Les états généraux sur la protection de la fortune publique au Cameroun se sont achevés hier, 11 octobre 2012, par des recommandations. Après trois jours d’échanges et de discussions, 344 participants, composés de cadres de l’administration camerounaise, des responsables des organes de lutte contre la corruption, de la société civile, des universitaires ou encore des hommes de médias ont formulé des propositions pour optimiser les mécanismes de récupération et de recouvrement des biens et fonds publics du Cameroun spoliés.
Parmi ces recommandations, l’extension des poursuites du Conseil de discipline budgétaire et financière du ministère en charge du Contrôle supérieur de l’Etat aux ayants-droits des acteurs de détournement de fonds publics. Ceci par « l’installation physique de la commission des biens et avoirs, la nomination de ses membres et la mise à sa disposition des moyens financiers ». Aussi proposée, « la révision du code de procédure pénale par l’abolition des immunités et la consécration de l’extension des poursuites aux ayants-droits ».
Interrogé au sujet de ces propositions, Hervé Emmanuel Kom, adepte du Rdpc, le parti au pouvoir, pense que c’est tout à fait normal que les proches de ceux qui ont joui de l’argent du contribuable puissent être inquiétés. « Si vous êtes détenteur d’un bien mal acquis, vous devenez complice. Au nom de quoi les descendants des voleurs devraient avoir une vie plus agréable que ceux qui travaillent tous les matins ? Si votre grand-père était voleur et que vous le savez, et que vous jouissez de ces produits du vol, je vous laisse à votre morale personnelle », affirme-t-il.
Mamy Raboanarijaona, le coordonateur du projet Choc (Changer d’habitudes, s’opposer à la corruption), n’en pense pas mois. « Quand on parle par exemple de blanchiment d’argent, ce n’est pas uniquement la propriété qui est au nom de la personne responsable qui est impliquée, mais aussi les propriétés de son entourage. Il faut voir les richesses de son épouse, de ses enfants, etc. Cela fait partie du système de récupération des avoirs », explique-t-il.
Mais, tient-il, à préciser les ayants-droits ne peuvent être poursuivis pénalement avec possibilité d’aller en prison. « Ce ne sont pas eux qui ont volé l’argent. La confiscation des biens est dans certains cas tout à fait normale », affirme-t-il. Pour lui, il faut étudier les situations au cas par cas. « S’il y a des enfants qui ont participé à cette forfaiture, il est clair qu’il font partie des coupables », ajoute-t-il.
Si cette recommandation et les autres sont mises en œuvre, même les ayants droit d’un président de la République ne seraient pas épargnés, si jamais celui-ci était reconnu coupable de détournement de fonds publics, se réjouissent certains participants à ces états généraux sur la protection de la fortune publique.
Toujours dans le souci de récupérer l’argent volé, les participants ont recommandé l’institution d’une prime de 5% des montants récupérés au profit des agents récupérateurs ; la création d’un compte spécial d’affectation consacré à la réalisation des grands travaux publics alimenté par les revenus des opérations de recouvrement et de récupération ; la formation d’un corps de magistrats spécialisés dans les domaines des atteintes à la fortune publique et de la reconstitution du patrimoine public ou encore l’amélioration des conditions de vie et de travail du personnel impliqué dans le recouvrement et la récupération des fonds et biens publics distraits.
Extraits de quelques recommandations des états généraux sur la protection de la fortune publique au Cameroun
L’introduction dans notre système d’une loi qui prendrait en compte les préoccupations de l’article 66 de la constitution (sur la déclaration des biens et des avoirs, ndlr) ;
La révision du code pénal dans le sens d’une politique criminelle qui met l’accent sur la protection de la fortune et l’intégration des incriminations consacrées en la matière par les conventions internationales et la transformation du délit de corruption en crime ;
La systématisation de l’obligation de la publication des rapports périodiques sur l’état de la vérification des finances publiques ;
La suppression du jugement en premier et dernier ressort du Tribunal criminel spécial, en consacrant l’appel comme voie de recours intermédiaire avant la cassation ;
La réévaluation des salaires des acteurs de la répression.