon par le Ministre Akame
M’foumou des sommes aussi importantes, près de 7 milliards de francs CFA
au préjudice de l’Etat et à la faveur d’une société privée, la Sgbcpour
laquelle, ce Ministre, haut dignitaire de la République, a fait de
l’Etat du Cameroun un agent de recouvrement pour le compte de la Sgbc
Quelle humiliation pour notre cher Pays!
Décidément, l’Opération Epervier a plusieurs yeux et sait user de deux poids, deux mesures.
Me Yen Eyoum, qui ignore tout de cette transaction, ainsi que l’avouera
le Ministre Akame M’foumou, lors de l’enquête préliminaire, se
rapproche du nouveau Ministre de finances Monsieur Meva’a M’eboutou qui
l’oriente vers son collègue Henri Engoulou, Ministre du Budget, lequel
d’investigation à l’examen du dossier, instruit
Me Yen Eyoum d’engager une nouvelle procédure en recouvrement de la
somme de F.CFA 2.155.971.808 considérée comme somme que reste devoir la
SGBC à l’Etat. Cette nouvelle procédure sera également menée avec succès
dans l’intérêt de l’Etat du Cameroun et, lorsque les fonds sont versés à
Me Yen Eyoum pour le compte de l’Etat, celle-ci recevra du Ministre du
Budget Henri Engoulou l’ordre de virer la moitié des fonds recouvrés au
compte n° 41000 ouvert dans les livres de la Beac au profit du Trésor
Public et de conserver l’autre moitié en attendant que les parties se
mettent d’accord sur le montant des honoraires et des émoluments de
l’Avocat et autres auxiliaires de justice impliqués.
C’est pour s’être payé ses honoraires et émoluments sur cette somme que
Me Yen Eyoum, qui a passé près de 1O ans dans le suivi du dossier
l’Etat dans ses diverses phases de la procédure, est poursuivie et jetée
en prison du chef de détournement des deniers publics.
Peut-on parler de détournement des deniers publics là où
l’Avocat a gardé des fonds en accord et sur instruction de son client en
vue du paiement de ses droits (honoraires et émolument)?
Il n’ya que dans le pays de Paul Biya que cela est possible. Cela relève du surréalisme.
Le détournement des fonds publics autrement appelé abus de confiance
est « le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, en
l’occurrence l’Etat du Cameroun, des fonds, des valeurs ou un bien
quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les
rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ».
Ce délit est constitué par trois éléments constitutifs : un
détournement, un préjudice et une intention, et suppose au préalable la
réunion de deux conditions.
Les deux conditions préalables
1-1 L’Accord de volonté
1-2 La remise certaine, volontaire et précaire
Les éléments constitutifs
1-2 Le détournement
1-2 Le préjudice
1-.3 L'intention
Il faut un accord de volonté, entre le propriétaire et l'agent, par
lequel ce dernier doit lui restituer la chose confiée ou en faire un
usage déterminé.
C’est par accord entre le Ministère des finances, représentant l’Etat
et Me Yen Eyoum, son Avocat que les fonds ont été remis par la Beac à Me
Yen Eyoum qui en a disposé conformément aux instructions de son client
sans qu’il y ait eu le moindre conflit entre elle et son client l’Etat.
Disons au passage que le contentieux d’honoraires, né du conflit entre
l’Avocat et son client, relève d’une juridiction spéciale que dirige en
première instance le Bâtonnier l’Ordre. Elle est loin d’être une
juridiction pénale susceptible de priver de liberté.
En l’espèce, entre Me Yen Eyoum et son client l’Etat du Cameroun,
représenté par le Ministre des finances, il n’y a eu aucun conflit
d’honoraires
Il y aurait eu détournement lorsque l’avocat, mis en demeure de
restituer les fonds, ne pourrait le faire, pour en avoir fait un usage
abusif de mauvaise foi et non-conforme à la destination de la remise. Ce
qui est loin d’en être le cas en l’espèce puisque Me Yen Eyoum a reçu
de son client, le Ministre des finances, l’ordre de virer la moitié des
fonds recouvrés dans un compte à la Beac ouvert au nom de l’Etat du
Cameroun et de conserver l’autre moitié jusqu’à ce que les parties se
soient mises d’accord sur le montant des sommes dues à l’Avocat et
autres auxiliaires de justice (honoraires, frais et émoluments).
C’est parce que Me Yen Eyoum ne se sentait pas en état d’infraction,
son client, le Ministère des finances, ne lui reprochant rien, qu’elle a
estimé son arrestation par une mise en détention préventive arbitraire,
l’action ne reposant sur aucune infraction et qu’elle a sollicité sa
libération immédiate au nom de l’habeas corpus prévu par l’article 9 de
la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 et l’article
584 du code procédure pénale.
Sa requête en libération immédiate a tout simplement été rejetée et
l’arrêt confirmatif de ce rejet rendu dans des conditions de forme
ubuesques qui place le Cameroun purement et simplement dans un Etat de
non droit.
En effet le Juge d’appel a tenu son audience en cachette sans y avoir
cité ni Me Yen Eyoum, l’appelante ni les conseils de celle-ci, premier
vice, deuxième vice tout aussi grotesque, son arrêt ne fait ressortir ni
son nom ni celui du greffier audiencier comme le recommande la loi à
peine de nullité ; plus grave est le fait de siéger en juge unique alors
que la loi fait obligation à la Cour de siéger en cette matière en
collégialité.
Malgré tous ces vices de formes qui entraînent la nullité de l’arrêt
confirmatif de l’ordonnance de rejet de la requête en libération
immédiate de Me Yen Eyoum, son pourvoi se trouve dans les oubliettes de
la Cour Suprême, sans que le Président de cette Haute Juridiction, qui
incarne le Pouvoir judiciaire, n’en soit ébranlé dans son sommeil.
Sommes-nous dans ces conditions dans un Etat de droit ?
Le Cameroun, c’est le Cameroun me direz vous.
Pendant ce temps, Me Yen Eyoum continue à tuer le temps à Kondengui. Et
alors qu’elle croyait son calvaire arrivé à son terme par application
de l’article de l’article 221 du code procédure pénale, voilà que le
Président du Tribunal de Grande Instance rejette à nouveau sa requête au
nom de l’habeas corpus en libération immédiate
Quel est donc le prix de la liberté dans le pays de Monsieur Paul BIYA?
Dans ce dossier de Me Yen Eyoum, on retrouve la même privation abusive
de liberté en ce qui concerne deux anciens membres de gouvernement : le
Ministre Abah Abah et le Ministre Engoulou, deux ministres, qui ont agi
régulièrement dans le cadre de leurs fonctions sans qu’aucun abus ne
leur soit reproché.
Faut-il croire que dans le pays de Monsieur BIYA, le ministre n’a pas
le droit de constituer Avocat et de convenir avec celui-ci du montant
des honoraires ? S’il en est ainsi, servir l’Etat à ce niveau de
responsabilité serait fortement entravé et l’engouement et la
détermination au travail comprimés. Comment établir la preuve de
l’élément moral indispensable dans la matérialité de toute infraction ?
Monsieur le Président Candidat, vous êtes maître de l’action publique ;
quand il n’y a pas d’infraction donnez toutes instructions utiles pour
arrêter les poursuites; il n’ya pas de honte à cela. L’attitude du
Procureur dans l’affaire DSK à NEW-YORK est une belle illustration, et
c’est cela l’Etat de droit, où l’on ne force aucun passage pour faire
dire aux lois ce qu’elles ne disent pas.
Vous n’avez pas le droit de briser la vie de vos compatriotes sous
prétexte que vous avez sur eux le droit de vie et de mort. Une telle
attitude n’est pas citoyenne.
Monsieur BIYA, c’est tous ces travers que vous avez développés et
laissé prospérer à la tête de l’Etat du Cameroun depuis une trentaine
d’années bientôt, infantilisant et clochardisant à souhait vos
compatriotes, qui ont épuisé les ressorts de leur capacité à résister.
Veuillez arrêter l’érosion avant qu’il ne soit trop tard.
‘’Le monde est dangereux à vivre, non à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire’’
Vous parlez sans cesse de démocratie tout en essayant de vous
convaincre que l’émiettement à l’extrême de la classe politique vous
garantirait l’éternité à la tête de l’Etat, mais le piège vient de se
refermer sur vous.
Vous voilà, devrais-je dire, encore, face à une pléthore de candidats
dans une élection à un tour ; et vous claironnez que vous n’avez peur de
personne! Quoi de plus normal, puisque la désinvolture avec laquelle
vous gérez le pays a contribué à désacraliser cette haute fonction de
l’Etat en ouvrant le jeu de manière aussi inquiétante que vicieuse.
Vous serez à coup sûr réélu, mais à 20% tout au plus du corps
électoral. Mathématiquement vous n’aurez pas conquis le cœur de 80% de
vos compatriotes et vous vous proclamerez quand même président de tous
les Camerounais.
C’est une farce, et vous le savez, tout comme l’est cette loufoque et
morbide mise en scène autour de ces agapes pompeusement baptisées
‘’Appels du Peuple’’ commis sous forme de livres par une entreprise
publique aux frais du contribuable au moment où vous redoutiez les
foudres de ceux qui vous invitaient à la raison en passant la main le
plus naturellement du monde.
Et alors que l’on attendait que vous alliez jusqu’au bout de votre
logique en terminant en apothéose au cours d’une grand’messe de votre
club-parti qui vous aurait ainsi adoubé, voilà que dans vos entourloupes
habituelles, vous vous portez candidat avant ce rendez-vous tant
attendu, prenant le contrepied de vos éventuels adversaires intérieurs.
Décidément, vous ne changez pas : vous évitez la contestation et vous
vous cachez derrière des astuces moyenâgeuses : malheureusement, ce
n’est que votre petit doigt!
A cause de tous ces atermoiements, nous faisons aujourd’hui l’objet de
railleries de la part de nos frères ivoiriens qui ne comprennent pas que
les Camerounais qui ont dépensé des trésors d’énergie autour de la
crise qui a secoué leur pays au point de diviser des ménages, de ruiner
des amitiés ne soient pas capables d’ouvrir un simple débat sur votre
éligibilité conformément à la loi fondamentale de notre pays.
C’est à peine s’ils ne nous traitent pas de ‘’femmelettes’’ lorsqu’au
regard de votre violation du consensus conclu sur la question de la
limitation des mandats présidentiels, ils se rendent compte que vos
supposés adversaires politiques rivalisent plutôt d’adresse pour
présenter la meilleure figure d’’’aplaventrisme’’, danse en vogue sous
le règne du Renouveau.
Que vous l’admettiez ou non, l’Histoire ne retiendra pas de vous
l’image d’un fin tacticien, mais celle d’un chef de bande, responsable
avec ses copains de la descente aux enfers d’un pays, pourtant riche à
tous égards. Ceux-là sont tout autant responsables que vous et rendront
des comptes à la nation le moment venu : on peut citer pêle-mêle (i)
celui qui s’est autoproclamé leader de l’opposition, alors que ce statut
n’est pas inscrit dans nos textes, (ii) celui qui prétendait chasser
une bête paresseuse de la forêt, (ii) l’autre qui déclare qu’il ne peut
être que Premier ministre tout en rappelant qu’il a eu à démissionner,
(iv) cet activiste qui passe régulièrement à la caisse, (v) sans oublier
tous les adeptes du féodalisme… et j’en passe !
On ne saurait oublier cette catégorie spéciale et originale d’opposants
désignés mais présents dans le gouvernement et exécutant
scrupuleusement le programme de votre parti.
Tout ceci, loin de vous honorer, a contribué à susciter la lassitude
chez le brave peuple camerounais qui n’a plus que dégoût et désintérêt
pour la chose politique. Ce peuple qui se bat au quotidien pour sa
survie, pour ne pas sombrer dans tous les travers et vices qu’offre le
système maléfique que vous avez institué.
Nous savons que vous vous mirez très souvent et désormais, lorsque vous
vous interrogerez, le miroir vous renverra une implacable image, celle
de votre échec patent. A la jeunesse du pays, vous laissez comme seul
héritage les bend-skin et les call-boxes et à nos mères qui ont perdu
leur panier de la ménagère, anéanties par la pauvreté, votre legs c’est
le sachet plastique noir, un cache misère.
Monsieur Biya, vous connaissez les Ecritures, et le Saint-Esprit me
suggère à l’instant de soumettre à votre méditation ces passages tirés
de 1 Théssaloniciens 5 : 2-3 :
« Vous savez vous-mêmes que le Jour du Seigneur arrive comme un voleur
en pleine nuit. Quand les hommes diront : Paix et sécurité ! C’est alors
que tout d’un coup fondra sur eux la perdition, comme les douleurs sur
la femme enceinte, et ils ne pourront y échapper. »
(*)Président du M.S.N.D.