Les voyous de la République
Les récentes révélations du site internet Wikileaks sur la classe
politique camerounaise, quoi que l’on dise, ne seront pas sans
conséquences. De nombreux destins politiques seront sûrement compromis,
des carrières dévastées. Le sentiment de haine de l’autre poussera
encore le cannibalisme symbolique des faux amis et des redoutables
ennemis à incandescence.
Notre classe dirigeante s’apprêtait encore à entrer dans le troisième
millénaire de notre ère, cinquante ans après notre indépendance, avec
la ferme volonté de continuer à tromper le peuple méthodiquement,
consciemment, minutieusement et sans pudeur aucune, ni émotion, comme si
rien n’allait jamais lui arriver. Elle se comportait comme si elle ne
rendrait jamais compte à personne, scellant ainsi ses turpides, son
lot d’hypocrisie et son mépris du bien commun dans le ciment de
l’infini jouissance. La voyoucratie allait son train avec ses prophètes
jouisseurs. Ils punissaient ainsi un peuple innocent, pour finalement
anémier son destin qui ressemble aujourd’hui à une vieille silhouette
émaciée qui traine au milieu d’un siècle qui ne s’accommode plus de
zombies. Mais ceux qui punissaient hier et aujourd’hui pour rien sont
justement punis eux aussi à leur tour.
Les révélations du site internet wikileaks largement reprises par la
presse locale arrivent à la fois à la veille de deux grandes échéances
d’envergure : le congrès ordinaire du parti au pouvoir, le RDPC, les 15
et 16 septembre prochain, et l’élection présidentielle prévue le 09
octobre de cette année. Entre les imprudences de certains ministres, les
propos alambiquées de nombre d’entre-eux ou les égarements
ethno-tribalistes lues ci et là, il n’y a qu’une chose à comprendre :
la rude flagellation des voyous de la république ne fait que commencer.
Ils sont punis de savoir que les faux calculs mesquins, les
appréciations inopportunes et inélégantes dans le dos des vrais faux
amis, la violence verbale, la discourtoisie et la haine des autres sont
désormais étalés sur la place publique. Sans Wikilleaks, nos politiques
allaient continuer à piller impunément nos richesses avec orgueil et
égoïsme, distribuant les prébendes à leurs amis sans aucun regard vers
le bas peuple. Ils croyaient pouvoir continuer à vendre des postes
ministériels et l’honneur de la nation pour deux lentilles et un sou,
sans remords aucun et insultant la vertu et la méritocratie. Ils
voulaient encore traverser crânement notre histoire politique
rassasiés de basses et infâmes trahisons. Les révélations de Wikileaks
auront le mérite de mettre fin à cette autoglorification dans le mal et
la vénalité. Elles ouvrent certainement la porte d’une juste et
méritoire humiliation, mais ce n’est que pour une purification intime de
chacun de nos décideurs.
C’est un mal que les conversations intimes, les envolées verbales
arrachées par la saveur des grands crus ou des simples propos de tables
se retrouvent dans la rue. Mais sûrement un mal pour un plus grand bien :
la fin des voyous de la République.
Haman Mana